Quoi de neuf ? Des docteurs !

Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

"Lui : c'est quoi, ton sujet de thèse ?

- Elle : les chevaliers paysans de l'An Mil au lac de Paladru.

- Lui (après un silence gêné) : excuse-moi, mais il y a des gens que ça intéresse ?

- Elle : non".

Cette scène fameuse du film d'Alain Resnais "On connaît la chanson", entre Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui, dit tout sur l'incompréhension à laquelle se heurtent les docteurs (ou doctorants). En France, la bonne question est : "tu sors de quelle école ?" Là, tout le monde comprend. Chacun a plus ou moins la hiérarchie en tête, avec les spécialités reconnues de telle ou telle grande école et les salaires qui vont avec. En revanche, demander : "tu travailles sur quoi ?" débouche en général sur un dialogue comme celui de Resnais. La recherche, par définition, est difficile à expliquer en quelques mots et impossible à évaluer d'un simple coup d'oeil sur un CV.

Comme les universités françaises, à quelques brillantes exceptions près, n'ont guère de notoriété et n'ont rien fait pour en obtenir jusqu'à une date récente, leurs plus hauts diplômés, les docteurs, se retrouvent paradoxalement désavantagés lorsqu'ils se présentent sur le marché du travail. Nous sommes le seul pays développé où le titulaire d'un diplôme bac + 8 est plus mal loti en termes d'insertion professionnelle qu'un bac + 5 : trois ans après la fin de leurs études, 10% des docteurs étaient sans emploi contre 7% des titulaires d'un master.

Très logiquement, le nombre de docteurs stagne en France, alors qu'il progresse partout ailleurs. Même sans rêver à ces pays où le titre de "dottore" ou "Herr Doktor" suscite le respect, il serait bon de rectifier le tir. La France investit dans l'excellence universitaire, c'est même le seul budget encore appelé à croître. Mais si, en bout de parcours, ceux sur qui on a le plus misé se retrouvent le bec dans l'eau, quelque chose aura cloché dans les "dépenses d'avenir". Il est temps que les recruteurs comprennent qu'il faut d'insignes qualités pour écrire une thèse. Même sur les chevaliers paysans de l'An Mil au lac de Paladru.

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