La France a besoin d'une stratégie d'influence en Europe

Nous l\'écrivions 10 jours plus tôt ici même, il faut penser l\'Europe comme une affaire intérieure. Finie donc la diplomatie européenne, engageons-nous dans la véritable bataille interne qui structure en permanence l\'Europe des 27. En 1985, 654 lobbyistes étaient identifiés à Bruxelles Il sont actuellement près de 20.000 et on considère à plus de 100 000 les experts représentants d\'intérêts divers qui mènent des activités d\'influence en direction des institutions européennes. Bruxelles rivalise désormais avec Washington pour le titre de la capitale mondiale de l\'influence. Combien de français participent à ce jeu si stratégique ? La France doit s\'y projeter pleinement, sans faiblesse. Nous n\'avons pas le choix. Une véritable stratégie collective d\'influenceeuropéenne est nécessaire.Une stratégie d\'influence,comment ?Il faut s\'installer et agir, au quotidien, à Bruxelles, à Strasbourg et dans les capitales européennes. A commencer par le Parlement Européen, en le considérant à sa juste mesure et non pas comme une assemblée du rattrapage électoral ou pire comme une maison de préretraite. Il faut y envoyer les meilleurs d\'entre nous. Le prochain rendez-vous de 2014 sera un test décisif. À la Commission, bien sur, où nous devrions mener une véritable stratégie d\'entrisme administratif et organisationnel à l\'instar de certains de nos partenaires européens.Aux endroits clésIl s\'agit de positionner nos représentants aux endroits clés des niveaux de décision. N\'abandonnons pas la recherche des postes de directeurs mais à l\'instar des pays les plus efficaces, ciblons les niveaux intermédiaires qui élaborent le contenu des directives et gèrent notamment les réseaux d\'experts si importants dans l\'activité européenne. Autour et au sein de toutes les institutions - Conseil, Conseil Européen, Comité des Régions, CES, BCE, BEI ... -, dans une ambassade et une activité permanente de veille, de contact et d\'intervention à travers le développement d\'une stratégie coordonnée de lobbying public et privé français à Bruxelles. L\'effort doit être continental, dans les capitales aussi, qu\'elles soient nationales ou régionales, à la mesure d\'une mutation liée à l\'élargissement, dans une Europe qui à 27 s\'est largement renationalisée et parfois même balkanisée. La France dans son ensemble doit s\'engager. Représentants publics, organisations professionnelles privées, ... nous devons tous tendre à nous projeter dans cette bataille de l\'influence, des réseaux et de la conquête au service de la France dans l\'Europe.Des think tanks qui produisent et publient en anglaisIl faut ainsi se battre pour prendre toute sa place et si possible le contrôle au cœur des 1500 associations professionnelles, représentant presque toutes les industries. A défaut ne pas hésiter à créer la sienne propre.Il faut aussi affirmer la place de notre expertise dans toutes les institutions qui gouvernent notre destin européen. Nous devons renforcer notre position dans le débat d\'idées européen et international. Nous avons besoin de plus de think tanks qui produisent et publient en anglais. Notre audiovisuel extérieur doit remplir son rôle éminent de porte voix. Au delà c\'est l\'impact de l\'ensemble de nos médias eux-mêmes qui doit être repensé collectivement et individuellement. La BBC, le Financial Times et The Economist sont les médias les plus consultés par l\'ensemble des parties prenantes impliquées dans les affaires européennes !La langue doit s\'imposer comme un atout et non comme une faiblesse. Si l\'intelligence culturelle oblige de se rapprocher de nos partenaires dans le sens les plus intime et donc dans la langue du territoire en cause, la Francophonie constitue aussi en Europe un formidable levier global de diffusion. Rendons plus lisible et offensive l\'approche Francophonie, et donnons lui les moyens de s\'exprimer où elle excelle, sur le terrain.Restructurer nos appareils administratifsTout cela implique une mutation culturelle des individus et des organisations, une restructuration profonde de nos appareils administratifs mais aussi de nos organisations privées.Une culture de la guerre économique doit être déployée, systématiquement. Nous devons intégrer toutes nos capacités d\'intelligence militaire et économique, et créer une expertise et une pratique indispensable d\'intelligence culturelle et surtout politique et administrative.Le maître mot est l\'anticipation, éviter de devoir livrer bataille sauf si on l\'a presque gagnée.Et pour cela il faut en particulier associer en amont tous les acteurs influents du processus de décision européen pour préparer ensemble et très en amont les positions officielles de la France.La \"Marque France\" a besoin d\'influenceOK pour le « Made in France » mais la « Marque France » a besoin d\'influence et de confiance. Une véritable stratégie d\'influence européenne. La nouvelle guerre des territoires ne nous en laisse pas le choix. La France doit scénariser ses positions, les mettre en scène et les diffuser par tous les moyens existants. C\'est cette affirmation de la poursuite d\'un mythe européen à la françaisedans un monde en équilibre instable qui les transformera en autant d\'atouts contemporains, en autant de leviers de croissance pour notre Pays. *Professeur associé à l’Université de Paris 1 la SorbonneConseil en diplomatie publique Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professional
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