La fin du produit politique Berlusconi

Coup sur coup, les élections municipales et les référendums (sur le nucléaire, l'eau mais aussi les passe-droits du Cavaliere devant la justice) ont révélé que le président du Conseil italien n'est plus en phase avec le pays. Mais au produit politique Berlusconi ne succède encore aucune alternative.
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L'après-Silvio Berlusconi a débuté. Dix-sept ans après l'entrée en scène de l'homme d'affaires, le Cavaliere est encore au pouvoir mais le sol s'est dérobé sous ses pieds. Dans la précipitation, le président du Conseil tente de rafistoler sa coalition et de s'assurer par tous les moyens une majorité à la Chambre des députés jusqu'à la fin normale de la législature, en 2013. Mais de toute évidence, à la suite des référendums des 12 et 13 juin, sur la reprise du nucléaire, la privatisation de l'eau ou l'immunité judiciaire des membres du gouvernement, le verdict est sans appel. Silvio Berlusconi n'est plus en phase avec le pays.

Le grand communicateur ne se fait plus entendre par ses concitoyens. Il ne parvient plus à interpréter les aspirations de l'électorat et à incarner le changement, la rupture et la promesse d'une modernisation de la péninsule qui avaient forgé son succès. A 74 ans, empêtré dans les scandales de corruption mais aussi sexuels, avec le procès dit "Rubygate" pour lequel il est soupçonné de "prostitution de mineure", Silvio Berlusconi a atteint son plus bas niveau de popularité (seuls 29% des Italiens lui font confiance) et pour reprendre l'expression de ses alliés de la Ligue du Nord, il subit "claque après claque".

Début juin, le résultat des élections municipales partielles à Naples et Milan avait déjà marqué le divorce entre le pays et son chef de gouvernement. Silvio Berlusconi avait notamment perdu sans appel le contrôle de la capitale économique de la péninsule qui était aussi son fief électoral.

Au cours des référendums, et alors qu'il avait invité ses concitoyens à déserter les urnes, 57% des Italiens se sont rendus dans les bureaux de vote. Les trois questions soumises à référendums ont été approuvées à près de 95%. "La majorité absolue des inscrits confirme l'existence d'un large secteur qui se prononce contre l'exécutif ", a analysé le politologue Renato Mannheimer qui précise : "Il s'agit d'un phénomène qui ne concerne pas seulement les électeurs du centre gauche mais qui est arrivé à toucher des segments significatifs de l'électorat actuel des partis de gouvernement." Un électeur de la Ligue du Nord sur deux a, par exemple, participé à la consultation.

En toute urgence, le Cavaliere tente de ressortir de ses cartons les engagements qu'il avait pris au début de son second mandat, en 2001, à savoir une baisse des impôts ou encore une réforme de la justice. Mais le pays ne semble plus disposé à le croire alors qu'il a gouverné huit des dix dernières années et que l'Italie présente l'un des taux de croissance les plus faibles de l'UE, que l'administration demeure pléthorique, la charge fiscale l'une des plus fortes de l'OCDE ou encore que les ordures jonchent toujours les rues de Naples. "Dégage" semble avoir lancé une majorité d'Italiens et notamment les jeunes qui étaient à peine nés lorsque, en 1994, Silvio Berlusconi franchissait pour la première fois les portes du palais Chigi.

Le rejet politique du Cavaliere porte en lui deux autres enseignements. Il confirme d'abord que l'Italie n'a pas vécu un "ventennio" (en référence aux deux décennies de la période fasciste) de télécratie. Si la position dominante et extravagante de Silvio Berlusconi dans le panorama médiatique italien constitue une anomalie démocratique, celle-ci n'est pas en mesure de déterminer à elle seule l'issue du vote. La mobilisation pour les référendums, organisée notamment sur les réseaux sociaux, a confirmé que l'omniprésence de Silvio Berlusconi sur les écrans n'était pas suffisante pour lui assurer la victoire. L'autre élément des scrutins du printemps 2011 réside dans le fait que l'électorat italien est mobile. Avec la disparition, au début des années 1990, des principaux partis politiques de gouvernement (Démocratie chrétienne, Parti socialiste, etc...) emportés par les affaires de corruption (opération Mani pulite, "mains propres"), puis à peu près dans le même temps l'évaporation du grand parti d'opposition, le PCI, l'Italie a expérimenté, avant les autres démocraties européennes, l'effacement des familles politiques traditionnelles. Dans ce contexte, Silvio Berlusconi, en bon entrepreneur notamment télévisuel, a su offrir un produit politique répondant à une demande de citoyens consommateurs de politique.

Mais aujourd'hui, le produit ne satisfait plus le chaland qui manifeste clairement son intention de changer de crémerie. C'est pourquoi l'Italie entre dans une période d'incertitude. Car s'ils marquent un très net rejet de Silvio Berlusconi, les scrutins récents indiquent en effet qu'aucun leader n'émerge clairement ni à droite ni à gauche. L'après-Berlusconi reste encore à écrire.

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