Péage urbain : l'octroi de la modernité

Par Valérie Segond, grand reporter à La Tribune.

Autoriser les péages urbains dans nos grandes villes promet de provoquer un beau raffut, même si la France a, en la matière, quinze ans de retard sur la Norvège, et dix sur l?Angleterre : entre ceux qui hurleront au grand retour de l?octroi moyenâgeux, symbole d?une exclusion des banlieusards au profit des riches du centre-ville, et ceux qui ricaneront sur cette nouvelle taxe carbone qui ne dit pas son nom, l?affaire promet de voir resurgir toutes les caricatures dont les Français ont le génie !

Dommage. Car le péage urbain est l?impôt moderne par excellence, l?application limpide du principe pollueur-payeur, à fort pouvoir incitatif sur l?usage individuel de l?auto. On est très loin de la fameuse contribution climat énergie dont personne n?a compris le fonctionnement. Bien sûr, il n?a pas toutes les vertus qu?on lui prête : le coût de sa perception est tel qu?il ne permet pas de financer tous les transports collectifs ; il a moins d?effet sur les émissions de CO2 que l?utilisation de voitures propres ; et quand l?essentiel des déplacements se fait de banlieue à banlieue, comme en Île-de-France, il est inopérant sur les grands n?uds de congestion.

Bref, c?est pas tout à fait le couteau suisse fiscal qu?on va nous vendre pour nos agglomérations. Et, vu les précautions prises par le père du projet, le sénateur Louis Nègre, pour qu?il ait quelque chance de passer, on peut parier sur de belles empoignades entre élus locaux avant de voir chez nous le premier péage fonctionner. On a donc le temps de s?y préparer. Mais il faut le faire. Car si son amendement est voté, ce petit pas de sénateur sera un grand pas vers la modernité. Tous ceux qui passent plusieurs heures par jour coincés dans leur voiture à se gratter le nez savent qu?une voiture supplémentaire, et c?est l?enfer.

À Londres, Rome, Milan, Oslo ou Stokholm, mais aussi à Edimbourg, Manchester, ou Bologne, les conducteurs qui paient pour aller en centre-ville s?en félicitent. L?étude Curacao, qui vient d?être menée sur tous les péages urbains en Europe, montre qu?ils ont réduit jusqu?à 23 % le nombre de véhicules dans les zones concernées, et d?un tiers les temps de déplacement. De quoi permettre aux livreurs de livrer, aux habitants de circuler, à la ville enfin de respirer et de voir renaître une vraie activité économique. La ville de demain, ont montré les architectes consultés par Nicolas Sarkozy pour dessiner le Grand Paris, est celle de toutes les mobilités. C?est bien cela la modernité.

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