Bourses : krach, rémission ou fausse alerte ?

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui : krach, rémission ou fausse alerte ?
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

Après les grands vertiges du début d'année, les bourses ont repris quelques couleurs.  La grande descente aux enfers que l'on pouvait craindre a été stoppée. Simple rémission ou fausse alerte, telle est la question ? Elle est essentielle, car la reprise des pays avancés se joue bien à la corbeille. Un nouveau choc sur les prix d'actifs donnerait le coup de grâce à des croissances qui recommencent à patiner.

Essayons de faire le tri de ce que l'on sait

Ce que l'on sait est en soi inquiétant. Car si cela fait plusieurs mois que nous nous interrogeons sur le fait de savoir si nous sommes assis sur un volcan financier, cela ne fait plus de doute maintenant. La crise récente a démontré plusieurs choses :

  • Que la situation des sociétés financières était particulièrement vulnérable. Aux premiers reflux des Bourses, a aussitôt ressurgi  l'inquiétude autour de la qualité des bilans des banques européennes, du sud, mais aussi allemandes et françaises. Autrement dit, le QE n'a pas encore permis de purger la situation héritée de 2007-2008 et la déflation continue à miner la qualité des actifs détenus par les banques ;
  • Surtout, les spreads ont recommencé à se creuser au sein de l'espace européen, compte tenu de la porosité qu'il y a entre la situation bancaire et celle des finances publiques. Autrement dit, les prémices d'un épisode 2 de la crise de l'euro a immédiatement commencé à se mettre en place.

Bref tous les ingrédients d'une diffusion systémique de la crise ont ressurgi. Nous savions déjà que tous les ingrédients de l'instabilité étaient réunis. Dans un contexte de taux zéro, on sait qu'une petite variation des anticipations peut provoquer de grosses variation des prix d'actif. Mais cela ne fait pas une tendance.

Le risque d'un krach plus profond

Pour cela tournons-nous vers la bourse américaine, qui donne en général le LA, que l'Europe amplifie le plus souvent. Et même si la dernière lubie des marchés est de se corréler aux prix du pétrole, intéressons-nous à quelques fondamentaux, en essayant de croire que les marchés ont une part de rationalité.

  • Premier indicateur : celui qui focalise toutes les inquiétudes : la valeur de la capitalisation boursière au PIB. Je n'épilogue pas. Il est parlant à lui tout seul. Si les cycles financiers ressemblent à ce qu'ils ont été depuis 15 ans, la vague de correction est encore devant nous.
  • Deuxième indicateur : la rentabilité économique des entreprises non financières américaines. J'ai rapporté ici le résultat d'exploitation après impôts à l'ensemble des immobilisations des sociétés non financières américaines. Elle se dégrade maintenant depuis deux ans. Or le taux de rentabilité étant traditionnellement un indicateur avancé de retournement du cycle financier. Si je prends en compte le fait que la valeur des grands groupe se détermine sur un périmètre monde, ce que l'on sait de la dynamique de la croissance mondiale laisse à penser que mouvement devrait se poursuivre. Selon ces deux indicateurs, mais je pourrais en produire d'autres, les conditions d'une chute du prix des actions sont bien en place. Toutes choses égales par ailleurs dirons-nous. Sauf que c'est certainement la pire des hypothèses aujourd'hui. Si les taux zéro deviennent un régime permanent, il n'est pas certain que je puisse m'appuyer sur ces quelques relations stables.

Regardons d'autres indicateurs pour comprendre

Le levier, c'est-à-dire l'écart entre la rentabilité économique et le taux s'intérêt réel. Il n'a cessé de croître et se maintient à des niveaux incroyablement élevés. Bref, il est toujours aussi intéressant de lever de la dette pour détenir des capitaux propres d'entreprise. Autrement dit, les fusions acquisition et les LBO pourraient soutenir encore longtemps le prix des actions.

 Autre indicateur pour ceux qui se souviennent de leurs modèles canoniques de formation de prix des actifs...  la fameuse formule de Gordon Shapiro : Cours = dividendes sur r (le taux d'intérêt + une prime risque)- g (le taux de croissance).  Nous connaissons les dividendes du S&P 500 et les cours. On peut donc en déduire le r-g des marchés.  S'ils sous estiment le risque ou surestime la croissance, cela booste artificiellement les cours. Comparons le r-g des marchés avec l'écart des taux d'intérêt à 10 ans et de la croissance nominale observée. Et bien rien de tel n'apparaît manifestement. Les marchés sont très loin d'avoir incorporé tout le potentiel de hausse autorisé par la décrue des taux d'intérêt.

Bref, la conjoncture me pousse à dire que les bourses vont baisser.... Mais le syndrome des taux zéro me souffle plutôt qu'un rallye de hausse n'est pas exclu. Je ne cache pas que j'aurais aimé être plus conclusif !

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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