Polanski, une vengeance suisse

Ah, vous en voulez de l'entraide judiciaire ? Eh bien, vous allez en avoir ! On imagine la jubilation secrète du juge de Zurich qui a fait arrêter samedi le cinéaste Roman Polanski. La veille, la Suisse venait d'obtenir d'être rayée de la « liste grise » des paradis fiscaux tenue par l'OCDE et entamait une nouvelle vie de pays vertueux parce que coopératif en matière judiciaire et fiscale. Pour fêter ça, la Confédération offre un cadeau empoisonné aux deux pays qui lui ont fait le plus de misères depuis des mois pour qu'elle renonce à son secret bancaire, les États-Unis et la France. Il est vrai qu'elle n'a fait qu'exécuter un mandat d'arrêt international émis par la justice américaine. Mais l'administration Obama n'a sûrement pas débouché le champagne en apprenant qu'elle allait devoir gérer l'affaire Polanski. Le cinéaste s'est effectivement soustrait à la justice en 1978 en quittant les États-Unis avant son procès pour le viol de Samantha Gailey, 13 ans, niant toute contrainte mais admettant le détournement de mineure. Cependant, à part le district attorney de Los Angeles et la droite américaine, on ne voit pas qui pourrait se réjouir de son arrestation plus de trente ans après les faits ? même la victime a souhaité l'abandon des poursuites. Barack Obama est pris entre deux feux. Ses amis et soutiens d'Hollywood, comme l'ensemble du monde du spectacle, vont faire pression pour que le grand cinéaste franco-polonais soit libéré. La « droite morale » n'attend qu'un signe de clémence ou même de compassion du président pour lui tomber dessus sur le thème : il défend un délinquant sexuel simplement parce qu'il est célèbre. D'autant que Polanski est l'objet d'une haine particulière dans ces milieux, où l'on ne lui pardonne pas d'avoir réalisé des films sulfureux comme « le Bal des vampires » ou « Rosemary's Baby » : le meurtre horrible de sa femme Sharon Tate, enceinte de huit mois, par une bande d'assassins satanistes en août 1969 ne lui a pas été compté comme une circonstance atténuante mais aggravante. En France aussi, des dégâts politiques sont à prévoir. Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a exprimé en termes forts son émotion et son soutien à l'artiste. Pas sûr que l'opinion le suive. Paris, qui s'est montré inflexible dans l'affaire Cesare Battisti, cet auteur de polars réclamé par l'Italie pour des meurtres commis pendant les années de plomb, ne doit pas être très à l'aise aujourd'hui pour évoquer la prescription, le pardon et l'oubli. [email protected] Sophie Gherard
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