Comprendre cette économie où l'inflation s'évapore

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, comprendre cette économie où l'inflation s'évapore

Peut-être est-il temps d'acter le fait que nous sommes installés durablement dans des régimes de faible inflation. Nous continuons certes à assister ça ou là à des tensions inflationnistes, localisées dans l'espace et dans le temps. Les matières premières continuent à jouer au yoyo. Les goulets d'étranglement sur certaines compétences entraînent des enchères sur certains salaires. Mais globalement, les prix pour l'utilisateur final ne répercutent que très peu ces tensions en amont. L'inflation reste rivée sur des rythmes très faibles, notamment lorsque l'on élimine la composante volatile de l'alimentaire et de l'énergie. Les pressions concurrentielles sont trop fortes pour des raisons technologiques et d'ouverture des marchés.

La fin du compromis fordiste

Derrière cela il y a d'abord un rapport salarial qui s'est modifié. Le compromis fordiste a vécu, qui promettait pour le plus grand nombre la stabilité de l'emploi et un certain lissage du pouvoir d'achat, grâce à l'indexation des salaires sur l'inflation. La moindre protection de l'emploi, la durée du travail plus malléable, la part accrue de la composante flexible des salaires ont reporté sur le travail le risque lié aux aléas de l'activité, et sécurisé les revenus du capital et des compétences les moins substituables. Dans ce nouveau compromis, néanmoins, l'éradication de l'inflation limite l'ampleur des  risques de perte de pouvoir d'achat du salarié.

Un régime de faible inflation change beaucoup de choses sur les modalités d'adaptation des agents. Pour les entreprises confrontées à une dérive de leurs coûts unitaires ou à un choc, pas question de jouer sur l'inertie des salaires par rapport à l'inflation pour redresser la rentabilité. Et c'est l'emploi, et non plus le salaire, qui devient la variable d'ajustement pour absorber les chocs. Les gains de productivité deviennent un élément vital pour maintenir leur part de marché. De plus en plus d'entre elles, derrière un prix constant, ne cessent d'enrichir leur prestation et la qualité de leurs produits, chose que peine à mesurer la comptabilité nationale. Et il est très probable que le très faible trend d'inflation recouvre en fait une déflation larvée.

Les prix d'actifs deviennent la composante volatile du cycle

Idem en cas de dérive d'endettement des agents. Ces derniers, publics ou privés, ne peuvent plus compter sur l'érosion de la dette par l'inflation. Il devient beaucoup plus difficile de se désendetter. Tout cela contribue à donner un prima aux équilibres comptables et aux pressions pour procéder à des ajustements réels. La désinflation crée clairement une forte demande en faveur de la flexibilité, faute de pouvoir jouer sur les artifices de l'illusion monétaire.

Dans ce régime de faible inflation et de faibles taux d'intérêt nominaux et réels, ce sont les prix d'actifs qui deviennent la composante la plus volatile du cycle. Une petite variation des anticipations d'inflation et de taux provoque de très fortes embardées des cours. Et ces effets de richesse deviennent la variable motrice du cycle d'activité. Des effets de richesse qui incitent à jouer sur le levier de l'endettement, une mécanique dangereuse, semée d'accidents à répétition.

Les banques centrales dans l'impasse

Dans ce nouveau régime, il est clair que les banques centrales n'ont pas encore trouvé la martingale qui permet de stabiliser le système. La monnaie créée ne vient plus se loger sur le marché des biens et des services, mais sur les marchés financiers.

Piloter l'économie en fonction d'une cible d'inflation ne fait plus sens, ou conduit à un excès de création monétaire favorisant l'instabilité des marchés. Un excès de création sur lequel elles ne peuvent revenir, au risque de provoquer un effondrement massif des prix d'actifs. Cette focalisation sur l'inflation leur fait perdre de vue ce qui est au cœur de leur mission : la maitrise du cycle d'endettement des agents privés, qui est clairement le point faible de nos économies contemporaines.

 >> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaires 4
à écrit le 02/03/2018 à 7:52
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Analyse très interessante! Il serait néanmoins utile de rappeler à nos concitoyens économistes , que leur pendant étranger utilise leur science pour nous informer des nouveaux métiers à venir , des nouvelles industries à conquérir , des taxes douani...

à écrit le 01/03/2018 à 10:46
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De toute façon nos "économistes" n'y comprennent rien, sinon ils auraient trouvé la solution. Cette solution existe; elle consiste à appliquer la note n°6 du CAE. C'est ce que font les Allemands, et ça marche chez eux. Pourquoi pas chez nous? Qui ser...

le 02/03/2018 à 21:29
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@Gépé , merci bcp ne nous rendre plus intelligents et pro-actifs ! http://www.cae-eco.fr/IMG/pdf/cae-note006.pdf

à écrit le 01/03/2018 à 9:40
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"Des effets de richesse qui incitent à jouer sur le levier de l'endettement, une mécanique dangereuse, semée d'accidents à répétition." Et quand on voit le business financier qui s'est installé via les multiples dettes, quand on voit qu'une mult...

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