Accor et à cri

Par Pierre-Angel Gay, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

Le sort en est jeté. Le conseil d'administration d'Accor a pris, mardi, la décision de scinder le groupe en deux. Le groupe hôtelier devrait, en 2010, divorcer de son activité "services", les titres de paiement, dont le plus connu est le fameux Ticket Restaurant. Beaucoup d'arguments plaident en ce sens.

Le pôle des services prépayés est suffisamment ancien, solide, rentable, pour n'avoir plus besoin d'appuyer son développement sur une activité hôtelière qui l'a longtemps porté. Ce pôle a besoin, pour accélérer, de nouer des partenariats avec des réseaux de paiement, comme Visa et MasterCard, pas forcément tentés par une alliance avec un groupe hôtelier.

La Bourse valorise mal Accor (8,6 milliards d'euros), quand les "services" et les actifs immobiliers sont évalués, chacun à 6 milliards, selon les analystes. Pour tout dire, l'éclatement d'Accor ne détruirait pas un champion national, mais en créerait deux. Ces arguments recevables, étayés, ne parviennent pourtant pas à dissiper un certain malaise. Car autant allaient en sens inverse.

Accor, depuis l'origine, s'est bâti sur deux pieds?: les services, "cash machine" résistante en période de gros temps?; l'hôtellerie, sensible à la conjoncture et coûteuse en investissements. Le groupe quadragénaire, fondé par Paul Dubrule et Gérard Pélisson, utilisait les résultats du premier pour asseoir la stabilité du second.

Sans les services, l'avenir du pôle hôtelier devient plus incertain. C'est la raison pour laquelle les espérances boursières pourraient se révéler erronées. C'est aussi pourquoi les syndicats de salariés ne croient ni à la pertinence, ni à la pérennité du nouveau modèle économique proposé. Actionnaire minoritaire d'Accor (7,4%), le Fonds stratégique d'investissement, filiale de Caisse des dépôts, fait aussi partie des sceptiques.Pour des raisons d'opportunité.

Pourquoi maintenant, alors que les marchés boursiers restent difficiles et l'évaluation des sociétés compliquée?? Et surtout, pour quoi faire?? Quiconque suit l'actualité des entreprises sait que les discours sur les avantages des "pure players" ou les atouts des conglomérats sont affaire de mode. Et servent le plus souvent à justifier des stratégies opportunistes, des besoins de financements ou des repositionnements sur des marchés changeants. Ils ont une utilité pour l'entreprise.

Or, pour Accor, ce n'est pas le cas. Cela ramène la scission à ce qu'elle est fondamentalement?: une bonne affaire pour les deux fonds d'investissement, Colony et Eurazeo, qui en contrôlent 30 %. C'est la victoire d'un certain capitalisme, strictement financier.

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