Une crise de la régulation plutôt qu'une crise morale

Par Pascal Bello, directeur général de l'agence BMJ Ratings.

Depuis la crise de cette fin d'été 2008, pléthoriques ont été les initiatives nous expliquant les raisons du phénomène et les solutions à apporter. Des excès succédant aux excès, nous avons vu intervenir les tenants de toute une série de théories économiques, fiscales ou budgétaires. Parmi ceux-ci, les défenseurs de la théorie de la décroissance qui nous affirment que l'événement était prévisible et que la seule réponse à la crise est celle du retour à une économie minimaliste. D'autres experts encore nous parlent de crise morale et de leur intention d'injecter plus de réglementation.

C'est d'abord d'une gouvernance mondiale digne de ce nom dont nous avons besoin. La régulation des marchés et la création d'une autorité de tutelle me paraissent plus appropriées au règlement du problème qui se pose aujourd'hui. Le signal est venu du président de l'Union européenne lui même qui a exprimé le souhait de mettre les acteurs économiques devant leurs responsabilités. Il a notamment stigmatisé les agences de notation qui émettent des avis et des opinions sur des entreprises avec lesquelles elles partagent des intérêts. Après quelques semaines d'instruction de cette crise on constate que c'est bien cela le problème. Sur le terrain de jeu de l'économie mondialisée, les organes ou les instances de contrôle aux compétences techniques existent. Mais ils ont failli dans leurs tâches car la confusion des genres règne et les règles ne s'appliquent pas efficacement en termes de répartition des rôles et de définition des responsabilités, faute de supervision globale.

A quoi doivent aboutir ce qu'on appelle déjà les accords de "Bretton Woods bis" qui vont se tenir en novembre prochain, vraisemblablement aux Etats-Unis ? Il me semble qu'il convient de travailler à l'atteinte de trois objectifs.

Exiger l'indépendance des acteurs du contrôle. Le contrôle étant entendu sur un plan technique et réglementaire Les dirigeants d'entreprises bancaires ou industrielles le savent ; les agences de notation n'agissent pas toutes en pleine indépendance dans l'exercice de leur métier. Il en va ainsi des agences de notation financières comme des agences de notation extra-financières. Ce principe est pourtant essentiel ; il convient de l'adopter comme une règle universelle. L'agrément pourrait être octroyé à l'agence ou lui être retiré en fonction des gages d'indépendance fournis. L'agence doit être libre de toute influence capitalistique, directe ou indirecte. Le travail des analystes s'en trouverait facilité et fiabilisé.

Garantir la transparence de l'information. Le chantier de la transparence est probablement le plus lourd à mettre en ?uvre car il rompt avec des décennies de pratiques bancaires, financières et commerciales. Bien sûr, il serait illusoire de vouloir résoudre ce problème dans les prochaines semaines, mais des objectifs de mise en ?uvre peuvent être rapidement décidés et adoptés. En l'occurrence, on l'aura compris, le problème est moins technique que politique. Cette transparence concerne la publication des travaux d'évaluation qui sont menés et leurs rétributions et se matérialise par un accès libre aux outils d'analyse et d'évaluation afin que chacun se fasse une opinion sur la pertinence des risques encourus.

Déployer la responsabilisation des acteurs économiques. Dans un système libéral quel qu'il soit, totalement libre ou régulé, la responsabilité des décideurs doit être pleine et entière et les systèmes de rétribution qui l'accompagnent doivent être cohérents et adaptés aux performances réalisées, y compris dans le cas de défaillance ou de non atteinte des objectifs. Il y a deux vertus évidentes à ce principe. Outre la gestion plus saine de l'allocation des ressources qu'il suggère, en appliquant une "juste" rétribution, il constitue également un garde-fou important et un rappel pour ceux qui jusqu'à présent manipulaient les règles du jeu sans se soucier de la sanction du risque encouru pour eux mêmes. Individualiser les profits et les bénéfices et ne mutualiser que les pertes et les déficits ne peut plus être le principe de gestion qui anime la rémunération des dirigeants.

Personne ne peut dire aujourd'hui de quoi accouchera la conférence mondiale organisée le 15 novembre prochain. Toutefois, il est fort à parier que ces trois objectifs seront débattus. Il n'est nullement obligatoire que ce rendez-vous historique soit technique. En revanche, il est nécessaire que la politique agisse et que le courage qui l'accompagne soit le déterminant des décisions prises.

Débarrassons nous de cette crise qui mobilise l'attention de tous et les énergies sur des problématiques qui restent largement "virtuelles" pour nous atteler à en gérer les conséquences économiques concrètes et nous concentrer sur les véritables sujets tangibles que sont ceux de l'environnement et du changement climatique.

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