Vers une révolution des systèmes de soins

La première Convention on Health Analysis and Management (CHAM 2009) se réunit demain et samedi à Chamonix pour débattre d'un thème d'actualité controversé : "Soigner, de l'artisanat à l'industrie", c'est-à-dire comment rationaliser notre système de soins et s'il faut passer d'un modèle de production artisanale à un modèle industriel.

Entre le vote de la loi "Hôpital, patient, santé, territoire", celui du projet de loi du financement de la Sécurité sociale et les réflexions en cours sur la prise en charge de la dépendance liée au grand âge, cette manifestation réunira leaders et experts de premier plan venus de différents pays et de secteurs d'activité très divers. Elle s'annonce comme un véritable "Davos de la santé" consacré, pour sa première édition, à la question clef de l'efficience de nos systèmes de soins.

Cette question concerne aussi bien les citoyens et décideurs des pays riches, où les dépenses de santé progressent en dépit de politiques publiques visant à les contenir, que ceux des pays émergents engagés dans un indispensable et massif rattrapage sanitaire qui mobilise une part croissante de leur richesse. Elle se pose avec d'autant plus d'acuité que nos sociétés modernes sont confrontées au défi du vieillissement généralisé de la population et à l'émergence massive de maladies neurodégénératives, dont l'impact sur les politiques publiques de santé sera considérable dans les prochaines années.

Aujourd'hui, le constat est clair : le médecin considéré comme le seul maître du savoir et de l'action médicale ne correspond plus aux besoins et aux attentes des malades. L'information et la pratique médicales, au quotidien et hors situations exceptionnelles, sont partagées entre le médecin et le patient grâce à Internet et aux nouvelles technologies qui favorisent l'information et l'implication du malade. Le patient est de plus en plus connecté et "proactif" pour sa santé, ce qui bouleverse la relation du malade au professionnel et à la pratique des soins.

En même temps, l'approche industrielle des soins génère des craintes et des rejets, comme si une production de soins sécurisée et efficace déshumanisait la relation médecin-malade. Parler d'industrie en matière de soins choque les consciences car soigner n'équivaut pas à produire des voitures ! Pourtant, nos systèmes de soins ont un besoin urgent de rationalisation de la production artisanale de chaque médecin, d'une mise en commun des connaissances, d'un partage des tâches et d'une évaluation stricte des résultats. Cette rationalisation doit être entreprise aussi s'agissant du mode de rémunération des soignants pour améliorer l'efficacité du système. Autant de thèmes à débattre sans en référer aux dogmes qui paralysent la réflexion novatrice et favorisent les corporatismes les plus usés.

Les enjeux majeurs pour la médecine du XXIe siècle se déclinent en vérités simples :

? d'abord, de solitaire, l'art médical devient collectif tout comme la responsabilité qui le sous-tend. Le développement d'Internet, qui multiplie les possibilités de communication interprofessionnelle et entre professionnels et patients, renforce cette pratique collective et oblige les professionnels à plus de transparence, plus de pratiques collaboratives et de confrontations d'expertises, instaurant progressivement une véritable médecine collective versus la pratique solitaire d'antan?;

? ensuite, la clinique s'efface au profit de l'image du scanner et du chiffre de la biologie, données considérées comme plus objectives que celles de l'auscultation ou de la palpation. Ainsi, l'efficacité des progrès scientifiques et médicaux nous oblige à revoir la relation soignant-soigné et l'évaluation des professionnels de santé. De fait, les méthodes d'évaluation de la qualité médicale doivent être renouvelées. La valorisation de l'innovation, son financement, la formation et le recrutement des chercheurs sont autant de défis pour tirer profit du progrès scientifique médical?;

? de même, l'émergence du consumérisme médical comme la participation des malades à leur propre histoire médicale modifient les habitudes. Cette évolution nécessitera la mise en place de garde-fous pour parer aux dérives mercantiles d'une production de soins au potentiel lucratif pour garantir l'accès aux soins pour tous?;

? la généralisation de l'usage d'Internet et des nouvelles technologies va favoriser une profonde transformation des systèmes de soins et favoriser le décloisonnement de l'hôpital : en permettant la surveillance et la prise en charge à distance de malades, pour un accompagnement postopératoire ou atteints de maladies chroniques, les nouvelles technologies assurent un nouveau continuum entre l'intervention à l'hôpital et la vie quotidienne du patient. L'usage combiné des nouvelles technologies de la communication, de la robotique et de l'intelligence artificielle assure dorénavant une aide et une surveillance de tous les instants aux personnes dépendantes?;

? cette nouvelle assistance et prise en charge à distance de patients et de malades vont ainsi faciliter l'optimisation de l'activité hospitalière, rendue à sa véritable mission d'intervention lourde et exceptionnelle. Forte du recentrage des missions de l'hôpital, son organisation et sa gestion pourront évoluer avec une meilleure affectation des ressources à ses missions et de nouveaux processus de contrôle et d'évaluation, sans mettre en cause ses missions d'intérêt général.

Toutes ces évolutions, qui constituent une véritable révolution des systèmes de soins, doivent favoriser l'amélioration de l'efficacité des systèmes de santé au bénéfice des patients, de la collectivité et de l'économie. Ce sont ces enjeux que nous souhaitons éclairer lors de cette première CHAM 2009.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Merci monsieur Vial pour votre avis mais je me permettrai toutefois de le nuancer : - Oui, il est évident que le médecin, aujourd'hui, doit travailler au coeur d'un système de soin (le mot réseau de soin est connoté à des pratiques mafieuses existant...

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