Les limites du modèle allemand

Durant sept des huit dernières années, l'Allemagne a été championne du monde des exportations tout en parvenant à sortir de la crise avec un élan remarquable. À l'automne 2010, l'économie allemande vrombit à nouveau, propulsée par son extraordinaire capacité à exporter. C'est ainsi qu'elle a connu une croissance de 2,2 % au cours du deuxième trimestre 2010 et que 3,3 % sont attendus pour l'année entière. L'économie française n'aura, elle, progressé que de 0,6 % au cours du deuxième trimestre, témoignant d'un climat de prudence. Fascinés, mais parfois irrités, de nombreux Français lorgnent sur le modèle allemand, et notamment sur cette machine à exporter que rien ne semble pouvoir arrêter. L'année 2009 a vu les exportations allemandes atteindre 1.121 milliards de dollars contre 475 milliards de dollars en France.Ce modèle peut-il perdurer ? Comment le pays qui, il y a quelques années encore, était surnommé « l'homme malade de l'Europe » a-t-il pu devenir un exportateur aussi performant ?Le boom des exportations est en partie une conséquence de leur effondrement de 2009. Les exportations allemandes ont alors chuté de 22 % et le PIB a reculé de plus de 5 %. De nombreux produits allemands ont souffert de leur caractère « repoussable », c'est-à-dire du fait qu'il soit possible de remettre leur achat. C'est le cas notamment des machines-outils, des automobiles ou encore de l'électroménager. Cependant, certains de ces produits sont aussi difficiles à remplacer - principalement les biens industriels - et leur achat s'avère donc inévitable. Ce sont ces biens, dont l'achat a été repoussé en 2009, qui rattrapent leur retard. Dès lors, il s'agit de ne pas se leurrer quant à la force de la reprise. Le niveau des nouvelles commandes va se normaliser à moyen terme. En parallèle, le redressement de la France va s'accélérer et l'écart entre les deux économies se réduire.Par ailleurs, les syndicats ont contribué en Allemagne à la modération salariale, la sauvegarde de l'emploi primant sur la revalorisation des salaires. Cette coopération entre syndicats et employeurs s'est révélée très efficace, en témoigne la faible progression du taux de chômage pendant la crise. À cela s'est ajoutée l'application efficace des dispositions économiques et sociales de « l'Agenda 2010 », conçues par l'ancien chancelier social-démocrate Gerhard Schröder et ajustées par la coalition de centre-droit au pouvoir depuis 2009. C'est dans ce contexte que les entreprises allemandes ont gagné en compétitivité par rapport à leurs voisins. Mais ces conditions particulières sont vouées à s'estomper. Avec la reprise, les employés exigent leur part des profits retrouvés. Un premier signe révélateur en est l'augmentation des salaires de 3,6 %, qui a été convenue en septembre dans l'industrie métallurgique. Cette évolution salariale de long terme étant spécifique à l'Allemagne, une érosion rapide de l'avantage de coût de ses entreprises est à prévoir.Les limites du modèle allemand sont également illustrées par la faible rentabilité de ses entreprises. Ainsi, parmi les pays industrialisés, seul le Japon fait moins bien que l'Allemagne en termes de bénéfices. En 2008, le taux de résultat net moyen des firmes germaniques s'est élevé à 3,2 % pendant que les entreprises françaises dégageaient un bien meilleur taux de 3,8 %. Cela signifie que l'Allemagne propose ses produits à un prix trop faible eu égard à leurs coûts - et explique en partie le succès de ses exportations. Cette situation révèle toutefois qu'il est impératif pour les entreprises d'outre-Rhin de corriger leurs prix pour améliorer leur profitabilité.Enfin, le principal obstacle à la pérennité du modèle allemand est d'ordre démographique. Tandis que la population française croîtra de 63 millions d'habitants aujourd'hui à 68 millions en 2050, l'Allemagne va, sur la même période, passer de 82 à 70 millions d'habitants. Une telle contraction constitue un handicap économique majeur, au-delà du simple vieillissement. Seule une gestion qualitative et quantitative plus efficace de l'immigration pourrait y apporter une solution. Un thème encore tabou en Allemagne, or c'est bel et bien à cet égard que la « machine » germanique est vouée à se gripper.
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