Le drôle de procès de Goldman Sachs

Par Valérie Segond, éditorialiste à La Tribune.

L'audition ce mardi des dirigeants de Goldman Sachs devant la sous-commission d'enquête sénatoriale de Washington pourrait bien tourner à un drôle de procès, comme on parla naguère de "la drôle de guerre", ce moment précis du conflit où les multiples déclarations d'intention paralysent l'action armée. Et ce par l'accumulation des chefs d'accusation, où se télescopent le conflit d'intérêts, le mépris des clients, la priorité systématique aux activités de trading pour compte propre, le rôle décisif de Goldman Sachs dans la chute des crédits hypothécaires américains, sans oublier le délit d'initié de ses dirigeants... Le tout dans une culture maison où tout est bon pour faire de l'argent, comme en témoigne la facture inimitable des courriels internes.

Car si elle dit bien le modus operandi du plus grand "hedge fund" mondial, cette surabondance risque surtout de brouiller le vrai procès de Goldman qui, pour sa défense, ne manque pas d'accabler son employé (français !) et de noyer les vrais problèmes dans les arguments spécieux : tout ceci est faux, dit-il en substance, puisque l'effondrement du marché immobilier américain lui aurait fait perdre 1,7 milliard en 2008. Entendez : qui a subi des pertes est forcément honnête ! Même si GS oublie de dire qu'il a gagné des milliards au troisième trimestre 2007 grâce à la vente à terme massive de dérivés de crédits hypothécaires...

Mais la force de cette défense est de créer de subtils amalgames (peut-on reprocher à une banque d'avoir des convictions sur l'évolution d'un marché ?) qui font oublier l'essentiel : cette banque présente dans tous les métiers du financement et de l'investissement, ainsi que sur toutes les places financières du monde, est devenue un "hedge fund" si omniprésent, et qui gagne tellement d'argent par rapport à n'importe quel autre métier bancaire, que toute activité de conseil finit par lui être naturellement subordonnée. Dès lors, le mélange des genres n'est plus une exception, mais procède de sa nature même. Car il ne peut plus avoir qu'un seul vrai client : lui-même. Le voilà, le fond du procès.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 27/04/2010 à 13:46
Signaler
Belle description du délit d'initié. On comprend notamment l'absence de réforme de la finance malgré les intentions affichées et en particulier que les gains des traders ne sont qu'un petit pourcentage, 10% max des gains de la banque sur les marchés...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.