RBS ne l'a pas fait exprès

Par Eric Albert, correspondant de La Tribune à Londres.
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Heureux Fred Goodwin. Avec sa retraite de 400.000 euros par an, l'ancien patron de Royal Bank of Scotland (RBS) coule des jours qu'on imagine paisibles - à défaut d'être heureux - depuis la quasi-faillite de son établissement. Le banquier, devenu en Grande-Bretagne le symbole de la crise financière, a d'autant moins de souci à se faire que la Financial Services Authority (FSA) l'a lavé de tout soupçon juridique la semaine dernière. Après dix-sept mois d'enquête, la FSA conclut sans rire que « RBS a commis une série de mauvaises décisions pendant les années précédant la crise (...) mais nous n'avons pas identifié de fraude ou d'activité malhonnête ».

Les meilleurs limiers du gendarme de la Bourse, aidés des fins experts de PWC, sont donc arrivés à cette urgente conclusion : RBS ne l'a pas fait exprès. Elle n'a pas fait exprès de réaliser 27 milliards d'euros de perte en 2008 ; pas fait exprès d'avoir besoin de 50 milliards d'euros de secours venant des contribuables ; pas fait exprès d'avoir acheté à prix d'or ABN Amro, à l'automne 2007, alors même que la crise avait déjà commencé. Non, décidément, comme un enfant de cinq ans qui vient de faire tomber une pile d'assiettes, la banque qui se rêvait maître du monde n'a pas « manqué d'intégrité », pour reprendre la conclusion de la FSA.

La décision a provoqué une levée de boucliers : « Indécente et inacceptable », affirme un porte-parole du syndicat Unite ; « honteuse », lance l'éditorialiste du « Daily Mail », le très virulent et populiste tabloïd de droite. Pourtant, la FSA a probablement pris la bonne décision. D'un point de vue strictement légal, il est très difficile de trouver une raison de poursuivre Fred Goodwin et son conseil d'administration. RBS n'est ni Enron, ni Madoff : il n'y a pas eu tromperie sur la marchandise. C'est bien pire : tout le monde a applaudi l'acquisition d'ABN Amro à l'époque, depuis la direction de la banque jusqu'à ses actionnaires, en passant par les avocats d'affaires et les régulateurs, sans oublier - reconnaissons-le - les médias. Si beaucoup soulignaient le prix très élevé de l'opération, personne - ou presque - n'avait perçu l'ampleur de la calamité.

L'acquisition d'ABN Amro a été votée à presque 95 % par les actionnaires de RBS. Mieux : il y a eu une bataille acharnée avec Barclays pour acheter ce qui était alors considéré comme une pépite bancaire. À l'époque, Barclays avait trouvé le prix à payer trop élevé et avait été légèrement plus prudente que RBS. Mais il s'en était fallu de peu. Si elle avait réussi, ce sont sans doute John Varley, le directeur de Barclays, et son successeur et grand preneur de risque Bob Diamond, qui auraient incarné les « méchants » aux yeux du grand public.

Cette histoire est malheureusement un avertissement à tous ceux qui prêchent un « plus jamais ça ». Ceux-là espèrent que la nouvelle régulation mise en place à travers le monde évitera les nouvelles crises. Ils ont raison : il faut absolument essayer. Mais croire en un succès purement juridique et administratif est une illusion : aucune règle ne remplacera jamais la capacité de jugement, le bon sens et la capacité à aller contre le consensus d'un moment donné. Vouloir s'abriter derrière des règles, immédiatement contournées par une armée d'avocats, serait une chimère.

Retrouvez le blog d'Éric Albert sur www.latribune.fr

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