Les normes IFRS ont encore frappé

Par Bernard Méheut, professeur de finances de l'entreprise au Collège des ingénieurs.

Les IFRS (International Financial Reporting Standards) ont eu pour objectif d'uniformiser dans le monde les règles d'établissement des comptes des entreprises pour faciliter les comparaisons, rendre les comptes plus compréhensibles et valoriser les actifs aux prix du marché.

Chacun connaît maintenant l'effet nocif de la règle IFRS de non-amortissement régulier de l'écart d'acquisition, qui apparaît dans les comptes consolidés d'un groupe lors de l'achat d'une entreprise pour un montant supérieur à ses fonds propres : lorsque les perspectives initiales de résultat de la cible ne se vérifient pas, il faut déprécier en tout ou partie l'écart d'acquisition, ce qui peut représenter des montants considérables.

Autre problème : la passation de certains résultats directement en capitaux propres, sans passer par le compte de résultat. Avant les IFRS, cela conduisait au refus de certification par les commissaires aux comptes. Toute entreprise communique avant tout sur son résultat : passer certaines opérations directement en capitaux propres donne une information tronquée au marché. Comment un non-spécialiste pourrait-il se fier aux comptes publiés si le résultat annuel ne représente plus la différence entre les produits et les charges de l'année ?

L'année 2010 a vu la publication de nouvelles normes, dont certaines corrigent les imperfections des normes anciennes sans supprimer ces dernières... Au vu des effets nocifs du passage de certaines opérations directement en situation nette, il vient ainsi d'être décidé, non pas de supprimer cette norme, mais de créer une nouvelle norme instituant le "résultat global". Le compte de résultat se décompose désormais en deux parties, la première détaille le résultat selon l'ancienne norme, donc n'incluant pas certaines opérations passées directement en situation nette, la seconde reprend les opérations passées directement en situation nette, et le total des deux, appelé "résultat global", rétablit le résultat économique !

Autre norme nouvelle : la "dépréciation durable" des actifs dont la valeur a beaucoup diminué. Mais ces dépréciations doivent être comptabilisées séparément, en résultat ou en situation nette. Espérons que cette nouvelle norme, qui n'est pas en accord avec la notion de "valeur de marché", sera amendée.

Cette avalanche de normes, contre-productive pour la bonne compréhension des comptes par le public, alourdit tellement le travail des entreprises que certaines deviennent réticentes à entrer en Bourse, ou cherchent des marchés moins réglementés. Et elle ne facilite pas la tâche des commissaires aux comptes, sans cesse aux prises avec les modifications annuelles, dont certaines n'ont pas de justification économique. Pas moins de quinze personnes dédiées aux comptes IFRS sont désormais nécessaires pour assurer un travail de qualité, travail qui, rappelons-le, est payé par les entreprises. Seuls de très grands cabinets pourront entretenir une telle équipe, ouvrant ainsi la voie à un quasi-monopole de la certification des comptes IFRS par les quatre ou cinq grands cabinets internationaux, avec tous les inconvénients qu'entraînent les oligopoles pour les usagers, ici les entreprises.

Il semble urgent que les institutions qui, dans chaque pays, surveillent le bon fonctionnement des marchés financiers, se coordonnent au niveau européen pour que les organismes qui décident des IFRS n'affaiblissent pas les entreprises par des normes inutiles et coûteuses qui, en outre, ne respectent pas les principes comptables de base.

N'oublions pas ce que disaient nos maîtres : "La comptabilité est une très vieille dame, mais elle a toujours des règles."

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