Encore sept ans de malheur  ?

Un article des économistes Carmen et Vincent Reinhart, intitulé « Après la chute » et présenté en août dernier lors du symposium de Jackson Hole, a alimenté bien des débats. D'après cette étude, « la croissance du PIB et les prix de l'immobilier sont nettement plus faibles et le chômage plus élev頻 dans la décennie qui suit les crises financières que dans la décennie qui précède celles-ci. On pourrait donc en conclure qu'il faut s'attendre à encore sept années de temps difficiles. Les recherches des Reinhart et de Rogoff sont une extension et une généralisation de la pensée informelle d'un grand nombre de personnes, comparant souvent le présent avec les grands épisodes du passé.Depuis le début de la crise en 2007, beaucoup se demandent si la Grande Dépression, induite par le krach boursier de 1929 et la crise bancaire du début des années 1930, peut permettre de comprendre ce que nous vivons aujourd'hui. Un des faits troublants avec la Grande Dépression est qu'elle fut sévère, globale et a duré plus d'une décennie - et qu'elle est survenue à la suite de l'éclatement d'une bulle, de façon assez similaire aux événements qui ont précédé la crise actuelle. De même, nombreux sont ceux qui se posent la question de savoir si l'anémie que le Japon a connue dans les années 1990 peut avoir une quelconque pertinence avec ce que nous traversons actuellement. On l'appelle souvent la « décennie perdue » du Japon. Il serait plus approprié désormais de parler de « décennies perdues ». Il y a eu aussi la crise induite par la crise pétrolière de 1973 et 1979, et les crises financières propres à certains pays comme en Espagne en 1977, au Chili en 1981, au Mexique en 1994, en Indonésie, en Corée, en Malaisie, aux Philippines, et en Thaïlande en 1997, en Colombie en 1998, et en Argentine et en Turquie en 2001.À partir de tous ces exemples, les Reinhart, tout comme Kenneth Rogoff, ont pu notamment déterminer que les taux moyens de croissance annuelle du PIB par habitant dans les pays avancés perdaient un point dans la décennie postérieure à la crise, tandis que les taux de chômage moyens augmentaient de cinq points. Quelle en est l'explication ? Ils ont remarqué que les niveaux de dette et les effets de levier augmentent au cours de la décennie précédant ces crises, entraînant une hausse des prix des actifs sur le long terme. Ils décrivent un syndrome de « Cette fois, c'est différent » au cours du boom de précrise, permettant à ces bulles de se maintenir bien trop longtemps. C'est dans ces phénomènes que les auteurs semblent puiser la source de leur nouvelle théorie économique, qui inclut une forte composante comportementale économique.Mais elle manque encore de précision. Il y a, en outre, des raisons de penser que cette fois-ci sera effectivement différente car, auparavant, tous les économistes vantaient les vertus du modèle des « attentes rationnelles ». Ce modèle suggérait qu'une économie de marché devait, autant que possible, être laissée à elle-même, et les gouvernements ont donc laissé faire. Si l'on s'en réfère aux « attentes rationnelles », les bulles n'existent tout simplement pas, ce qui veut dire que l'on a laissé ces bulles enfler. Mais cette approche est progressivement abandonnée et les gouvernements et le monde des affaires anticipent ces bulles et adoptent des mesures pour les contrecarrer. Donc, cette fois-ci, on peut dire que les choses sont un peu différentes. Dans ce cas, peut-être, toutes ces décennies difficiles induites par les crises n'ont plus de pertinence. Mais l'espoir que les lendemains de la crise actuelle seront meilleurs relève encore de la théorie et des rêves, non de la science. Il est faux de dire que lorsque vous cassez un miroir, vous aurez sept ans de malheur. Mais si vous laissez un marché financier tourner en roue libre jusqu'au point de rupture, vous encourrez effectivement le risque d'années de malaise économique. C'est un schéma historique. Copyright Project Syndicate.
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