Les collèges de superviseurs financiers, vraie ou fausse solution ?

Par Nicolas Véron, économiste au sein du centre de réflexion européen Bruegel, associé de la société de conseil Ecif.

Le 15 novembre dernier, les pays du G20 ont indiqué dans leur déclaration de Washington que "les superviseurs doivent collaborer pour créer des collèges de surveillance pour toutes les grandes sociétés financières transnationales afin de renforcer la surveillance des entreprises transnationales". De quoi s'agit-il ? Jusqu'au début des années 1990, la plupart des grandes sociétés financières étaient presque exclusivement nationales. Puis le monde financier s'est mondialisé à toute allure. Des difficultés de coordination internationale sont apparues, notamment lors de la chute de BCCI en 1991 et celle de Barings en 1995, sans justifier une réforme majeure du système. En 2004, l'Union européenne a créé un comité de superviseurs bancaires nationaux, mais celui-ci fonctionne au consensus et n'a aucun pouvoir formel au-delà du fait de donner des avis aux institutions communautaires.

Tant que le soleil brillait sur le système financier, les carences de ce dispositif n'inquiétaient que quelques experts. Mais depuis que la crise a éclaté, l'absence de cadre crédible pour la supervision des groupes transfrontaliers devient criante. La fragmentation entre plusieurs autorités nationales, comme la Commission bancaire en France ou la Financial Services Authority outre-Manche, fait qu'aucune d'entre elles n'a la vision d'ensemble des engagements financiers d'un groupe donné. Elle entraîne des surcoûts et surtout correspond de moins en moins à la réalité selon laquelle ces groupes transnationaux regroupent de plus en plus de fonctions à un échelon régional ou mondial, et ne peuvent être réduits à une juxtaposition d'entités nationales dont on pourrait apprécier séparément la viabilité financière et les risques.

Face à ces carences, l'idée de créer des "collèges" de superviseurs consiste à formaliser une structure associant les autorités nationales de surveillance concernées, avec un pouvoir prédominant accordé au "lead supervisor" qui est en général celui du pays d'origine. Cette proposition a été reprise par la France et le Royaume-Uni, qui y ont vu le moyen de réformer le cadre actuel sans pour autant créer une autorité de niveau européen. Mais cette solution séduisante sur le papier ne fonctionne pas dans la pratique.

Les pays où des filiales de groupes financiers étrangers ont une importance systémique majeure ne peuvent accepter que les décisions clés de régulation soient prises dans une capitale étrangère. La France et le Royaume-Uni, dont la grande majorité des entreprises de services financiers de détail sont des acteurs nationaux, sont peu sensibles à cet argument. Au contraire, en Europe centrale et orientale mais aussi par exemple en Belgique ou en Finlande, la majorité des grands acteurs financiers sont désormais des branches locales de groupes étrangers. Soit le schéma n'accorde pas de délégation de pouvoir réelle au "lead supervisor", auquel cas on reste proche du statu quo ; soit la délégation est substantielle, et devient alors impraticable politiquement. En outre, la concurrence réglementaire ainsi introduite a des effets pervers. En Finlande par exemple, les trois principales banques auraient chacune un "lead supervisor" différent, établi respectivement à Stockholm, Helsinki et Copenhague. Chacune de ces autorités publiques aurait naturellement tendance à défendre les intérêts de son « champion » contre ses homologues, ce qui n'est guère favorable à une action publique cohérente.

Dans le cas de l'assurance, ces contradictions sont déjà évidentes : faute de consensus, le compromis de la présidence française sur la directive dite "Solvabilité 2", qui devait introduire les collèges, n'abordera finalement pas la question de l'organisation de la supervision. Pour les banques, les collèges sont censés être établis par la révision de la directive sur l'adéquation des fonds propres, prévue en 2009, mais les mêmes raisons ont toutes les chances de conduire à l'échec. En dépit des réserves qu'une telle option suscite toujours dans plusieurs pays, la seule solution cohérente pour la supervision transfrontalière en Europe reste la création d'une autorité nouvelle de niveau européen.

Quant à la supervision des groupes financiers mondiaux, le G20 ne pourra que créer ce qui existe déjà, à savoir des échanges d'information sur base volontaire entre autorités publiques de différents continents, sans établissement d'un véritable pouvoir supranational. Cette réalité est sans doute regrettable, mais elle n'est pas près de changer.

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Ces superviseurs semblent une chimère sinon une hypocrisie . Les Etats , plus ou moins maîtres chez eux ,ne peuvent-ils décider,en se groupant à quelques uns,de remédier à la dérégulation et à la désintermédiation voulues alors -voici deux décennies-...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Le marché va toujours où il a décidé d' aller. Le reste n' est que littérature pour pseudos intellectuels en mal de reconnaissance.

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