Chronique de la City : Attention, Paris attaque !

Il s'est passé quelque chose d'étrange ce vendredi à Londres : une réunion portant sur la régulation financière, qui s'est presque entièrement tenue en français. Un tel honneur a été provoqué par Jean-Paul Gauzès, député UMP et rapporteur de la directive sur les fonds alternatifs. Il l'avoue lui-même : il n'avait pas mis les pieds à Londres depuis 37 ans et ne parle presque pas un mot d'anglais. Pour l'occasion, la plupart des intervenants ont fait un rare effort, s'exprimant dans une langue de Molière qu'ils maîtrisaient étonnamment bien.Barnier, un homme "dangereux" ? Un simple symbole ? Certes. Mais il vient rappeler que l'avenir de la réglementation financière britannique est en grande part aux mains de Français. Outre Jean-Paul Gauzès, il y a bien sûr Michel Barnier, le commissaire européen en charge de la finance.Cela ne va pas sans provoquer un certain malaise à la City. Paris n'essaierait-il pas d'étouffer la place financière britannique ? La France, avec la complicité de l'Allemagne, aurait-elle lancé une vaste offensive contre le capitalisme anglo-saxon ? Gillian Tett, l'influente éditorialiste de Financial Times, spécialiste des marchés financiers, tirait encore la sonnette d'alarme ce vendredi. Elle avertit contre les plans de Bercy de créer une plateforme électronique pour échanger des obligations européennes. Le Daily Telegraph titrait aussi, fin février : « Michel Barnier est-il l'homme le plus dangereux d'Europe ? »Le blocage de BrownLe malaise britannique s'est concrétisé quand Gordon Brown, au tout dernier moment, a bloqué la directive sur les fonds alternatifs (« directive AIFM »). Le matin de la réunion du conseil européen, le 16 mars, celle-ci était à l'ordre du jour. Le leader britannique l'a fait retirer, passant un coup de téléphone à Jose Luis Zapatero, qui tient actuellement la présidence de l'Union Européenne.La réalité est cependant plus nuancée que cela. Progressivement, un terrain d'entente entre Jean-Paul Gauzès et Michel Barnier d'un côté, et la City de l'autre, semble se dessiner. « Je ne suis pas aligné sur les positions de la France », précise Jean-Paul Gauzès, qui affirme avoir dû dire « non » à Christine Lagarde à plusieurs reprises. L'ébauche d'un compromis partagéCette attitude semble avoir été en partie reconnue à Londres. « Au début du débat sur la directive AIFM, le soupçon existait, mais nous nous approchons maintenant d'un compromis », estime Syed Kamall, député européen conservateur, qui suit la directive de près. Il a organisé récemment un petit-déjeuner avec Michel Barnier et des gérants de hedge funds. Celui-ci les aurait rassurés, affirme-t-il : « le commissaire affirme que si on fait partir les fonds de Londres, ils n'iront pas vers Paris ou Francfort, mais hors d'Europe. »Même vision du côté de Peter Skinner, un député européen britannique travailliste, et spécialiste des questions financières. « C'est vrai qu'il y a une opposition entre une vision britannique, qui préfère une réglementation internationale, et une vision continentale, qui soutient une réglementation européenne. Mais je crois que tout le monde est conscient désormais que le danger est que toute l'Europe y perde. »A les croire, un compromis entre l'efficacité anglo-saxonne et la protection française serait en train d'être trouvé. On ne demande qu'à les croire. Reste aux politiciens à le prouver, et à entériner les différentes directives et régulations nécessaires.
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