"Il est vain d'opposer rigueur et croissance"

La période électorale est terminée. Nous avons un nouveau Président et un Parlement tout neuf. Que peut-on en dire ? La droite est battue, le centre a disparu, le PS triomphe. Mais la gauche de gouvernement, que l'on attend à l'œuvre, est dans une impasse.Fallait-il vraiment, pour gagner les élections, bercer le peuple d'illusions ? En tout cas, cela fut ainsi fait.
Jean Peyrelevade, économiste, président du conseil d'administration de Leonardo & Co

Hausse de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire, augmentation du smic, retour à la retraite à soixante ans, autant de signaux qui laissent croire que nous sommes encore dans une situation « normale » où l'on peut, suivant la pratique de tant de gouvernements précédents, distribuer avant de produire. La gauche démagogique, celle qui séduit les électeurs à coups de promesses, a pris en otage la gauche de responsabilité. Cependant, comment oublier l'état de l'Europe et, en son sein, l'état de la France ?

Nos finances publiques sont gravement déséquilibrées, notre compétitivité continue à se dégrader, mois après mois. Rien n'est fait pour arrêter le déclin prolongé de notre appareil productif. Donc, le chômage va s'aggraver. Et ce ne sont pas les appels incantatoires à la croissance ni les tentatives d'encerclement politique d'Angela Merkel qui porteront remède à des maux qui sont dus, pour l'essentiel, à notre comportement.

François Hollande est au pied du mur. Il dispose d'une majorité absolue à l'Assemblée et la gauche contrôle le Sénat. L'exécutif et le législatif sont à l'unisson. Aucune excuse, aucune circonstance atténuante ne viendront tempérer son évidente responsabilité. Le Président saura-t-il se dégager du discours imprécis, confus, laxiste du candidat ? Et affronter, à bref délai, deux défis incontournables ? Remettre l'économie française sur pied, sauver la zone euro de l'éclatement, ces deux impératifs vont de pair. Rigueur en France, fédéralisme à Bruxelles, tels sont les chemins du redressement, pour nous comme pour l'Espagne et l'Italie, nos voisins menacés de l'Europe du Sud.

Toute croissance économique serait pour longtemps oubliée si la zone euro se décomposait. La France doit, par ses efforts propres, montrer qu'elle adhère pleinement à l'objectif commun : chacun doit mettre de l'ordre chez soi pour que l'ensemble retrouve quelque solidité. En même temps, sans une France forte, une zone euro reposant sur la seule puissance de l'économie allemande ne serait pas viable. La rigueur est donc incontournable.
Elle sera plus sévère si nous sommes seuls face à l'obstacle, si nous échouons à recréer au sein de la zone euro menacée de dissociation un véritable sentiment de solidarité, d'ailleurs condition de sa survie. Oui, nous avons besoin de nous appuyer sur la prospérité, sur la solidité allemande. De l'Europe du Nord, en situation favorable, peut venir une attitude plus coopérative et donc davantage de croissance pour tous. À condition d'accepter en même temps une vraie discipline commune, donc des transferts de souveraineté, donc un saut vers le fédéralisme.

Il est vain d'opposer rigueur et croissance, comme si l'on avait le choix entre l'une et l'autre. La rigueur, nous y sommes de toute manière condamnés. Elle se fera avec croissance si et seulement si nous acceptons d'aller vers une Europe beaucoup plus intégrée : l'engagement allemand est à ce prix. La décision est entre les mains du Président. Elle sera lourde de conséquences.

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Commentaires 9
à écrit le 21/08/2012 à 10:05
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Sages propos, quoique un peu idéalistes sous certains aspects. Depuis l'avènement de l'euro, nous vivons typiquement bien au-dessus de nos moyens REELS. A l'instar des Etats, l'Europe de l'euro, a bâti, édifié, dépensé, consommé, rénové tout ce qui p...

à écrit le 17/08/2012 à 19:08
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Je suis en accord avec se très bon titre "il est vain d'opposer rigueur et croissance". La rigueur la Grèce la teste et franchement c'est pas concluant, la croissance a crédit c'est fini vu l'état des finances. La seule planche de salut qui nous rest...

le 19/08/2012 à 11:29
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La planche à billets semble évidemment la seule solutiuon et elle est déjà bien engagée un peu partout dans le monde et notamment aux USA et plus subtilement en Europe. Il va s'en suivre un appauvrissement des gros détenteurs de devises au profit de...

à écrit le 16/08/2012 à 15:08
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Mr Peyrelevade est un parfait représentant de l'énarchie compassionnelle, et sous couvert de compétence économique, nous ressort encore et tjrs le socialisme qui nous coule. En quoi la croissance disparaitrait si l'eur ose décomposait ??? Parce qu...

le 17/08/2012 à 8:34
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Mais quel pays libéral s'en sort bien selon vous ?

à écrit le 16/08/2012 à 9:52
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La Gauche de responsabilité s'appelle la Droite.

à écrit le 14/08/2012 à 14:53
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"Il est vain d'opposer rigueur et croissance" Pour vous basse populace, ce sera rigueur et récession. Pour nous, la Nomenklatura, ultra-consumérisme à crédit, non taxation des indemnités et immunité (ou impunité, c'est au choix).

à écrit le 14/08/2012 à 13:17
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le gouvernement semble voir réduire les déficits.L'ancien gouvernement laisse un déficit colossal : 65 % du PIB en 2007 , 89 % du PIB en 2012. il ne peut y avoir de croissance saine si les dépenses publiques qui influe sur la croissance sont basées ...

à écrit le 14/08/2012 à 12:31
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Il décidera de ne rien faire comme il a toujours fait au long de sa carrière de haut fonctionnaire ! Ce n'est pas pour rien qu'il est allé rendez visite à Chirac, un orfèvre en la matière.

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