Chine : quelles opportunités pour les investisseurs, malgré les déséquilibres financiers ?

La réorientation de la croissance chinoise est bienvenue. Toutefois, des déséquilibres financiers persistent. Il reste des opportunités, du côté du marché obligataire. par Stéphanie de Torquat, Lombard Odier

L'une des principales préoccupations des investisseurs en ce début d'année 2014 est le ralentissement de la croissance chinoise. Force est de constater que la croissance globale aura tendance à baisser, mais nous considérons qu'il s'agit là d'une évolution bienvenue et attendue depuis longtemps.

La question fondamentale, selon nous, est plutôt de savoir si le pays réussira sa transition vers une croissance de meilleure qualité, et la réponse soulève deux interrogations: la Chine veut-elle vraiment passer d'une croissance tirée par les investissements à une croissance basée sur la consommation ? Quels sont les obstacles et empêcheront-ils cette transition de se produire ?

Le point de départ d'une nouvelle tendance?

Concernant la première question, les derniers faits observés semblent plaider pour une réponse positive. Alors que, jusqu'en 2007, la croissance du pays reposait majoritairement sur les investissements, les exportations et une balance courante toujours plus excédentaire - finançant à son tour les déficits américains -, la tendance s'est inversée : les excédents extérieurs ont été divisés par plus de quatre en 5 ans, passant de 10,1 % du PIB en 2007 à 2,4 % en 2012 (graphique du haut). Suite à ces corrections extérieures, nous anticipons à présent, logiquement, des corrections intérieures. En effet, la consommation des ménages chinois ne représente que 37 % du PIB, soit 31 % de moins qu'aux Etats-Unis.

Cela pourrait être le point de départ d'une nouvelle tendance, même si l'évolution est lente. Tandis que, l'année dernière, le programme de réforme accordait plus d'importance à la consommation intérieure (p. ex. le souhait de l'administration d'accroître l'urbanisation et d'améliorer le droit de propriété), la nature des investissements en capital fixe, bien que toujours très élevés à 47 % du PIB en 2012, semble aussi évoluer: en 2012, la croissance des investissements dans le secteur tertiaire (services) a surpassé celle du secteur secondaire et la tendance semble se confirmer en 2013.

La Banque centrale réduit son bilan

De plus, la banque centrale chinoise (PBoC) a nettement réduit la taille de son bilan - passant d'un pic de 68 % du PIB en 2009 à 56% aujourd'hui -, durcissant efficacement sa politique monétaire et permettant au yuan (CNY) de s'apprécier (graphique du milieu) malgré une croissance en baisse, une inflation modérée et d'importantes pertes de compétitivité. Le fait que la Chine ait abandonné sa « vieille » habitude de doper la croissance par des dévaluations est probablement la meilleure preuve de sa disposition à contribuer au rééquilibrage de l'économie mondiale.

La dette colossale des collectivités locales

Dans ce cas, qu'est-ce qui pourrait faire obstacle à une transition réussie ? Tout d'abord, la dette. La dette brute du gouvernement chinois, qui s'élevait à 26 % du PIB en 2012 selon le FMI, semble très faible à première vue, mais ce chiffre ne tient pas compte de la dette colossale des collectivités locales qui, comme l'a révélé l'audit publié le mois dernier, a atteint RMB 17 900 milliards en juin 2013 (34 % du PIB 2012). De plus, bien que, jusqu'à présent, les entreprises d'Etat aient été maintenues à flot grâce à des taux d'intérêt artificiellement (et injustement ?) bas, les fondamentaux sont faibles. Le coefficient d'endettement des entreprises d'Etat est passé de 56 % à 62 % depuis 2007; les prêts non productifs des banques pourraient donc augmenter rapidement avec la libéralisation des taux d'intérêt.

L'immobilier flambe

Le deuxième obstacle à une transition réussie est le secteur immobilier. Dans les quatre  villes les plus importantes 1, les prix de l'immobilier résidentiel ont atteint des niveaux record en novembre dernier et augmentent à un rythme annuel de 19 %. En outre, les taux d'épargne des consommateurs demeurent extrêmement élevés, à 42% du revenu disponible, et le nombre de demandeurs d'emplois dans les zones urbaines continue de progresser, ce qui ne favorise pas la consommation - sans parler de la faiblesse du filet de protection sociale. Enfin, l'ouverture des marchés chinois est susceptible d'entraîner des sorties de capitaux. Toute perte de contrôle sur ce front pourrait amener les autorités chinoises à recourir de nouveau aux dévaluations.

 Les rendements attrayants du marché obligataire

Dans ce contexte, une évolution intéressante en 2013 a été l'ouverture supplémentaire du marché obligataire offshore, avec la signature d'accords de swap de devises entre la PBoC et la BoE/BCE 2. L'analyse ci-dessus suggère que le CNY devrait poursuivre sa tendance haussière.

De plus, le marché obligataire chinois (Dim Sum) ouvert depuis peu offre des rendements attrayants par rapport à ceux des pays développés (graphique du bas). La combinaison de rendements élevés et d'une appréciation de la monnaie représente une opportunité intéressante, même si le resserrement monétaire et la libéralisation des taux d'intérêt pourraient être sources de volatilité à court terme. A tous ceux qui ne peuvent (ou ne veulent) pas investir sur le marché obligataire, nous recommandons au moins de tirer parti de l'appréciation de la devise.

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Commentaires 3
à écrit le 05/02/2014 à 9:32
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J'investis depuis longtemps en Chine. L'article est particulièrement documenté et intelligent...voire prédictif.

le 17/02/2014 à 12:45
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Hello, Ping ! Je veux monter un bar à vin en Chine à Chengdu, mon intérêt est pécunier mais surtout de l'ordre humain , faire vivre un vrai échange franco-chinois , n'hésite pas à laisser un commentaire : cela me permettra de savoir si tu m'as répond...

à écrit le 04/02/2014 à 2:10
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Investir ses liquidités dans un pays où il est quasiment impossible de s'implanter sans donner le trousseau de clé... pendant que les argentiers chinois viennent prendre le contrôle des entreprises euopéennes, cela revient à se faire dépouiller, me t...

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