Pourquoi il faut prêter attention à la loi climat européenne

OPINION. Le Parlement européen se prononcera demain en séance plénière sur sa loi climat, pilier du Green Deal annoncé en grande pompe il y a un an. Mais ce texte n’est pas à la hauteur de l’urgence climatique. Par Marie Toussaint, députée européenne EELV.
Pour respecter l'Accord de Paris, l'objectif européen en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre devrait être de 65, voire de 70%, note Marie Toussaint.
Pour respecter l'Accord de Paris, l'objectif européen en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre devrait être de 65, voire de 70%, note Marie Toussaint. (Crédits : Lino Grant)

Nous perdons un temps précieux. Il y a près d'un an, pourtant, la Commission européenne était élue avec ce grand cri : « Vive le Green deal ! ». Quel gâchis. Le pacte vert promis ressemble en réalité davantage à une indigeste mixture libérale, où la révolution consiste en une longue liste de législations environnementales à réviser ou à créer, sans même avoir ajusté en conséquence les objectifs qui nous permettraient d'être à la hauteur de la catastrophe annoncée.

Nous voilà à la veille du premier crash-test : la "loi climat européenne", qui vise la neutralité carbone de l'Union en 2050 et fixe les objectifs intermédiaires pour y parvenir. Votée ce mercredi en séance plénière du Parlement européen, elle devra dire si nous mettons vraiment en œuvre les mesures nécessaires à la préservation des droits humains et du climat. Cette loi est déjà dénoncée par Greta Thunberg comme une "capitulation". Et il y a de quoi.

La baisse de 55% du CO2: une promesse timide

Pour respecter l'Accord de Paris, pour éviter les sécheresses comme celle du Doubs, où la rivière a disparu par endroits au courant du mois d'août, pour freiner l'écroulement des glaciers comme celui de Nioghalvfjerdsfjorden au nord-est du Groenland il y a trois semaines, ou juguler les records de chaleur enregistrés cet été dans 50 villes de France, l'objectif européen en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre devrait être de 65, voire de 70%. Disons le franchement : la proposition de la Commission est totalement à côté de la plaque avec sa timide promesse de viser une baisse de 55% de CO2. Un objectif qui, à la faveur de jeux de chiffres et d'experts risque fort d'être ramené à 52,8% à l'horizon 2030.

Nous perdons un temps précieux, parce que les scientifiques sont formels : si nous voulons tenir nos engagements internationaux, il nous reste dix ans pour agir. Chaque hésitation, chaque tremblement sont autant de redditions devant le chemin qu'il nous reste à parcourir pour préserver une planète vivable.

Le risque que l'Ue passe à côté de l'Histoire

Alors certes, le Parlement européen devrait la semaine prochaine adopter une proposition ambitieuse, avec la création d'un Haut Conseil pour le climat européen, une amélioration de l'accès à la justice pour faciliter le contrôle citoyen comme tente de le faire la campagne de justice climatique l'Affaire du siècle. Bien sûr les parlementaires défendront la fin des subventions directes et indirectes aux énergies fossiles d'ici 2025. Evidemment ils rappelleront le lien étroit entre réchauffement climatique et conditions sociales.

Mais le risque est là, et il est grand, que l'Union européenne passe une nouvelle fois à côté de l'Histoire, en se dotant d'objectifs dérisoires. Et le Parlement européen, autrefois si pionnier, cède peu à peu du terrain aux productivistes et aux tenants du mirage de la croissance verte, en refusant le rapport de force avec la Commission européenne.

Des politiques contradictoires

Pire, les parlementaires et notamment les élus LREM ont tendance à se contredire eux-mêmes, en demandant la fin des subventions directes et indirectes aux énergies fossiles d'ici 2025 tout en défendant la place du gaz dans le mix énergétique et les nouvelles infrastructures de l'Union (qui nous enfermeront dans le gaz pour les 30 à 40 prochaines années), ou en abandonnant la bataille budgétaire là où il manque au moins 470 milliards d'euros par an pour financer la transition.

Le refus d'ouvrir les yeux face aux émissions importées de l'Union européenne et de la France est une autre faute grave de la majorité de notre pays, si prompt à défendre les intérêts du climat dans les mots... et les intérêts économiques ou financiers des grandes firmes dans les actes. Ne parlons même pas des outils de contrôle de l'atteinte des objectifs climatiques de l'Union par ses Etats-membres, à peine renforcés, et certainement pas contraignants ou adossés à des sanctions.

Un statu quo intenable

Une nouvelle fois, les néo-libéraux, les productivistes et les conservateurs semblent avoir noué une alliance indéfectible. Elle repose sur l'idée que, puisque les grandes puissances du monde sont dirigées par des climato-sceptiques, nous ne pourrions agir. Un nouveau mensonge, puisqu'y compris en termes de rationalité économique, toute innovation de notre modèle énergétique, de production et de consommation, constitue une belle promesse d'avenir, et ouvre des perspectives de millions d'emplois.

Un confortable mensonge, surtout, car l'application de ces changements sur la politique française risqueraient d'être bien lourde pour ceux qui pensent avoir intérêt au statu quo : une loi climat ambitieuse obligerait la France à un véritable moratoire sur l'artificialisation des sols et les coupes rases dans les forêts françaises, ou encore sur le déploiement de la 5G. Elle obligerait en somme le pays à tenir compte des mesures plébiscitées par la Convention citoyenne pour le climat, et le Président de la République à tenir ses promesses.

Nous perdons un temps précieux, que le gouvernement français préfère utiliser à faire passer les écologistes pour des fantaisistes rétrogrades, quand il ne porte pas des coups mortels aux quelques règles environnementales qui existent. Le tout en jurant la main sur le cœur que la planète est sa priorité. A d'autres. Nous ne transigerons pas sur notre avenir commun.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 6
à écrit le 07/10/2020 à 7:05
Signaler
Parce que c'est la victoire de la dictature ecolo-bobo qui s'est alliée à la dictature néolibérale. Les investissements green, nouveau mantra des fonds de pension multinationaux ... C'est encore plus dérisoire qu'hors de l'UE, personne ne respecte ...

à écrit le 06/10/2020 à 16:30
Signaler
Quand la CHine et les USA plus la Russie et l Inde auront fait le chemin qu'a fait l'UE alors nous pourrons nous contraindre plus. Pour le moment eco geste tous les jours mais nous ne sommes pas prêts à remettre en cause nos libertés de circuler et d...

à écrit le 06/10/2020 à 16:26
Signaler
Et qui décide ce qui est un bon article et un mauvais article? Ce qui est un bon commentaire ou un mauvais commentaire? Vous voulez que ce soit les GAFAM, cad des actionnaires milliardaires américains? C'est 1984 votre proposition.

à écrit le 06/10/2020 à 15:32
Signaler
Que 'l'UE passe a coté de l'histoire' veut dire que tout est déterminée sans l'avis des uns et des autres de manière dogmatique!

à écrit le 06/10/2020 à 14:29
Signaler
Encore une belle illuminée d'EELV (le parti de Y Jadot) qui tend à faire porter le chapeau au parlement européen de la responsabilité de l'aggravation du risque climatique, si les accords passés ne st pas respectés à la lettre, car revus et corrigés ...

à écrit le 06/10/2020 à 13:06
Signaler
"Le risque que l'Ue passe à côté de l'Histoire" Tout d'abord merci beaucoup, je trouve que Ue écrit comme cela lui va comme un gant ! En effet, mais d'une part c'est une habitude et d'autre part la dernière fois qu'elle a été en plein dans l'...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.