Les Bric face à la « dé-globalisation » de l'économie

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Un nouveau chapitre dans l'histoire de la mondialisation. La carte économique de la planète évolue si vite qu'il faut avoir un globe terrestre à portée de la main pour suivre la chronique des intégrations régionales qui se profilent à l'horizon. Est-ce le signe avant-coureur d'une prochaine « dé-globalisation » de l'économie mondiale ? Le sommet des Bric, qui se tient cette semaine dans l'île de Hainan en Chine du Sud, apporte une réponse indirecte et paradoxale.

C'est la troisième fois que les grandes puissances « émergentes » de la planète - Chine, Brésil, Inde, Russie et Afrique du Sud - se réunissent pour une photo de famille. La valeur symbolique de la rencontre est faible. Au départ, il s'agissait de montrer l'avènement d'un contre-pouvoir face aux États-Unis, à l'Union européenne et au Japon. Aujourd'hui la cause est entendue. À l'inverse, qu'il s'agisse de configuration monétaire, d'enjeux démographiques, de culture industrielle ou de modèle de croissance, les cinq n'ont pour ainsi dire aucun intérêt commun. Mais chacun est la puissance dominante d'un sous-ensemble régional appelé à devenir une « économie monde » au sens où on l'entendait à la Renaissance.

Bien avant la crise financière de 2008, Sam Palmisano, le PDG d'IBM, s'interrogeait sur les conséquences d'un fractionnement prévisible des marchés après la parenthèse de mondialisation facile, ouverte par l'effondrement du bloc communiste en 1989. C'était l'époque où General Electric demandait à ses cadres de se considérer comme des citoyens GE avant de se souvenir d'être des Américains, des Chinois ou des Indiens. Mais déjà les multinationales de la grande consommation - McDonald's, Procter & Gamble ou Unilever - anticipaient le retour du « local » en prenant en compte les facteurs sociologiques, culturels et géopolitiques dans la définition de leur offre. Une règle qui s'impose aujourd'hui à toutes les grandes firmes.

Premier exemple. Coalition Pacifique en Amérique latine. Dans quelques jours va naître sur la côte Pacifique de l'Amérique latine un marché boursier commun à trois puissances moyennes, le Chili, le Pérou et la Colombie. Nom de code, le « Mila ». C'est plus qu'un simple épisode dans le feuilleton des alliances initiées depuis une quarantaine d'années dans le monde latino-américain comme le Pacte andin transformé en Communauté andine en 1996 ou le Mercosur créé en 1991 entre le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay. Les trois pays membres du Mila souhaitent croiser leurs investissements, rapprocher leurs entreprises et jouer à fond la carte des relations d'affaires avec les pays de la façade asiatique. D'où le projet de créer plus tard une sorte de « Marché commun Pacifique » formant un contrepoids face au colosse régional brésilien.

Deuxième exemple : le réseau ferré d'Asie du Sud. L'Asie du Sud-Est connaît en ce moment un boom ferroviaire qui rappelle celui qu'a connu l'Europe dans la seconde moitié du XIXe siècle. Les Français y avaient alors construit une ligne de chemin de fer qui reliait Hanoi à Kunming (l'ex-Yunnanfu) en Chine du Sud. Capitale de la province du Yunnan, Kunming est aujourd'hui le point de départ d'un faisceau de lignes anciennes, nouvelles et futures qui relient - ou relieront bientôt - la Chine à la Thaïlande, au Cambodge, au Vietnam, à la Birmanie et au Laos. L'accord de libre-échange entre la Chine et certains pays membres de l'Asean (Association des nations de l'Asie du Sud-Est) est entré en application en 2010 et on voit déjà se dessiner un grand marché régional du bassin du Mékong.

On pourrait multiplier les exemples de ces « économies monde » en maturation sur les cinq continents. La « dé-globalisation » de l'économie n'annonce pas la fin de la mondialisation. Elle la ramène tout simplement sur terre.

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