Restaurer l'influence du droit continental

Par Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la Justice.

La crise économique et financière que nous traversons depuis septembre 2008 n'est pas achevée. Elle aura eu pour rare mérite d'inciter fortement les décideurs publics comme privés, les juristes comme les économistes à remettre en cause un certain nombre de certitudes, à commencer par une forme de croyance aveugle en l'efficience des marchés ; postulat qui conduisait à assujettir le droit à des impératifs strictement économiques.

Dès ma nomination en qualité de secrétaire d'Etat à la Justice, j'ai souhaité que puisse s'engager une réflexion de fond sur la valeur intrinsèque de notre système juridique de tradition continentale dans un moment où chacun ressent la nécessité de règles. Je plaide pour un véritable pluralisme juridique où le droit anglo-saxon cesserait d'être invoqué comme le seul système compatible avec les exigences du marché et du monde de l'entreprise.

L'économie de marché n'a jamais signifié l'absence de droit, et elle doit demeurer encadrée par ses instruments et ses exigences. Notre corpus juridique, souvent caricaturé grossièrement, est porteur de solutions à cette exigence d'ajustement, de régulation, en un mot, de sécurité juridique dont ont besoin les opérateurs économiques. Je suis convaincu que le droit dit continental présente de sérieux atouts de modernité, de flexibilité et d'efficience.

Plus que jamais, il nous faut tirer les enseignements de la crise actuelle et aborder sous un nouvel angle les relations droit-économie en mettant en évidence l'importance de l'histoire et des cultures juridiques. Le temps est venu de proposer une alternative fondée sur notre capacité d'adaptation aux changements de l'environnement économique. Cette tâche est d'autant plus aisée que notre système de droit codifié possède ses propres capacités d'adaptation. Il répond notamment aux besoins des pays en développement en quête d'un cadre juridique simple, stable et prévisible.

Cette stratégie de reconquête passe sans aucun doute par une redéfinition de la méthode d'évaluation comparée entre les systèmes juridiques en concurrence. J'ai à cet égard la conviction que la période que nous traversons constitue une occasion inespérée pour définir une véritable stratégie d'influence juridique, et ce, d'autant que nombre d'Etats ne se sentent pas à l'aise avec le modèle de "common law" et sont inversement beaucoup plus en phase avec le droit de tradition romano-germanique.

Pour atteindre cet objectif, je crois à la nécessité de créer des passerelles entre le monde du droit, de l'entreprise, de l'économie, de la diplomatie et de la recherche. La France doit saisir cette opportunité pour enfin définir, à l'échelon interministériel, une stratégie d'influence. Il en va de son rayonnement dans le monde et même plus généralement de la défense de la francophonie et des valeurs qu'elle incarne.

Ainsi rassemblés, nous pourrons porter notre conception d'un droit compréhensible, opératoire, facile à mettre en oeuvre dans nombre de pays qui sont en train de façonner leurs États de droit et trouver leur place dans la compétition économique.

Ce dessein exige un certain degré de volontarisme, d'exigence à l'égard de nous-mêmes.

C'est une stratégie d'influence moderne et pragmatique, associant les pouvoirs publics, le monde de l'entreprise et celui du droit, basée sur la conduite d'actions destinées à promouvoir une stratégie d'influence du droit romano-germanique qu'il convient d'élaborer et de mettre en oeuvre sans plus tarder. Il faut croire en nous-mêmes, sans arrogance mais sans frilosité.

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