Des actions révocatoires autorisées en France

Voilà une décision de justice qui pourrait intéresser les victimes françaises de l'escroc américain Bernard Madoff. Le 22 avril dernier, le tribunal de grande instance de Strasbourg a confirmé en première instance, dans une série de six décisions, la position de Franck Schmitt, liquidateur judiciaire de la société allemande Phoenix Kapitaldienst GmbH. Dans sa mission de reconstitution de l'actif de la société, Me Schmitt, représenté en France par la cabinet d'avocats Schultze & Braun, a obtenu la condamnation des investisseurs à « la restitution des bénéfices fictifs perçus » pour leur investissement dans le fonds Phoenix Managed Account géré par Phoenix Kapitaldienst. Il n'y a pas eu de débat contradictoire, les investisseurs français n'étant pas représentés. Schultze & Braun avait envoyé 141 assignations représentant 4,5 millions d'euros en principal. « Les bénéfices fictifs sont assimilés à des prestations à titre gratuit, ce qui commande donc leur restitution en application du principe du traitement égal des créanciers ; principe connu tant en droit allemand que français », indique un communiqué de presse du cabinet. Pour quelles raisons? Parce que ce fonds était un montage ponzi. Et le droit allemand peut demander le remboursement jusqu'à quatre ans avant le début de la procédure qui a commencé en 2005. Pour y échapper, il fallait sortir du fonds avant 2001.Tout est parti du décès en mars 2004 de Dieter Breitkreuz, fondateur de la société et co-gérant du fonds. Au moment de la publication des comptes annuels, le nouveau dirigeant constate des écarts comptables entre ce qu'annonçait le broker Man Financial à Londres, où le fonds avait un compte ouvert, et ce qui était présenté dans les comptes officiels. Les documents comptables étaient falsifiés. La Bafin, le régulateur allemand, gèle alors les comptes. S'ensuit la faillite de Phoenix Kapitaldienst en mars 2005.La stratégie du Phoenix Managed Account reposait sur la négociation d'options sur les marchés à terme américains. Il proposait des rendements très attractifs pouvant atteindre 15 % par an. Mais dans les faits, l'argent des souscriptions servait à payer les sortants, comme dans Madoff. 30.000 investisseurs sont concernés pour un montant d'environ 600 millions d'euros. La France n'a pas été épargnée :  plus de 2.000 personnes en sont victimes, représentant au moins 50 millions d'euros. La Commission des opérations de Bourse (COB), devenue depuis l'Autorité des marchés financiers (AMF), avait pourtant tiré la sonnette d'alarme en septembre 1998, mettant en garde le public sur les activités de démarchage en France de la société Alpha Kapital Service, mais pas sur le montage ponzi. La Bafin a aussi contrôlé la société mais n'a rien remarqué. De même, Ernst & Young a réalisé un audit, là encore sans déceler de fraude.En 2006, Michael Milde et Elvira Ruhrauf, ex-Phoenix Kapitaldienst, ont été condamnés à respectivement 7 ans et 4 mois et 2 ans et 3 mois de prison. En France, certains conseillers en gestion de patrimoine ont été condamnés. En revanche, l'auditeur et le dépositaire du fonds n'ont pas été inquiétés. Comme dans l'affaire Madoff... T. S.
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