La "banque du climat" en transition vers la relance verte

Doubler le financement des énergies renouvelables, rénover 125.000 logements sociaux, décarboner des millions de mètres carrés de bâtiments industriels, accompagner 9.000 projets greentech… La banque du “climat” formée par Bpifrance et la Banque des Territoires va investir 40 milliards d’euros dans la transition énergétique. Une feuille de route ambitieuse mais “pas à la hauteur” de son nom, selon plusieurs ONG qui dénoncent ses contradictions écologiques.
Olivier Sichel, directeur de la Banque des Territoires, et Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, ont dévoilé, ce mardi 9 septembre, un plan à 40 milliards d'euros pour la transition écologique.
Olivier Sichel, directeur de la Banque des Territoires, et Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, ont dévoilé, ce mardi 9 septembre, un plan à 40 milliards d'euros pour la transition écologique. (Crédits : DR)

Présentée comme deux banques "jumelles", Bpifrance et la Banque des Territoires (deux entités de la Caisse des dépôts) ont présenté ce mercredi 9 septembre, lors d'une conférence de presse commune, leur plan climat doté d'une enveloppe totale de 40 milliards d'euros sur la période 2020-2024.

"La banque du climat existe", a affirmé d'emblée, Olivier Sichel, directeur de la Banque des Territoires. "Elle s'incarne aujourd'hui à travers Bpifrance, tournée vers les entreprises, tournée vers l'innovation, tournée vers la technologie et une Banque des Territoires, tournée vers la transition écologique et environnementale des territoires", a-t-il exposé.

Doper la production des énergies renouvelables

Cette stratégie climat, qui s'inscrit dans le plan de relance, repose sur trois grands piliers. Le premier, doté de 20 milliards d'euros, vise à accélérer la transition des entreprises et des territoires, notamment via la rénovation énergétique des bâtiments industriels, des logements sociaux et des bâtiments publics.

Le deuxième, doté de 14,5 milliards d'euros, a pour ambition de doper la production des énergies renouvelables afin d'atteindre 8,8 GW de puissance installée.

"Collectivement, Bpifrance et la Banque des Territoires vont donc être responsables de 33% de la production d'énergies vertes dans le pays", ont précisé les deux dirigeants.

Le dernier pilier consiste à financer massivement l'innovation, avec 5,5 milliards d'euros prévus.

"Nous sommes convaincus que la solution de nos problèmes de transition n'est pas la décroissance mais la science", a insisté Nicolas Dufourcq. "Sans ce pilier, de notre point de vue, il n'y a pas de transition possible", a-t-il ajouté

Les deux banques, dont les patrons vantent la complémentarité, participent à hauteur quasi équivalente à ce plan (19,83 milliards d'euros pour Bpifrance et 20,12 milliards d'euros pour la Banque des Territoires).

Changer d'échelle la rénovation énergétique

L'engagement de la filiale de la Caisse des Dépôts porte essentiellement sur la rénovation énergétique des bâtiments, la mobilité verte et la rénovation des réseaux d'eau, de traitement des déchets, de chaleur ou encore de transports grâce à l'innovation.

En matière de rénovation énergétique, la Banque des Territoires souhaite "un changement d'échelle" et vise la rénovation de quelque 125.000 logements sociaux. Une enveloppe de 10 milliards d'euros y sera consacrée. L'enjeu portera également sur les bâtiments publics, comme les mairies, les écoles, les piscines et les gymnases, où les processus risquent d'être plus longs.

Côté mobilité, quelque 650 millions d'euros seront affectés au déploiement de bornes électriques sur tout le territoire en partenariat avec Enedis. L'objectif est aussi de financer des flottes publiques pour déployer des bus à hydrogène notamment.

Lire aussi : Industrie, transports, recherche: le gouvernement détaille son plan hydrogène

Créer un écosystème greentech

De son côté, Bpifrance entend mettre l'accent sur le financement des énergies renouvelables. Sur la seule année 2020, l'objectif est de doubler le montant des crédits pour ces énergies en passant à 3,2 milliards d'euros, contre 1,6 milliard en 2019. L'autre défi de taille consiste à créer "un écosystème de la greentech en France comparable à ce que nous avons réussi à faire avec la French Tech", a expliqué Nicolas Dufourcq. La banque publique d'investissement entend ainsi accompagner près de 9.000 projets dans les quatre années à venir. Dans cette optique, elle prévoit de doubler ses aides à l'innovation et ses investissements en capital-risque dans les green tech, mais aussi d'investir 300 millions d'euros de plus dans les fonds privés de la place de Paris spécialisés dans ce domaine.

Le succès de ce plan climat, qui repose essentiellement sur des prêts, ne sera une réussite que si ces derniers sont effectivement consommés. Autrement dit, l'offre de financement doit trouver sa demande auprès des entreprises, des bailleurs sociaux et des collectivités locales.

Un cas de sous-consommation de crédits est déjà arrivé en... 2019. Un an après le lancement du plan Hulot sur la rénovation, comprenant 3 milliards de la Caisse des Dépôts, les prêts n'avaient quasiment pas été consommés. Le député (EDS) du Maine-et-Loire Mathieu Orphelin assurait ainsi à La Tribune que les taux de la Caisse n'étaient "pas attractifs", si bien que l'argent public dormait. De son côté, le président du Plan bâtiment durable, Philippe Pelletier, estimait que les prêts n'étaient "pas compétitifs" du fait d'un "enfermement" de la Caisse dans un rapport entre le taux du livret A et les taux d'intérêts proposés.

Lire aussi : Un an après, quel bilan pour le plan de rénovation des bâtiments ?

Un portefeuille encore très carboné

A côté de ces chiffres vertigineux et objectifs ambitieux, le plan présente aussi ses limites. Plusieurs ONG n'ont pas manqué de crier au greenwashing. Les Amis de la Terre et Oxfam France estiment ainsi que le plan de transformation de Bpifrance "est loin d'être à la hauteur". "C'est notamment du côté des aides à l'export que le bât blesse", pointent les deux ONG, qui affirment que "sa filiale Assurance Export est la plus carbonée". Cette activité, qu'opère Bpifrance au nom de l'Etat, consiste pour une entreprise à se protéger contre les risques d'interruption du contrat d'exportation et le non paiement.

De son côté, Nicolas Dufourcq  affirme que l'intensité carbone de la banque n'est pas issue de son portefeuille de multinationales cotées (comme Peugeot, ST Microelectronics ou encore Technip et Vallourec, etc.) mais provenait des PME, qui ne sont pas encore suffisamment outillées pour réaliser leur transition écologique.

"Ce serait trop facile de vendre tout ce qui est marron. Le rôle de Bpifrance c'est d'accompagner les fragiles", a-t-il insisté.

Soutien à Technip et Vallourec

"Les financements aux énergies les plus polluantes ne nous intéresse pas beaucoup", a-t-il précisé, expliquant que les investissements dans ce secteur restaient l'exception à l'image de la prise de participation dans l'énergéticien Albioma, qui s'est engagée à convertir ses centrales à charbon en énergies non polluantes. Une transition qui nécessite du capital.

Aujourd'hui, Bpifrance a exclu de ses futurs financements le secteur du pétrole, mais n'a pas mis en place de politique d'exclusion vis-à-vis du gaz naturel (qui reste une énergie fossile malgré son rôle dans la transition énergétique) et finance ainsi des géants du secteur comme Technip et Vallourec, également actif dans le gaz de schiste. Deux groupes qui s'orientent de plus en plus vers l'hydrogène, se défend Bpifrance.

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Commentaires 7
à écrit le 11/09/2020 à 14:51
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On va lancer des brins d'herbe dans le vent en les appelant Euros ?

à écrit le 10/09/2020 à 11:55
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entretenir les camps de vie des pauvres cela coûte un pognon de dingue, bon ! mais cela remplit aussi certaines poches, n'est il pas ?

à écrit le 10/09/2020 à 9:28
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Les journalistes d'investigation devraient s'interroger de très près à ce qu'il advient de l'argent public dans ces entités, et de la dégradation évidente de leurs comptes (notamment comment sont comptabilisées les sommes engagées dans une kyrielle d...

à écrit le 10/09/2020 à 8:33
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A comparer avec toutes ces cités abandonnées par l’État français avec de doux et jolis noms fleuris ou arborés.

à écrit le 10/09/2020 à 5:29
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Conflits d'interets patent, et tout le monde applaudit. En 22 votez, mieux....

à écrit le 09/09/2020 à 19:15
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Et voilà la 3e arnaque du siècle pour la France, mise en oeuvre par la 1ère arnaque du siècle !

à écrit le 09/09/2020 à 16:57
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Pure com pour du green washing mais véritable lessiveuse à cash d'argent public pour les "amis" et les nombreuses fausses bonnes idées contre les gaz à effets de serre dixit le labo du shift project et carbone 4 ... Cessons de laisser l'argent public...

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