Quand l'or noir attire les pirates

Le nombre d'actes de piraterie diminue, mais celle-ci est loin d'avoir disparu. Notamment s'agissant des pétroliers, fortement visés à l'ouest de l'Afrique. Par le Capitaine de Corvette Yves Le Goff, stagiaire de la promotion Maréchal Leclerc, école de guerre

Le Bureau Maritime International (IMB), département spécialisé de la chambre de commerce Internationale (ICC), est le centre référent de la piraterie maritime depuis 1992. Son rapport annuel, couvrant l'année 2014, met en évidence une tendance à la baisse des incidents de piraterie signalés à l'échelle mondiale. Cette évaluation globale dissimule cependant des réalités géographiques contrastées et une tendance de plus en plus prononcée au ciblage par les pirates des cargaisons de pétrole. Ce phénomène - indissociable du transport de richesses par la mer - est plus que jamais actif et n'est pas prêt de disparaître des mers du globe.


Flux et reflux de la piraterie


La piraterie est évaluée à son plus bas niveau depuis 2008, en particulier grâce à l'effet des patrouilles militaires au large de l'Afrique de l'Est. Contradictoirement, le nombre de détournement de navires accuse une hausse, du fait principalement d'attaques menées contre les petits pétroliers dans les détroits asiatiques et au Sud de la Mer de Chine.
Après un épisode somalien de près de dix ans, la piraterie se réduit donc en Océan Indien pour ressurgir dans son berceau historique d'Asie du Sud Est.

En Afrique de l'Ouest, les pétroliers attaqués

L'année écoulée confirme également l'installation du phénomène en Afrique de l'Ouest, centré essentiellement sur le Nigeria. Dans cette zone, les attaques concernent quasi-exclusivement les navires associés à l'industrie du pétrole. Les transporteurs de produits pétroliers sont ainsi « chassés » pour leur cargaison par des groupes organisés, armés et particulièrement violents. Concrètement, le pétrole est transbordé dans les soutes d'un pétrolier déjà contrôlé par les pirates. Ces trafics sont destinés à alimenter l'économie souterraine du continent africain.


Là où il y a des richesses, il a des pirates


A l'heure de la maritimisation de l'économie, des foyers de pauvreté sont frôlés par les flux maritimes du commerce international et les richesses qui transitent par la mer, toujours plus nombreuses. La tentation est trop forte, les alternatives souvent insuffisantes dans des régions souvent peu développées.
La piraterie est ainsi consubstantielle à l'utilisation de la mer pour le commerce. Jugulée par endroits, cette menace ne sera, dans les faits, probablement jamais totalement éliminée. La protection des flux maritimes restera de ce fait toujours indispensable. Et si une telle action ne combat que les conséquences de déséquilibres, dont les causes sont enracinées à terre, l'absence de perspectives réalistes d'un développement économique et social des foyers de piraterie entretient le besoin d'une action navale.


Là où la sécurité se relâche, il y a des pirates

Les zones dans lesquelles des moyens navals et terrestres sont déployés sont moins touchées par la piraterie. La guerre froide en a offert un exemple frappant. Alors que les forces étaient réparties sur le globe en prévision d'un affrontement décisif, le phénomène était en effet moins marqué. La piraterie a ensuite resurgi « comme les champignons après la pluie », dès que la pression sécuritaire s'est desserrée.
La lutte contre les trafics, la surveillance de l'activité économique, dont la police des pêches, justifient notamment la présence de moyens d'action de l'État en mer. Cet engagement permet concomitamment de contenir l'activité de pirates. Le rôle de l'État côtier est alors pointé du doigt, dès lors que celui-ci dispose des moyens nécessaires. Sa permissivité contribue en effet directement au développement de la piraterie.
A titre provisoire, les acteurs extérieurs peuvent soutenir la sécurité des États en difficulté vis-à-vis de la présence de pirates. La baisse des attaques dans l'océan Indien a en effet démontré l'efficacité de l'action militaire internationale. Elle a également traduit l'effet positif des mesures adoptées par les armateurs pour, en particulier, le recours aux gardes armés.


Une nouvelle « guerre au commerce » ?


Dans une certaine mesure, les pirates pratiquent une forme intemporelle de la « guerre au commerce », théorisée à la fin du XIXe siècle par le stratège naval britannique Julian Corbett.
Leur action a en effet pour conséquence de contraindre des routes logistiques et peut aller jusqu'à bousculer l'économie maritime, notamment sous la pression des assurances. Elle entre également dans cette définition en imposant la mobilisation de dispositifs de défense particulièrement lourds au regard des moyens souvent dérisoires des assaillants.
La finalité de la piraterie moderne est parfois proche de celle des actions corsaires. En théorie, les attaques pirates sont d'abord motivées par l'enrichissement de leurs auteurs, tandis que la « guerre de course » obéit à une logique stratégique. Mais en réalité, l'utilisation de l'argent de la piraterie pour le financement d'organisations criminelles aux prétentions territoriales, en Afrique notamment, répond bien à un objectif politique.
Sous cet angle, la lutte contre la piraterie est inscrite dans le temps long et n'a rien d'anecdotique.

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