Libye : et maintenant, construire la paix

La construction d'une paix durable en Libye reste délicate. La communauté internationale doit se faire discrète, laissant les Libyens mettre en place leurs institutions. Mais elle ne peut se désengager totalement : sous l'égide de l'ONU, notamment, devront être combinées assistance économique et aide à la construction d'un État.
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Cinq mois après l'adoption de la résolution 1973 par les Nations unies et le début des opérations aériennes, la victoire semble à portée de main en Libye et la chute du régime Kadhafi paraît désormais acquise. Il s'agit d'un beau succès pour la coalition militaire qui a mené les opérations aériennes, sans lesquelles les forces « rebelles » n'auraient jamais été en mesure de renverser le dictateur libyen. Contrairement aux prédictions des Cassandre qui, il y a quelques jours encore, anticipaient l'enlisement militaire des alliés, cette campagne menée par des moyens aériens européens (essentiellement français et britanniques), avec un appui américain, restera comme une vraie réussite. Grâce à une offensive bien menée de frappes limitées et ciblées, sans pertes ni dommages collatéraux majeurs, la coalition aura non seulement évité le « bain de sang » promis aux opposants par le colonel Kadhafi mais permis la chute du régime et l'engagement d'un processus politique.

Ce succès militaire ne doit cependant pas cacher l'ampleur de la tâche qui attend désormais la communauté internationale et le peuple libyen. Après 150 jours de conflit et une guerre civile, il s'agit désormais de construire un État libyen stable, après 42 années de dictature. Si les risques d'un conflit s'éternisant ou d'une partition de facto du pays entre Cyrénaïque et Tripolitaine semblent pour le moment écartés, la stabilité de la Libye post-Kadhafi n'est pas encore acquise. De nombreuses inconnues demeurent. La représentativité et l'unité du Conseil national de transition vont être testées, tout comme les équilibres entre les différentes forces politiques et tribales. Le poids des islamistes dans le nouveau dispositif reste à définir tout comme la place des anciens soutiens de Kadhafi.

À la lumière des expériences douloureuses de l'Irak et de l'Afghanistan, il est évident que la phase qui s'ouvre va être critique. Il est indispensable de mettre en place un véritable processus de réconciliation nationale qui permette d'associer rapidement les soutiens tribaux de Kadhafi, voire certains éléments de l'ancien régime, afin d'éviter que le comportement des vainqueurs ne provoque le ressentiment des vaincus, voire le développement d'un mouvement d'opposition armé significatif. Il convient donc d'éviter autant que possible les représailles incontrôlées et de favoriser un processus judiciaire permettant de juger dans des conditions acceptables les responsables des exactions commises par l'ancien régime. Il est également urgent de restaurer au plus vite des conditions de vie décentes pour la population libyenne sur l'ensemble du territoire et de restaurer les services publics essentiels au fonctionnement minimum de la société (justice, sécurité, etc.) afin d'éviter que le pays ne sombre dans l'anarchie.

Au-delà de la phase immédiate, il convient de mettre en place dès que possible le processus politique qui, à terme, doit conduire à une Constitution, des élections transparentes et la mise en place d'un régime légitime aux yeux de tous les Libyens.

La remise en route ou la reconstruction rapide des infrastructures critiques (pétrolières notamment) doit permettre de dégager les ressources nécessaires dans un pays qui reste riche et peu peuplé, en évitant autant que possible que ne se développent des processus de spoliation de ces richesses au profit des nouveaux dirigeants.

Le rôle de la communauté international doit être à la fois critique et discret dans la phase qui s'ouvre. Il appartient aux Libyens de mettre en place les institutions de leur pays et l'existence du Conseil national de transition permet d'éviter la phase d'une supervision internationale trop étroite et qui risque d'être contre-productive. Afin de permettre une transition ordonnée, il est cependant nécessaire que les Nations unies (sans doute par le biais d'une nouvelle résolution du Conseil de sécurité) avec l'appui de l'Union africaine, de la Ligue arabe et de l'Union européenne s'engagent directement et prennent rapidement le relais de l'Otan qui a coordonné les opérations militaires.

Cet engagement international devra être essentiellement civil et associer aussi bien des États engagés dans les opérations aériennes que des États réticents à un engagement militaire. Il devra combiner assistance humanitaire, soutien économique et aide à la construction d'un État. Il est certain que le chemin sera long et que la stabilisation espérée de la Libye prendra sans doute des mois ou quelques années. Des phases d'instabilité voire des flambées de violence sont à redouter. Il est donc d'autant plus essentiel de commencer dès aujourd'hui pour gagner la paix après cette belle victoire militaire. C'est indispensable pour la Libye et c'est nécessaire pour l'Europe qui doit investir dans la stabilité de la rive sud de la Méditerranée.

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