Artisanat en France : le secteur est dynamique mais doit être soutenu

OPINION. L'artisanat est-il la réponse à la problématique de l'emploi en France ? Le secteur a attiré 100.000 apprentis en 2021, soit une hausse de 8 % par rapport à 2020, année qui marquait elle-même une progression de 4 % des effectifs du monde artisanal. Par Séverine Maestri, coache scolaire, fondatrice de Coachez Jeunesse.
(Crédits : Reuters)

Qu'est-ce qui fait de l'artisanat un secteur privilégié du marché de l'emploi ? Aujourd'hui en France, il concentre une entreprise sur trois, plus de 3 millions d'actifs, 1,7 million d'entreprises et 30 % des exportations de l'Hexagone. Le savoir-faire de nos artisans continue de rayonner, générant 300 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an. De l'ébénisterie à la ferronnerie, « faire de ses mains » attire de plus en plus de jeunes en quête de sens dans une époque marquée par de multiples défis (réchauffement climatique, crise sanitaire, etc.).

Les effets de la loi « Avenir professionnel »

Cette vitalité du secteur artisanal est également liée à un ensemble de mesures particulièrement bien inspirées à l'image de la loi « Avenir professionnel », qui a permis aux entreprises ou aux branches professionnelles de créer des centres de formation d'apprentis (CFA) sans autorisation administrative ou sous conventionnement avec les Régions. L'engagement des CFA et des chambres des métiers de l'artisanat (CMA) s'est traduit par l'adoption toujours plus grande de la certification Qualiopi. Autant de facteurs qui ont permis à l'artisanat national de prospérer.

Quelque 11.000 jeunes se forment chaque année dans plus de 35 métiers via le dispositif des compagnons du devoir et du tour de France. Du bâtiment à la chaudronnerie, en passant par la maroquinerie, la sellerie, ou encore la pâtisserie (pour ne citer que quelques exemples), tous les apprentis reçoivent une formation d'excellence et bénéficient d'un réseau de 28.000 entreprises partenaires. Car l'idée est bien de se former en alternance pour obtenir un diplôme (du CAP à la licence professionnelle...) tout en pratiquant son métier en entreprise. La particularité de la formation ? Elle intègre un tour de France pour multiplier les apprentissages auprès d'autres professionnels, et prévoit également un stage à l'étranger (Europe ou international) pour découvrir d'autres techniques. Une formation enrichissante et très valorisée par les recruteurs.

Le secteur a également bénéficié de retombées positives de deux crises : l'incendie de Notre-Dame de Paris, qui a mis en lumière les métiers de l'artisanat dans la reconstruction de l'église, et la pandémie du coronavirus. « La crise récente a contribué à modifier le regard des consommateurs sur les métiers de l'artisanat. Ils ont réalisé que l'économie de proximité jouait un rôle majeur dans l'économie nationale, mais aussi que ces entreprises avaient beaucoup évolué, s'étaient modernisées et donnaient des perspectives de carrière », explique Joël Fourny, président de CMA France.

La puissance de frappe des grands groupes

Les grands groupes ont saisi la dynamique au bond et y ont insufflé toute leur puissance de frappe. Ainsi, un géant comme LVMH, par exemple, a lancé un plan d'action en faveur de l'artisanat l'an dernier. Dénommé « Craft the future », l'initiative vise le recrutement de 25.000 personnes de moins de trente ans avant la fin de l'année 2022. Le groupe parie sur son Institut des Métiers d'Excellence pour former cette main-d'œuvre dans 27 professions. Cette initiative rejoint celle de compagnies comme Accor, Sodexo ou encore L'Oréal qui ont ouvert leurs propres campus.

L'activité des grands groupes ouvre des perspectives dans des secteurs comme les métiers d'arts de la bijouterie-joaillerie, de l'orfèvrerie, de l'horlogerie, mais aussi du bâtiment, le la cuisine, etc. Le secteur du luxe reste particulièrement demandeur de main-d'œuvre et multiplie également les ateliers et autres salons en direction des collégiens/lycéens afin de susciter des vocations. Ces opportunités sont également offertes à des personnes visant une reconversion professionnelle.

Mais contrairement à ce que pourrait laisser penser cette image d'Epinal, tout ne va pas forcément pour le mieux dans le meilleur des mondes. En effet, le grand mal du secteur artisanal français est la pénurie de main-d'œuvre. Si les métiers de bouche et du bâtiment sont particulièrement touchés et ont beaucoup fait parler d'eux ces dernières semaines, la tendance est générale. Ainsi, la demande est grande dans l'éco-construction, l'industrie, les travaux des métaux, l'alimentation ou encore les services. 300.000 départs à la retraite sont prévus dans les 10 prochaines années. L'artisanat en France a donc besoin d'attirer des jeunes.

Pour ces derniers, cette situation constitue une superbe opportunité. D'abord de s'engager sur la voie d'un métier où ils sont encadrés et formés aux meilleures normes, et où surtout il existe une demande forte. Ensuite, d'exercer un métier avec des niveaux salariaux intéressants. Ainsi, le salaire médian annuel d'un artisan en France tourne autour de 25.000 euros (et un peu moins de 22.500 euros pour un artisan débutant).

Attirer les femmes dans ces métiers

Le secteur entend également renforcer son action en direction des femmes qui ne constituent que 30 % des effectifs, selon l'Institut supérieur des métiers. De surcroît, la population féminine est essentiellement représentée dans les activités de service. Cette situation ouvre bien des portes à celles qui ont envie d'aller vers ces métiers.

D'un côté, on retrouve donc des savoirs séculaires qui ne demandent qu'à être transmis et, de l'autre, une jeunesse en quête de sens et désireuse de "faire" de ses mains, de participer et d'avoir un impact sur son avenir personnel et celui de son pays. Les grandes entreprises, quant à elles, ont parfaitement conscience de ces enjeux, et les marques essaient de réaliser ce "perfect match".

Mais l'artisanat demeure un secteur dominé par les TPE, et son développement dépendra mécaniquement des mesures de soutien à ce type d'entreprises durement touchées par la crise sanitaire. Le gouvernement sera-t-il à la hauteur de l'opportunité ?

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 25/06/2022 à 8:51
Signaler
Retraite à 70 ans certes pour un bureaucrate passe encore mais un couvreur ,carreleur ,service à la personne ,ect.. Je dirais à un jeune : créé ton business en dehors de l'Europe ,n'écoute surtout pas les gouvernants, ils veulent de transformer en t...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.