Entretien des murs antibruit : parent pauvre des infrastructures routières

OPINION. A la suite de la catastrophe du pont de Gênes, en France, l'attention a été portée sur l'état des ouvrages d'art. Un an plus tard, celui des infrastructures routières et de leurs équipements de sécurité pose toujours question. Quant aux écrans antibruit, véritable patrimoine de la route, qui bordent la plupart des grands axes du pays, leur état s'aggrave d'année en année. Il est urgent que les gestionnaires et collectivités se soucient de leur entretien. Par Aly Adham, président du Syndicat des équipements de la route (SER) et Philippe Bertrand, Président de la Section APREA Protections Acoustiques du SER.
(Crédits : DR)

Des années 1990 aux années 2000, près de 200.000 mètres carrés d'écrans acoustiques étaient installés annuellement le long des grandes routes françaises selon les professionnels du secteur.

Aujourd'hui, si la production a pratiquement été divisée par deux, se pose la question de l'entretien de cet immense patrimoine. Problème, aucun budget n'y est alloué et les « bons élèves » se font rares (Paris, Bordeaux ou encore Limoges) qui remettent parfois en état quelques tronçons arrivés à des stades d'usure et de vieillissement dangereux tant pour la sécurité des automobilistes (risques de chutes sur la chaussée) que des riverains qui souffrent des nuisances sonores causées par le trafic routier (ou ferroviaire).

À long terme, les conséquences de ces nuisances sur la santé peuvent s'avérer très graves : troubles du sommeil et de l'audition, stress, hypertension artérielle, gênes multiples, risques cardiovasculaires accrus, etc.

Aucune disposition n'oblige les gestionnaires à entretenir

En France, la loi est ainsi faite qu'elle oblige depuis l'arrêté du 5 mai 1992 le maître d'ouvrage d'une infrastructure nouvelle, ou faisant l'objet de modifications significatives, à prendre en compte les nuisances sonores diurnes et nocturnes dès la conception du projet d'aménagement. Afin de limiter ces nuisances (dont les seuils sont fixés de 60 à 65 décibels en journée et de 55 à 60 dB la nuit), l'installation d'écrans acoustiques est souvent privilégiée. Or, aucune disposition n'oblige par la suite les gestionnaires de ces équipements à les entretenir dans le temps.

Si depuis une dizaine d'années, la très grande majorité des écrans antibruit construits en France sont en béton, l'essentiel du parc existant, installé durant les décennies précédentes, est plutôt constitué d'écrans métalliques et bois. Quinze à vingt-cinq ans plus tard, ces écrans présentent des problèmes récurrents : rouille au niveau des pieds de fixation, affaissement de la laine de roche dont sont remplis les caissons, usure des systèmes d'attache, jeux entre le panneau et son support.

Des écrans en béton, en bois ou transparents en plastique

Les écrans de type béton, plus résistants tant aux conditions climatiques qu'aux infiltrations ou aux assauts de la végétation environnante, n'en présentent pas moins quelques problèmes de vieillissement et donc d'entretien. Les écrans en bois, s'ils assurent des niveaux de performances très élevés peuvent rencontrer des problèmes d'isolation de leur matériau absorbant, de moisissure au niveau des poteaux de soutien au contact de la terre, de fuites acoustiques causées par l'infiltration de la végétation environnante entre les interstices des panneaux. Les écrans transparents en plastique, surtout privilégiés sur les ouvrages d'art, sont quant à eux très sensibles aux rayons UV qui ternissent leur surface et les rendent vulnérables aux chocs.

Ainsi, chaque type d'écran nécessite un entretien spécifique et adapté tant au matériau qui le compose qu'à son niveau d'usure. Seules les sociétés autoroutières se distinguent par leur souci d'entretien des écrans acoustiques qui bordent leurs infrastructures. Celles-ci missionnent généralement des bureaux d'études afin d'expertiser et poser un premier diagnostic concernant l'état structurel et les niveaux de performances acoustiques de leurs écrans. À l'issue de ces audits, une classification précise des désordres permet de hiérarchiser les interventions à venir. Certes l'entretien d'un tel patrimoine peut paraître coûteux, mais toujours moins que le remplacement de centaines de kilomètres de ces équipements s'il s'avérait un jour que les entretenir ne suffise plus tant leur niveau d'usure serait avancé.

Du côté des maîtres d'œuvre et d'ouvrage publics, si aucun changement de politique radical ne s'est produit dernièrement, fabricants et poseurs d'écrans acoustiques observent toutefois une évolution naissante dans les demandes qui leurs sont formulées. La question de l'entretien y est ainsi mieux prise en compte. Les sociétés répondantes sont tenues d'expliquer comment entretenir le type d'écran privilégié et de fournir des fiches détaillées des équipements, de leurs matériaux et de leurs performances.

Un contexte de baisse chronique des budgets alloués à la route

Parallèlement, des systèmes de fixation plus robustes sont plébiscités par les commanditaires tandis que les matériaux sont choisis avec plus de soin en fonction de la zone d'implantation et des besoins réels d'efficacité acoustique. Si cela ne résout ni la problématique de l'entretien des écrans plus anciens, ni n'oblige les gestionnaires à entretenir leurs nouveaux équipements, le choix de la durabilité semble mieux en mieux considéré.

La législation française ne permet pas à l'heure actuelle de sanctuariser l'entretien des écrans anti-bruit. Toutefois, leurs gestionnaires sont soumis à l'obligation de protéger les riverains de la pollution sonore générée par leurs infrastructures de transports. Aussi, considérer ces équipements comme un véritable patrimoine, au même titre que nos chaussées et nos ponts, doit contribuer à mieux l'entretenir.

Enfin, dans un contexte de baisse chronique des budgets alloués à la route et à son entretien, c'est d'une gestion prédictive, durable et synonyme à terme d'évidentes économies, qu'ont besoin dès à présent ces équipements essentiels à la qualité et l'efficacité de nos réseaux routiers.

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Commentaire 1
à écrit le 14/08/2019 à 10:50
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Je connais le bruit de la route, j'imagine celui de l'autoroute et je me demande comment on peut laisser des gens vivre à côté de ces endroits bruyants et polluants, je ne le comprends toujours pas.

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