Financement de l'économie : débouchons l'arrosoir !

Par Joseph Leddet, économiste et consultant financier.
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Ces derniers temps, le paysage économique et financier mondial vit un réel bouleversement provoqué par la crise de la dette grecque ; sur la base des plans de restriction budgétaire imposés par l'Europe et par le FMI aux Etats dits "fragiles " (Grèce, Italie, Irlande...), il importe de prendre quelque recul, pour imaginer des solutions de déblocage et de relance de l'économie, contre ce qui pourrait dégénérer prochainement vers un nouveau conflit mondial, du fait de l'exaspération de populations concernées par des sanctions économiques ressenties à juste titre comme imméritées.

Rappel des faits : depuis la mi-2007, date de démarrage de la crise des subprimes, des tombereaux de dollars et d'euros ont été déversés sur le secteur bancaire par la Fed et par la BCE, et ce, à coups de milliers de milliards ; résultat de cette action massive : la restriction de crédit aux entreprises et aux particuliers !

En théorie, les banques sont là pour irriguer en argent frais les agents économiques ; mais, en réalité, l'on constate aujourd'hui que cela ne marche pas ; l'argent liquide qui devrait couler à flots de l'arrosoir bancaire n'en sort qu'au compte-gouttes, alors qu'il est plein à ras bords ; c'est en fait comme si sa pomme était bouchée...

Que faire donc pour remédier à cette situation ? Dans le cadre européen, une double action est possible : subventions à l'"économie réelle " d'une part, prêts à taux élevés aux PME d'autre part.

La première action consiste à relancer d'emblée l'activité en Europe en injectant de l'argent de la BCE directement vers les entreprises et les ménages ; cette contribution prendrait la forme d'une subvention non remboursable ; elle s'adresserait aux PME et aux ménages, pour un montant total de l'ordre de 5% du PIB ; pour la France, cela représenterait environ 100 milliards d'euros et pour le total de la zone euro un peu moins de 500 milliards, ce qui est très faible en comparaison de tout ce qui a été fourni au secteur bancaire depuis quatre ans ; en répartissant cet apport à égalité entre ménages et entreprises, chaque ménage français recevrait environ 2.000 euros, et chaque PME 20.000 euros.

Cette injection d'argent gratuit est assimilable à l'amorçage d'une pompe de jardin : on verse un seau d'eau par le haut pour que la pompe puisse ensuite remonter à volonté l'eau du puits ; concrètement, ménages et entreprises pourraient faire ce qu'ils veulent de ces liquidités offertes : les dépenser immédiatement, les investir dans un projet, les placer sur un compte d'épargne ou en Bourse, rembourser un crédit... ; et cela provoquerait mécaniquement, au bout de quelques mois, un accroissement de 5% du PIB de la zone euro ; en effet, ainsi que démontré dans des travaux antérieurs, le PIB mondial est sensiblement égal à la masse monétaire mondiale, avec des variantes en plus ou en moins selon les pays ; cela ferait ainsi repartir l'économie pour un coût zéro - car l'argent créé par la BCE est gratuit - et ce, sans risque d'inflation, car elle a aujourd'hui pratiquement disparu avec l'avènement de la monnaie unique. En pratique, cette distribution d'argent de la BCE pourrait se concrétiser en quelques semaines, via le réseau bancaire européen, chaque ménage ou entreprise devant préciser le compte sur lequel il recevra sa dotation.

La seconde action, quant à elle, vise à faciliter l'accès au crédit pour les PME en leur fournissant des prêts à taux élevés le cas échéant. En effet, les PME constituent le véritable terreau de l'économie, créatrices qu'elles sont d'emplois et de richesse ; mais bien souvent leur développement est stoppé faute d'accompagnement bancaire. Or, lorsque le projet est viable et bien ordonnancé, il est capable de supporter des taux d'intérêt relativement élevés ; par contre, sans financement, pas de projet, pas de développement : c'est ce qui se passe très souvent dans les PME en France.

L'idée serait ainsi que les banques assouplissent leurs conditions d'attribution des crédits aux entreprises, en assortissant les dossiers prometteurs mais "fragiles " en termes d'ancienneté ou de garanties, de taux d'intérêt relativement élevés (par exemple jusqu'à 10%) ; cette démarche, un peu à l'image - en plus petit - des célèbres "junk bonds " de Mike Milken, devrait permettre d'accroître de 20 à 50% le volume des crédits attribués aux PME. Et du point de vue de la banque, l'avantage de taux d'intérêt élevés pour les cas "fragiles " est de lui permettre de "s'y retrouver " en cas de défaut d'un certain pourcentage de débiteurs.

En pratique, cette procédure pourrait être mise en place assez rapidement. Voilà deux voies d'action qui permettraient sans conteste de déboucher sans tarder la pomme de l'arrosoir !

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