Trois stratégies pour le FMI, deux de trop !

La réunion du FMI à Washington ce week-end n'a abouti à aucune décision concrète. Mais derrière les déclarations de pure forme, on peut décrypter trois logiques antagonistes : celle de l'Europe, celle des Etats-Unis et désormais celle des pays émergents. Difficile dans ces conditions pour le FMI, quels que soient ses moyens, de trouver une solution collective à une crise mondiale de cette ampleur.
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Rarement aura-t-on vu aussi clairement étalées les divergences entre les grands pays et blocs de la planète. Réunis à Washington ce week-end avec le modeste objectif de cerner un diagnostic commun, faute d'être d'accord sur les remèdes, les membres du FMI sont partis dans tous les sens dans leurs propos.

Vaille que vaille, ils ont conclu en affirmant dans leur communiqué commun qu'ils agiraient "collectivement afin de restaurer la confiance et la stabilité financière et de raviver la croissance mondiale". Ce que le gouverneur de la banque centrale de Chine, Zhou Xiaochuan, maître de la dialectique, avait énoncé ainsi : "Une coopération mondiale est nécessaire. Un élément clé de cette coopération est que chaque pays prenne les choses en main chez lui, qu'il prenne des mesures bien adaptées et mette sa maison en ordre." Une manière de prévenir qu'il ne fallait pas trop compter sur les Chinois.

Au nom des États-Unis, Tim Geithner a exprimé avec emphase son « admiration » pour les Européens, ce qui lui a permis de réclamer aussitôt, à titre compensatoire, qu'ils créent "un pare-feu contre une contagion plus grave" (qui menacerait les Américains), une allusion au renforcement du système bancaire européen. Il a adressé un grand coup de chapeau à la BCE sur laquelle il fonde tous ses espoirs, depuis sa visite (contestée) à la récente réunion des ministres européens des Finances à Wroclaw.

Une même préoccupation avait été la veille à l'origine de l'intervention de Christine Lagarde, évoquant la possibilité d'une "combinaison" entre la BCE et le Fonds de stabilité (FESF), sous-entendant que la banque centrale devait s'engager davantage et ne pas se contenter d'attendre que ce dernier soit opérationnel dans ses nouvelles missions pour immédiatement se retirer.

La situation en Europe a donc été au centre des discussions et les dirigeants européens se sont retrouvés sur le banc des accusés. Seule nouveauté, Wolfgang Schaüble, le ministre des Finances allemand, a lancé un ballon d'essai en ne se déclarant pas opposé à ce que la création du MES (mécanisme européen de stabilité), qui doit prendre la succession du Fonds de stabilité, n'attende pas mi-2013.

Un nouveau sujet de division est apparu : l'augmentation des moyens financiers du FMI ; Christine Lagarde a prévenu : "Nos capacités de prêt de près de 400 milliards de dollars semblent confortables aujourd'hui mais font pâle figure au regard des besoins de financement potentiels des pays vulnérables et des victimes collatérales de la crise." Les dirigeants chinois ont appuyé cette analyse tandis que les Américains s'y sont opposés.

L'explication la plus immédiate est que les États-Unis sont les premiers contributeurs du FMI et qu'un fort courant d'opposition aux organisations internationales existe traditionnellement au Congrès. Mais il s'agit d'autre chose également : de la montée en puissance du FMI sur la scène financière internationale et de l'élargissement de ses missions, un processus d'ailleurs déjà engagé. Non seulement en raison de la multiplicité de ses interventions en Europe, ce qui est nouveau, mais aussi de l'accroissement de son action préventive, avec la mise en place de lignes de crédit, au cas où... Avec en filigrane, la perspective d'une réforme du système monétaire pour laquelle le FMI est appelé à jouer un rôle central et à laquelle les Américains sont farouchement opposés.

Dans cette logique, le Fonds prend du poids en tant qu'institution multilatérale et son contrôle pourrait échapper aux Américains, qui y possèdent encore une minorité de blocage sur les questions essentielles. Guido Mantega, le ministre des Finances brésilien, n'a pas dit autre chose en affirmant que "les pays avancés ne peuvent plus gérer seuls les risques pour la stabilité mondiale" et stigmatisant "les politiques monétaires obstinément prodigues dans les pays qui émettent des monnaies de réserve", qui "ont peu fait pour soutenir la reprise économique mais ont généré des casse-tête pour les marchés émergents". Suivez mon regard...

Avec l'exacerbation des divisions entre Américains et Européens, les uns privilégiant la relance et les autres la réduction des déficits, un troisième pôle affirme ainsi son autonomie, celui des Brics, l'acronyme qui désigne les pays émergents. Guido Mantega y a fait référence en rappelant que "tout regain de la demande mondiale dépendra dans une large mesure de ces pays". Il a toutefois préconisé que les pays développés utilisent leurs marges de manoeuvre budgétaires pour favoriser la relance.

Pour faire face à une crise globale, ce ne sont donc plus deux mais trois stratégies mondiales qui s'opposent : celle des Américains qui fondent leurs espoirs dans les banques centrales et leurs programmes de création monétaire, afin que la Banque d'Angleterre (qui y est prête) mais aussi la BCE prennent le relais de la Fed ; les Européens qui tentent de stabiliser leurs déficits et de consolider leurs banques sur fonds publics ; et enfin les pays émergents qui exhortent les pays riches à utiliser leurs fonds publics en faveur de la relance. Ce serait logiquement au G20, lors de sa prochaine réunion prévue dans six semaines, de faire ce choix politique. Logiquement...

 

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Commentaire 1
à écrit le 30/09/2011 à 12:57
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La FMI est la grosse rigolade! Les pays qui peuvent aider (l'Inde, la Chine) n'ont quasiment aucun droit de votes! Alors si on veut que les choses avancent, il faut que les BRICS aient davantage du pouvoir!!!

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