Proglio chez EDF  : pour un retour à la raison

oint de vue Pascal Perri Professeur d'économie à l'école de commerce Advancia (*)L'arrivée de M. Proglio à la tête d'EDF marque un tournant dans l'histoire du grand électricien français. Pour la première fois, le président d'EDF est en même temps dirigeant influent d'un grand groupe industriel français (Veolia). Au moment où le public attend plus de transparence et de visibilité dans la gouvernance et la vie économique, c'est un signal à contresens qui vient d'être envoyé. Et ce d'autant que, contrairement à ce qu'affirme M. Proglio, EDF et Veolia pourraient bien se retrouver en compétition à l'occasion du futur renouvellement des concessions de barrages hydroélectriques. Pire encore, les premières déclarations de M. Proglio appelant à un redécoupage du secteur de l'énergie et du nucléaire sont inquiétantes pour les consommateurs et pour la libre concurrence.Il conviendra tout d'abord d'être attentif à la future loi sur les tarifs de l'électricité, qui doit être votée avant l'été prochain, et de veiller à ce que les parlementaires se prononcent sur la base d'une information claire et non biaisée. Un exemple : sur les 90 euros du mégawatheure du tarif réglementé, le nucléaire en représente un tiers, soit environ 30 euros. Or EDF et son nouveau président proposent de céder le mégawatheure aux opérateurs alternatifs au prix de 46 euros, soit une hausse du tarif réglementé de 17 % (qui sera payée par le consommateur final et, comble du paradoxe, qui correspond à s'y méprendre au fameux plan d'augmentation de 20 % qui a valu à Pierre Gadonneix de perdre la présidence d'EDF !). Cette tragique stratégie-prix étoufferait immédiatement les nouveaux entrants qui ne pourraient rivaliser avec EDF sur la bataille des tarifs, sauf à s'inscrire dans une insolvabilité chronique qui finirait par les faire disparaître les uns après les autres (et la concurrence, toujours vertueuse pour le consommateur, avec !). L'État doit en conséquence très vite faire pression sur EDF pour mettre un terme à cette inégalité structurelle et lui imposer de revendre cette électricité aux alternatifs au prix coûtant (30 euros) afin que les consommateurs ne soient pas pénalisés par l'attitude de plus en plus dominatrice d'EDF. Cela donnera également aux nouveaux entrants la bulle d'air nécessaire pour innover et proposer aux consommateurs non seulement des tarifs attractifs mais également des compteurs intelligents et d'autres inventions simples et concrètes permettant d'optimiser la consommation d'électricité. Quand, par ailleurs, M. Proglio annonce vouloir mettre la main sur l'ex-Framatome, la filiale de réacteurs nucléaires du groupe Areva, il fait passer l'intérêt supposé d'EDF avant celui du pays dans son ensemble. Car si Areva remporte des marchés à l'étranger ? ce qui est notre intérêt à tous ? c'est précisément parce qu'elle est totalement indépendante des électriciens et qu'elle peut, en conséquence, imaginer des partenariats au cas par cas avec les acteurs locaux qui verraient d'un très mauvais ?il la présence d'un de leurs concurrents aux commandes du vendeur de centrales. Cette « stratégie Areva », portée par Anne Lauvergeon et qui en a fait un leader mondial, est copiée par ses plus sérieux concurrents et il serait irrationnel, sur un marché ouvert et réputé concurrentiel, de la remettre en cause par excès d'« orgueil des affaires ». Rien n'empêche, bien entendu, qu'EDF soit partenaire d'Areva sur une offre particulière si le client ou le prospect le désire. Mais il faut impérativement préserver la flexibilité structurelle d'une stratégie « à la carte » qui, seule, permet d'attaquer efficacement le marché mondial. Que diraient les grandes compagnies aériennes internationales si Air France lançait une OPA hostile sur Airbus ? Le bon sens commande, à l'évidence, de ne pas casser Areva en deux et de se garder des ambitions démesurées de domination de l'énergie en France. Le pouvoir politique se doit, en ce début de mandat à la présidence d'EDF, de faire efficacement pression sur M. Proglio pour que les règles prudentielles en matière de gouvernance industrielle et d'accessibilité commerciale soient respectées pour enfin créer les conditions d'une vraie concurrence sur le marché français de l'électricité. Parce qu'il a promis d'aller chercher la croissance avec les dents et qu'il affirme être fidèle à sa promesse d'une gouvernance plus éclairée et plus pertinente, M. Sarkozy doit rappeler au nouveau président d'EDF que l'histoire s'écrit en avant et non en arrière et que l'intérêt des Français, dans le secteur de l'énergie comme dans les autres, ne passe pas par la création d'un grand « machin » de l'énergie mais par la souplesse du leader nucléaire et par plus de concurrence et moins de monopoles. n (*) Auteur de « la Bataille du pouvoir d'achat », Éd. Eyrolles, 2008.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.