Femmes : pourquoi il faut des quotas dans les conseils d'administration

Alors que s'ouvre aujourd'hui la cinquième édition du Women's Forum à Deauville, le débat sur le moyen d'aider les femmes à passer le plafond de verre a repris de plus belle, avec la proposition de Brigitte Grésy d'imposer aux entreprises de plus de 1.000 salariés un quota de 40 % d'administrateurs. L'auteur explique pourquoi une telle réforme est nécessaire.

Le Forum des femmes de Deauville est une plate-forme unique qui permet chaque année d'entendre la voix des femmes. Mais il serait illusoire de croire que les problèmes en sont, ou en seront, pour autant résolus. Ce n'est en effet pas, hélas, parce que plusieurs centaines de femmes de pouvoir ou d'influence se réunissent sous les caméras que les réalités changent. La sous-représentation des femmes dans tous les domaines de l'activité politique ou économique reste, dans notre pays, comme ailleurs dans le monde, un constat aussi décourageant que récurrent. Beaucoup a été dit sur les causes de cette situation et sur les moyens d'y remédier. Et si les progrès sont lents, c'est sans doute parce que l'angle de vision n'est pas assez ouvert.

Peut-on parler de femmes de pouvoir?? Si le pouvoir, c'est la capacité personnelle d'action sur les choses ou encore, selon l'expression à la mode, de faire "bouger les lignes", rares sont les individus qui peuvent aujourd'hui se prévaloir d'une telle faculté. A cette aune, Barack Obama, Vladimir Poutine, Hu Jintao, Bill Gates sont des hommes de pouvoir. Mais la liste en est courte. Plus courte encore est celle des femmes qui appartiennent à cette catégorie, et Angela Merkel reste une exception. D'autant que l'amalgame est vite fait entre femmes de pouvoir et femmes du pouvoir.

Ce n'est pas diminuer les mérites de Christine Lagarde ou d'Anne Lauvergeon, deux Françaises souvent citées et bien classées, que de rappeler que leurs marges de man?uvre et leur autonomie de décision sont affectées par leur proximité du politique et de la sphère publique. La notion de classement est déjà suspecte, mais elle perdrait toute pertinence si les critères n'étaient pas identiques pour les hommes et pour les femmes.

La vérité, c'est que le seul critère acceptable pour l'accès des femmes aux postes de responsabilité doit être celui de la compétence. Entendons par là naturellement la capacité à exercer la plénitude de la fonction, ce qui relève d'un jugement à la fois objectif et subjectif. Cette compétence-là, il faut faire en sorte qu'elle soit non seulement décelée et reconnue, mais encore acceptée. Or, ce n'est pas le cas aujourd'hui, car les restrictions mentales et culturelles sont fortes. Et ne viennent pas seulement des hommes. Si le poste à pourvoir exige de la disponibilité, combien de femmes y renonceront sans même s'interroger?? Sans penser que ce n'est pas à elles d'assumer la "charge de la preuve" et que la disponibilité s'organise.

La plupart des femmes chefs d'entreprise et cadres supérieurs exercent la plénitude de leurs responsabilités sociales et professionnelles sans pour autant mériter le procès d'être mauvaises mères. Et n'est-il pas choquant que la disponibilité des hommes se présume quand celle des femmes doit toujours se prouver??

Comment, dans ces conditions, "casser le plafond de verre" ? La coercition n'a pas d'emblée notre préférence. Mais elle reste la méthode la plus efficace dans les sociétés immatures. Si la peur du gendarme, plus exactement celle du radar, permet dans notre pays de sauver plusieurs milliers de vies chaque année, on peut imaginer l'impact d'une mesure un tant soit peu volontariste en faveur d'une représentation équilibrée des deux sexes dans tous les domaines de la vie sociale. La loi sur la parité électorale du 6 juin 2000 a été fort décriée. Elle a pourtant permis, particulièrement au plan local, aux instances représentatives de mériter enfin ce nom et personne ne se plaint que la moitié des conseillers municipaux soient des femmes.

C'est, comme souvent, du côté de l'entreprise qu'il faut chercher des raisons d'espérer. Un grand groupe pétrolier, par exemple, a pris conscience du déséquilibre de sa population d'ingénieurs. Pour y remédier, la solution la plus simple et la plus efficace a été de fixer des objectifs de recrutement et de promotion de femmes dans le plan d'action des branches concernées. La réalisation des objectifs étant un des éléments de la rémunération des responsables, le problème de la sous-représentation des femmes dans ce grand groupe devrait logiquement trouver assez vite sa solution. Est-il également besoin de rappeler qu'une récente étude (Michel Ferrary - Ceram - Sophia Antipolis) montre que les entreprises qui emploient plus de femmes sont aussi les plus performantes, les plus productives et les plus rentables?!

Mais la bonne volonté, quand elle existe, s'arrête aux portes des conseils d'administration privés ou publics, alors même que l'Etat devrait montrer l'exemple. Seuls 10% des postes d'administrateurs de groupes du CAC 40 sont occupés par des femmes. Ici, chacun sent bien que les choses ne bougeront pas toutes seules. La proposition de loi de la députée Marie-Jo Zimmermann, qui vise à abroger les dispositions juridiques discriminatoires entre hommes et femmes, et l'appui de l'Institut français des administrateurs (IFA) à une mesure qui imposerait un pourcentage (40%) de femmes dans les conseils d'administration marquent la volonté de faire cesser cette anomalie, pour parler par euphémisme. C'est ainsi sans doute que, de coercition en incitation et d'incitation en habitude, on parviendra un jour à la masse critique qui rendra tout ce débat aussi oiseux qu'inutile.

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