Retraites et allongement de l'espérance de vie (1/2) : quel impact sur la durée de cotisation ?

Alors qu\'en 1994, un homme âgé de 60 ans pouvait espérer vivre encore 19,7 ans, il a désormais une espérance de vie moyenne de 22,6 ans, d\'après les estimations de l\'Insee. Il y a donc de plus en plus de pensions de retraites à assurer et pendant plus longtemps.Deuxième phénomène démographique à prendre en compte : le baby-boom. Outre l\'amélioration de l\'espérance de vie, le grand nombre de personnes nées après la seconde guerre mondiale fait aujourd\'hui gonfler encore plus le nombre de retraités. \"Du fait de la croissance de la population âgée, en 2050, il n\'y aurait plus que 1,4 actif pour un inactif de plus de 60 ans, contre 2,2 en 2005\" notait l\'Insee en juillet 2006.D\'où la nécessité de réformer le système des retraites rapidement. Le raisonnement souvent tenu en la matière est que la durée de vie augmentant, il serait normal de reporter cette évolution sur le rapport vie active/ vie retraitée, afin de maintenir un rapport deux-tiers/un tiers de la vie adulte. Logique. Pourtant, durant toute la seconde moitié du XXe siècle, on a fait le contraire ! Ce que rappelait déjà en 2011 Didier Blanchet, chef du département des études d\'ensemble à l\'Insee, actuellement membre de la Commission pour l\'avenir des retraites qui a rédigé le rapport Moreau.Travailler plus longtemps ? par Didier Blanchet (2011). Durée : 10\'10 from Ined on Vimeo.\"Si on avait appliqué à la lettre ce genre de principe dès la mise en place du système de retraite en 1946, on serait aujourd\'hui avec un âge légal supérieur à 70 ans... Or historiquement on a été exactement en sens inverse, selon une tendance séculaire qui n\'est pas propre à la France\", expliquait-il lors d\'un séminaire de l\'Ined. C\'est vrai, par exemple, qu\'en 1981, l\'âge légal de la retraite a été ramené de 65 à 60 ans. En fait, d\'autres facteurs ont été pris en compte : l\'évolution de la productivité par exemple.La baby-boom, une évolution démographique à double tranchantPendant des décennies, en effet, l\'augmentation de la productivité a permis de produire plus de richesses en travaillant moins. Mais désormais, cette logique est mise à mal. La productivité ralentit fortement, la croissance économique stagne quand elle ne chute pas. Actuellement, la France est même en récession, selon l\'Insee. D\'où la volonté de faire marche arrière et de procéder à un mécanisme inverse de celui suivi au cours du XXe siècle : rallonger la durée de cotisation et repousser l\'âge de la retraite, afin d\'optimiser les chances de survie du système général.Mais légiférer ne suffira peut-être pas. Même si on allonge la durée de cotisation obligatoire par la voie législative, l\'effet mécanique sur le marché du travail n\'est pas garantie. Autrement dit, même si on exige des actifs qu\'ils cotisent plus longtemps, on ignore s\'ils travailleront effectivement plus longtemps.Incertitude sur la possibilité pour les seniors de conserver un emploi\"Quand on allonge la durée de cotisation, c\'est avec l\'idée que les gens vont essayer de travailler plus longtemps pour arriver à bénéficier d\'un taux plein (et donc d\'un niveau de retraite conséquent). Mais cette option risque de ne pas fonctionner pour une partie de la population, soit parce qu\'elle est pressée de prendre la retraite soit parce qu\'elle n\'a de toute façon plus de travail en fin de carrière et souhaite donc passer à la retraite directement\", explique Didier Blanchet à \"La Tribune\". Eventualité probable, étant donné que le taux d\'emploi des 55-64 ans français est actuellement évalué à seulement 39,7 % par l\'Insee. Le taux de chômage de cette tranche d\'âge est de 6,5%. Surtout, selon l\'étude \"Emploi et salaires 2013\" publiée mercredi 6 mars par l\'Insee, le taux d\'activité des seniors français est particulièrement faible comparé à la moyenne européenne. \"La France se distingue par un \'décrochage\' particulièrement marqué de la participation au marché du travail à partir de l\'âge de 55 ans\", peut-on lire dans l\'étude.Le fait qu\'il y ait moins d\'actifs pour assurer plus de pensions de retraites paraît inévitable. \"En toute hypothèse, une baisse du taux de remplacement semble de toute manière inévitable (...), la seule façon de l\'éviter serait que les individus reportent leur départ de plus en plus au-delà du taux plein pour compenser la baisse de la pension à taux plein (et ne pas perdre trop, côté pouvoir d\'achat, ndlr)\", souligne le démographe Didier Blanchet.Toutefois, passé le cap des départs en retraite de la génération du baby-boom, la situation pourrait s\'améliorer. \"Pendant encore 25 ans, les nombreux départs à la retraite des générations du baby-boom et l\'allongement de l\'espérance de vie conduisent à une baisse rapide du ratio démographique (mentionné ci-dessus, ndlr). Mais au-delà, l\'avenir est plus dégagé\", relève la synthèse du rapport Moreau publié début juin.La réforme de 2003 arrive à échéance dans 7 ansEn France, l\'espérance de vie est déjà prise en compte depuis dix ans, à la suite de la réforme effectuée en 2003. Mais la solution n\'est pas définitive. Didier Blanchet explique : \"On a introduit en 2003 une forme de dépendance par rapport à l\'allongement de la durée de vie globale, puisque, au moins jusqu\'en 2020, la durée de cotisation requise pour le taux plein évolue en fonction de l\'espérance de vie pour maintenir un rapport d\'à peu près 2/3 -1/3 entre durée travaillée et durée de la retraite. Néanmoins, ceci ne créé pas un lien complet entre espérance de vie et âge de la retraite. Par exemple, ceci n\'affecte pas les personnes qui atteignent l\'âge minimum en ayant déjà la durée de cotisation requise\".La pénibilité des tâches et l\'allongement des études également considérésBien sûr, l\'espérance de vie n\'est pas le seul critère qui rentrera en compte dans l\'allongement probable de la durée de cotisation. \"L\'allongement de la durée de cotisation doit aussi tenir compte de la pénibilité des tâches\", a par exemple déclaré François Hollande jeudi 20 juin lors de son discours d\'ouverture de la deuxième conférence sociale de son quinquennat. La prise en compte de la pénibilité est d\'ailleurs l\'une des pistes suggérées par la Commission pour l\'avenir des retraites, présidée par Yannick Moreau, qui a remis son rapport à la mi-juin. L\'allongement de la durée des études fait également partie des critères à considérer... mais les débats autour de la réforme des retraites durant tout l\'été puis à la rentrée donneront l\'occasion d\'y revenir, une fois que le gouvernement aura fourni plus de précisions.LIRE LA SUITE (2/2) 
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