Crise de l'euro  :  les vrais coupables

Pour ceux qui n'ont pas attendu la crise de l'euro pour prédire qu'une crise financière allait secouer l'Europe, la situation actuelle est tout sauf une surprise. Après la chute de Lehman Brothers, tandis que s'effondraient la confiance dans l'honnêteté et l'intégrité du secteur financier, de nombreuses institutions ont continué à dissimuler leurs difficultés aux investisseurs.Au début, ce sont les spéculateurs, les « vendeurs à découvert » et les hedge funds qui ont été pointés du doigt. Pourtant, les véritables responsables sont plutôt ceux qui, profitant de l'inefficacité de la surveillance exercée par les autorités, ont créé des actifs toxiques et dissimulé leur niveau de risque : institutions bancaires, banques d'investissement et agences de notation.Déroulons donc le fil de la crise actuelle de l'euro pour en identifier les vrais coupables. Afin de faire face à leurs besoins de capitaux, les emprunteurs, y compris les États, comme la Grèce, ont recours à des banques d'affaires qui volent à leur rescousse et lèvent des fonds au coût le plus bas. Celles-ci exploitent les lacunes réglementaires, juridiques et comptables pour cacher la véritable situation économique de l'emprunteur. Et pour rassurer les marchés, elles utilisent la caution d'agences de notation. Ainsi, en dépit de leur devoir d'informer les investisseurs de l'ensemble des risques auxquels ils s'exposent, les banques induisent ces derniers en erreur. S'ils avaient été totalement informés de la situation de l'emprunteur, ces investisseurs auraient prêté à des taux d'intérêt bien plus élevés.En dépit du couplet habituel, devenu le symbole persistant de la crise financière, ce ne sont pas les hedge funds qui ont provoqué la crise. Ils ont même été, eux et leurs clients, essentiellement des fonds de retraites, deux fois trompés : tout d'abord par des émetteurs d'instruments financiers malhonnêtes, puis par des gouvernements refusant de reconnaître leur responsabilité et cherchant à rejeter la faute sur ceux à qui ils ont causé du tort - les citoyens, mais aussi les épargnants à travers les plans d'épargne et de retraite investis dans des fonds de pension, des OPCVM et des hedge funds. Et plutôt que d'assumer leur complicité, les dirigeants tentent désormais de rendre responsables ceux qui alertent les investisseurs sur les risques d'un éventuel effondrement.Le plan d'austérité grec ne mettra pas un terme à la crise. Il ne retirera pas la pression économique qui pèse sur la population et n'empêchera peut-être pas une défaillance. Or parier sur la défaillance n'est pas un crime. Ce n'est pas non plus la cause principale de l'augmentation du coût de la dette. Pour pouvoir entrer dans l'Union monétaire européenne et bénéficier d'un coût d'endettement réduit, les gouvernements grecs de l'époque avaient engagé des banques d'investissement qui les ont aidés à enjoliver la situation en manipulant leurs états financiers. L'incapacité des agences de notation à reconnaître cette manipulation ou, pis, leur décision de l'ignorer, témoignent soit de leur incompétence, soit de leur complicité. Et le résultat, c'est que des investisseurs ont été sous-rémunérés au regard des risques qu'ils ont pris.Une fois la vérité découverte, plutôt que d'accepter un coût supérieur du capital pour leurs clients, les banques ont préféré créer l'illusion d'une demande : elles ont elles-mêmes sursouscrit à l'émission de dette grecque en investissant leurs propres fonds. Connaissant les niveaux de risque élevés auxquels elles s'exposaient, elles se sont couvertes contre le risque de défaillance grec en achetant des produits dérivés. Et lorsque les marchés ont compris que les intervenants cherchaient à se protéger contre les risques de défaillance, ce sont les banques et non les spéculateurs qui ont à nouveau fait décaler les marchés.Le rôle traditionnel des établissements bancaires et banques d'investissement agissant comme chefs de file ou banques placeuses est d'organiser la rencontre entre des capitaux à la recherche de retour sur investissement et des emprunteurs ayant besoin de fonds pour soutenir l'activité économique. Au lieu de cela, les banques se sont surtout appliquées à fabriquer, sur de fausses bases, une demande artificielle pour des produits financiers opaques et risqués. Et plutôt que d'agir dans l'intérêt de leurs concitoyens, les représentants officiels ont décidé qu'ils pouvaient appliquer la loi de façon arbitraire pour dissimuler leur complicité. La crise ne connaîtra pas de fin tant qu'ils n'admettront pas, tout comme nous tous, la réalité de ce délit.nPoint de vue Joshua Rosner Associé au sein de Graham Fisher & Co
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