
La reprise de l'économie mondiale se caractérise plus que jamais par un cycle à plusieurs vitesses. La conjoncture favorable de pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni contraste avec les perspectives plus sombres du Japon et de la zone euro, deux zones économiques menacées par un risque significatif de déflation. Ce contexte global justifie les stratégies monétaires divergentes des grandes banques centrales.
Aux États-Unis, depuis le mois de mai 2013, la Réserve fédérale met en œuvre une séquence de normalisation monétaire. Le consensus de marché anticipe une remontée du principal taux directeur de la Fed à partir de mi-2015, celui-ci devrait atteindre 1,5% en 2016. Un scénario similaire est envisagé dans le cas de la Banque d'Angleterre.
De leur côté, la Banque du Japon et la Banque Centrale Européenne, toutes deux préoccupées par la faiblesse du niveau d'inflation et de la reprise de l'activité économique, pilotent des stratégies différentes l'une de l'autre. Alors que la Banque du Japon a intensifié ses mesures d'assouplissement quantitatif, dans le cadre du vaste programme de réformes structurelles initié par le gouvernement de Shinzo Abe il y a quelques années, la BCE vient seulement de mettre en place une politique de quantitative easing.
Les actions de la Fed, beaucoup plus efficaces que celles de n'importe quelle banque centrale
Ces différents cycles monétaires vont probablement avoir des conséquences assez variées sur les flux de capitaux et la valorisation des actifs à l'échelle mondiale (notamment les taux de change), qu'il est encore difficile de mesurer. Il faut considérer le rôle de monnaie de réserve du dollar US, qui rend les actions de la Fed beaucoup plus efficaces que celles de n'importe quelle autre banque centrale au monde.
Qui plus est, les politiques monétaires des différentes banques centrales n'auront pas nécessairement un impact linéaire et homogène, surtout si les situations économiques continuent à diverger d'une zone économique à l'autre. La BCE aurait besoin de tripler le montant des actifs acquis par la Fed dans le cadre de son quantitative easing, pour obtenir des effets similaires sur les flux d'investissement et la valorisation des actifs ! Ce scénario est aujourd'hui totalement exclu. Quant au Japon, les effets du quantitative easing sur l'ensemble de la région asiatique semblent moins perceptibles aujourd'hui qu'il y a quelques temps.
Moins de flux de capitaux en faveur des marchés émergents
Dans ces conditions, les flux de capitaux massifs dont ont bénéficié les marchés émergents depuis plusieurs années risquent de se réduire, compte tenu de la normalisation monétaire de la Fed. L'impact des politiques ultra-accommodantes au Japon et en zone euro ne devrait pas suffire à compenser cette baisse de flux (selon nos estimations, le montant de la baisse des flux de capitaux pourrait représenter de 2 à 6% du PIB total des économies émergentes).
Les pays d'Amérique latine devraient être les plus affectés par le ralentissement économique et le resserrement monétaire américain, suivis par les pays émergents asiatiques. De leur côté, les pays émergents d'Europe de l'Est devraient moins souffrir, compte tenu du rôle « compensatoire » de la BCE.
De toute évidence, les devises latino-américaines ne seront pas en mesure de suivre le même mouvement d'appréciation que le dollar US. Enfin, les flux de capitaux à destination de l'Europe - en particulier des marchés d'Europe du Sud - devraient également se réduire, en raison d'un différentiel de taux d'intérêt favorable aux Etats-Unis et des anticipations de dépréciation de l'euro.
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