La politique au temps du Net

C'est avec les nouveaux médias que la profonde crise politique des années 1930 fut vaincue aux États-Unis. Le 12 mars 1933, Franklin Delano Roosevelt, président fraîchement élu, stoppa la panique bancaire grâce aux nouvelles technologies de l'information. Ce jour-là, un président s'exprimait pour la première fois à la radio et, grâce aux ondes immatérielles, Roosevelt parvint à redonner du crédit à la parole politique. Dès le lendemain de cette première « conversation au coin du feu », des milliers d'Américains rapportèrent leurs économies à la banque, apaisant ainsi la crise de liquidité qui asphyxiait le pays. Internet offre aujourd'hui une opportunité aussi belle pour rénover une vie politique qui en a grand besoin, dénaturée qu'elle est par des partis calcifiés et vieillis. Le réseau innerve désormais une grande partie de la société, permettant de transporter les influx dans les deux sens. La révolution de l'Internet réside dans ces allers-retours incessants, qui effacent la frontière naguère infranchissable entre l'émetteur et le récepteur. La victoire électorale d'Obama aux États-Unis, il y a un an, doit beaucoup à cette mise en relation des intelligences, qui permet parfois de trouver des solutions innovantes à de vieux problèmes. Car le citoyen en sait bien davantage qu'auparavant et il souhaite peser davantage, sur le ramassage des ordures comme sur la culture des OGM ou la politique internationale. Chez nous, Villepin et Royal, opposants sans partis, existent grâce à l'utilisation ingénieuse d'Internet. Et l'affaire Jean Sarkozy a révélé la puissance de la « blogosphère », informe espace de commentaires, de réflexions et de borborygmes qui tient lieu d'opinion publique.Alors que la radio consacrait la puissance de l'émetteur, Internet le dépossède. Un bon libéral ne peut que se réjouir de la disparition d'un monopole qui, comme tous les acteurs en position dominante, facturait ses services beaucoup trop cher. Pour autant, la sacralisation de l'opinion publique, fût-elle parée de nouveauté grâce à l'ADSL, ne conduit guère qu'au populisme. Et l'extraordinaire puissance de l'Internet est ombrée d'un danger considérable, la prévalence de l'émotion, l'instantanéité de la réaction, qui oblitèrent le jugement et le précipitent dans des mouvements browniens dictés par les caprices de l'actualité ou ceux de la psychologie collective. Aurait-on aboli la peine de mort il y a trente ans si Robert Badinter avait sondé la blogosphère sur le sujet ? [email protected]çois lenglet
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