Jeux de cartel

Par Olivier Provost, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

C'est un joli mot italien de la Renaissance : "cartello", très vite traduit en allemand "kartell" et désignant une affiche, un ornement, un cartouche puis par extension un document solennel, la "lettre de défi", régissant une rencontre entre chevaliers, un tournoi sportif, un accord entre chefs militaires voire un échange de prisonniers. De chevalerie, il n'est hélas plus question dans son acception française. Le cartel qualifie au contraire une sombre entente entre puissants au détriment des faibles, consommateurs ou petits concurrents. Une spécialité non transalpine ni germanique, mais bien hexagonale.

La concurrence, la France l'aime limitée, maîtrisée, sous contrôle. Suffisante pour donner le choix, mesurée pour ne pas donner trop de pouvoir aux clients ni amputer les profits des acteurs oligarchiques qui se partagent le marché. Des banques à la grande distribution, impossible de dire que la concurrence n'existe pas en France, impossible non plus de tuer le doute sur les pratiques commerciales et tarifaires des uns et des autres. C'est encore plus vrai lorsque, comme dans la téléphonie, il n'y a que trois intervenants et qu'un quatrième a bien du mal à se faire une place au soleil.

Cette dichotomie tricolore se traduit aussi par la façon dont le pouvoir traite ce dossier de la concurrence. A la fois, il renforce les pouvoirs de l'Autorité ad hoc et il ménage les susceptibilités des grands groupes français afin de ne pas les affaiblir dans la bataille européenne et mondiale. Paris a suffisamment critiqué Bruxelles pour son seul prisme consumériste et son insuffisante prise en compte de la défense des entreprises du Vieux Continent. La prudence française lui aura certes permis d'éviter les excès de la compétition à outrance, qui voit disparaître certains acteurs, ce qui lèse parfois aussi ses clients, ou qui voit proliférer la publicité comparative la plus sauvage.

Le consommateur de notre pays ne serait toutefois pas contre un peu plus de pugnacité entre enseignes, sans aller jusqu'au tournoi de chevalerie.

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