La politique énergétique de Cameron : Brexit ou modèle pour l'Europe ?

En 2010, il n'avait fallu que 4 jours à David Cameron pour définir avec force détail une politique active de décarbonation du secteur de l'énergie au Royaume-Uni. Quel horizon pour le mandat 2015 ? Cameron organise le retour de l'Etat, pour mieux mettre en œuvre la transition énergétique. Par Michael Pollitt, Professeur d'Economie à l'université de Cambridge, Fabien Roques Vice Président, FTI CompassLexecon, et Christophe Bonnery, Président de l'Association des Economistes de l'Energie
La Grande-Bretagne va privilégier les éoliennes offshore, même si leur coût est supérieur, pour des raisions d'acceptabilité

En 2010, James Cameron se retrouve à la tête de la coalition des Conservateurs et des Libéraux-Démocrates. Près de cent jours après sa réélection du 7 mai 2015, avec plus d'autonomie car libéré des contraintes d'une coalition, le Premier Ministre britannique peut confirmer ou infléchir cette politique. Quelle analyse peut-on faire pour la future politique énergétique britannique de Cameron, à l'approche de la conférence Paris 2015 sur le climat et au moment où le tabou du BREXIT est tombé ?

Lors d'une conférence organisée le 10 juin à Paris par l'Association des Economistes de l'Energie (AEE), Michael Pollitt, professeur d'économie à la prestigieuse université de Cambridge, Fabien Roques, professeur associé à l'université Paris-Dauphine et Christophe Bonnery, président de l'AEE, ont tenté de répondre à ces questions.
La campagne électorale a souligné l'instabilité du débat. Le leader du parti travailliste avait promis de geler les prix de l'énergie pour se permettre de décider un mix énergétique alternatif, la mesure est apparue très démagogique. Les conservateurs de leur côté misaient pour la poursuite de l'effort de décarbonisation en l'ajustant avec une possible baisse du programme éolien offshore, jugé trop cher pour les finances publiques.

L'influence du Comité contre le Changement climatique

Le Comité contre le Changement Climatique (CCC) a eu une forte influence sur la politique du précédent gouvernement Cameron. Il met aujourd'hui en avant plusieurs idées, telles que la relance de la capture et séquestration du carbone, l'efficacité énergétique, limiter dès 2016 les émissions du mix à 50-100 gCO2/kWh, ou encore la relance le programme de véhicules électriques par le financement innovant des infrastructures. Enfin, paradoxalement, le programme éolien onshore plus compétitif, serait plus réduit que l'offshore, pour des questions d'acceptabilité. Mais le programme assure contenir les factures des consommateurs au minimum. Les éléments du cocktail sont disponibles. Il reste à les formaliser.

Le retour de l'Etat

Rappelons ensuite que tout l'édifice repose sur des instruments économiques innovants, sous l'intitulé de l'EMR - Electricity Market Reform. Il s'appuie sur 3 instruments principaux : les Contract for Difference permettent de fournir une sécurité financière aux investisseurs dans les technologies qui n'émettent pas de CO2 tout en les intégrant au marché, alors que le mécanisme de capacité permet d'assurer la sécurité du système. Ces deux instruments marquent le retour d'un rôle marqué pour l'État pour planifier et mettre en œuvre par l'intermédiaire d'appels d'offre le mix énergétique.

De plus, le prix plancher du carbone permet de renforcer le signal prix faible du marché des permis d'émissions Européens. Cette politique a marqué les observateurs européens. En effet, le Royaume-Uni, qui avait été un précurseur en étant le premier pays en Europe à libéraliser et ouvrir à la concurrence son secteur électrique en 1990, opère un virage significatif vers un modèle hybride cherchant à combiner intervention publique pour coordonner les investissements et le marché. L'originalité de l'approche du Royaume Uni en fait un champ d'observation pour les économistes qui se demandent si ce laboratoire grandeur nature sera un modèle pour les autres états membres.

De nouveaux instruments hors marché pour faciliter la transition énergétique

En prenant un peu de recul, il s'avère que le Royaume-Uni reste fidèle au marché pour optimiser le système énergétique, mais se dote de nouveaux instruments de coordination et de transfert de risques afin de faciliter les investissements nécessaires à sa transition énergétique. S'il ne s'agit pas d'ériger le nouveau modèle britannique en référence, il convient du moins de regarder plus en détail l'idée que le marché s'analyse avec une double focale : la stimulation des investissements de long terme d'une part : la concurrence joue « pour » le marché. D'autre part, il convient de veiller au fonctionnement à court terme d'un marché liquide et équilibré : la concurrence se situe « dans » le marché.

La Commission Européenne lance dans les jours qui viennent une consultation sur un nouveau design de marché électrique. Nous espérons que les leçons de l'expérience britannique permettront de faire avancer le débat européen. Dans l'énergie au moins, le Brexit n'est pas souhaitable.

Article rédigé pour le Club des Economistes de l'Energie
Michael Pollitt
Professeur d'Economie à l'université de Cambridge
Fabien Roques
Vice Président, FTI CompassLexecon
Christophe Bonnery
Président de l'Association des Economistes de l'Energie

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Commentaire 1
à écrit le 08/10/2015 à 8:06
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Qu'appelle-t-on "politique de l'Etat"? sans doute une réforme fiscale.

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