Appel à la révolution (industrielle)

OPINION. La pression monte. De nouveaux défis ne cessent de s'ajouter aux précédents. Ce fut d'abord l'écologie, marquée par l'accélération des perturbations climatiques. Puis la nécessaire réindustrialisation, avec le Covid et ses difficultés d'approvisionnement. Aujourd'hui, le conflit en Ukraine nous fait voir un impératif de souveraineté. Par Antoine Guyot, CEO de Jimmy.
(Crédits : DR)

Il faut réagir, car depuis 40 ans, notre pays croule : manque de projet de société, absence d'innovation majeure, réglementation étouffante, grands groupes immobiles, PME fragiles, individualisme, croissance des inégalités

La voie de la réindustrialisation

Réagir, car sans cela nous nous noierons dans notre propre viscosité. Et la seule réponse est l'industrialisation. C'est la voie qui répondra à nos trois enjeux majeurs.

Le premier est notre richesse en tant que pays. Quand le savoir est désormais une commodité disponible sur internet, ce qui nous différencie est notre savoir-faire. Et les vraies questions ne se posent pas quand on conçoit sur ordinateur, mais quand on passe à l'atelier. Les réponses que nous trouvons aux challenges de la fabrication sont notre patrimoine. Elles ont fait le succès de nos vieilles industries, industrialiser nous permettra de trouver les réponses pour constituer la richesse de demain.

Au-delà des richesses, l'activité industrielle nous permettra de retrouver du sens au travail et une appartenance à un groupe. Ce n'est pas un hasard si plus de 2,5 millions des salariés sont en burn-out. Nous aspirons à retrouver le concret, à créer des solutions dont nous sommes fiers, à jouer en équipe pour atteindre un but commun. En vous rendant dans une usine, vous verrez certes de la sueur et de l'effort, mais aussi des équipes fédérées, dont les actions tendent vers un même but : le passage du matériau brut au produit fini, avec un résultat tangible à la fin de la journée ou de la saison. L'industrie peut permettre à tous de retrouver le plaisir du collectif pour atteindre un but commun.

Le troisième enjeu est notre concentration urbaine, où des bulles immobilières absurdes rongent notre pouvoir d'achat. Et cela simplement pour être proche du cœur économique que sont les services et dont nous commençons à voir le bout. Qui, par exemple, a vraiment besoin de se faire livrer les courses en 10 minutes ? La réindustrialisation fera d'une pierre deux coups, en redynamisant les territoires et en rééquilibrant les richesses entre une capitale des services et des régions manufacturières.

Ces constats sont bien connus. Maintenant, mobilisons-nous pour mettre en place la machine.

L'urgence d'un rééquilibrage économique

Ce point dépend d'une volonté politique de revoir les règles du jeu d'enrichissement pour que celui-ci s'aligne mieux sur l'intérêt général. D'une part, rendre plus économiquement intéressant le travail sur un site industriel. Ceci peut prendre de multiples formes (intéressement au capital, transfert des charges sociales au salarié, encadrement des prix des loyers pour arrêter la spéculation immobilière) et créer une vraie dynamique de changement. D'autre part, éviter la fuite de talents. Par exemple en tuant les rémunérations hors sols pratiquées dans les milieux du conseil et de la finance, ce qui rehaussera l'attractivité financière de l'industrie pour les forces vives du pays.

L'impératif d'une industrie compétitive et décarbonée

Si nous avons une ambition industrielle, celle-ci ne peut se faire qu'avec une stratégie de préservation de l'environnement. Ceci se traduit à 3 niveaux : la maîtrise des rejets, l'adoption de sources d'énergie décarbonées et l'optimisation des ressources.

Pour la maîtrise des rejets, nous avons cependant une chance : avoir un état fort et une administration qui maîtrise les installations sur son sol. Mais si celle-ci veut continuer à protéger l'environnement dans un contexte de concurrence mondiale, l'interaction avec les autorités doit se moderniser absolument. Le rapport Guillot, remis au Gouvernement le 17 mars 2022, souligne que « les délais pour installer une activité industrielle ou logistique en France doivent et peuvent être réduits ».

Ensuite, une industrialisation pérenne ne peut se concevoir qu'avec des sources d'énergies propres. Le nucléaire, la géothermie, le solaire thermique ou la biomasse ont leur rôle à jouer et sont poussés par de supers entrepreneurs. À chaque fois, nous pouvons repartir du savoir-faire français existant pour le faire évoluer et rattraper notre retard de 40 ans sur l'industrie mondiale moderne.

Enfin, si nous voulons optimiser correctement les ressources, nous devons nous approprier les technologies que nous ne maîtrisons pas encore. Par exemple en France, nous ne savons pas produire d'ampoules LED qui remplacent nos vieilles ampoules incandescentes. D'autres alternatives de la sorte arrivent et nous devons les anticiper. Par exemple, l'Asie travaille sur un système de refroidissement quantique basé sur des couches de semi-conducteurs. Si notre retard industriel est aujourd'hui colossal, en particulier dans le domaine des semi-conducteurs, la réindustrialisation est une opportunité pour faire une pierre deux coups : revoir complètement la gestion de l'énergie de nos industries et prendre les devants industriels en créant de nouveaux business.

Appel à la révolution

Mobilisons-nous pour créer un futur choisi plutôt que de subir les crises successives. Pour cela, nous devons adapter nos rémunérations et faire des sauts technologiques immédiats pour la décarbonation. Ceci nous permettra de nous focaliser vers des secteurs stratégiques, et de réalimenter notre économie avec un nouveau capital industriel. Si cela a commencé puisque les projets de nouvelle usine sont de plus en plus nombreux (+62% en 2021 selon une étude Ancoris), peut-être pourrons-nous bientôt tous vivre dans des habitations au prix juste, proches de la nature, avec un métier et une appartenance à une équipe dont nous sommes fiers.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 31/03/2022 à 11:38
Signaler
"Ce fut d'abord l'écologie", oubliée, puis ce fut le tour du covid, également oublié et maintenant c'est la guerre qui devrait être oubliée avant même d'être terminée ! Mais pardon vous disiez ? :-)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.