Dis moi comment tu paies et je te dirai qui tu es

Comment mettre fin à ce scandale français de délais de paiement? Par Gregory Marande, co-dirigeant d'un cabinet de recrutement spécialisé dans les métiers du design luxe et mode en France et à l’international

Lorsque j'étais enfant, ma mère me donnait de l'argent de poche et parfois, j'allais à la boulangerie pour acheter des bombons acidulés. C'était rare, j'hésitais à chaque fois à dépenser mon argent en me disant qu'après je n'aurai plus rien.
Le temps a fait son effet et je me suis rendu compte que dans le monde des affaires, on ne raisonne pas nécessairement en bon père de famille. En effet, il faut savoir prendre des risques pour réussir, saisir les opportunités et aller de l'avant. Il faut être conquérant, innovant, impertinent et investir parfois de l'argent que l'on ne possède pas mais que l'on nous prête pour réussir.

La majorité des entreprises ne respecte pas la loi

Tout cela, je le sais. Mais se pose-t-on seulement de temps en temps la question de la morale dans la manière dont on joue avec l'argent ? La réponse est manifestement non.

On estime qu'un quart des 60 000 faillites annuelles en France sont la conséquence des retards de paiement. En d'autres mots, 60 000 entrepreneurs et leurs équipes sont contraints de fermer non pas par manque de commandes mais par manque de trésorerie ! Pire, les services de Bercy évaluent à 15 milliards d'euros de factures en souffrance, en attente, perdues on ne sait où.

Comment peut-on en arriver à ce résultat ? De la plus simple des manières en appliquant aux autres ce que l'on subit. Nous vivons dans un monde où l'argent devient une notion abstraite et où il est possible de dépenser plus que ce que l'on a. C'est comme si nous étions possédé par l'argent et où l'on dépense ce que l'on n'a pas et garde ce que l'on doit. Or la loi est claire sur ce point : les entreprises ont l'obligation de payer leurs fournisseurs en soixante jours maximum.

Un rapport dominant - dominé

J'ai découvert à mes dépends qu'une petite entreprise, pourtant vantée par les politiques comme catalyseurs de l'économie en France, est vite éteinte et contrainte par le système. Il existe un cadre juridique, un code du commerce, des tribunaux mais finalement peu de sanctions tombent et une première raison peut-être mise en exergue. Les entreprises en attente de paiement ne veulent pas nécessairement engager des démarches juridiques de peur de corrompre leurs relations commerciales car finalement, les méchants ce ne sont pas nos interlocuteurs mais le système.

Il y a un vrai rapport de force d'une part entre ceux qui ont de la trésorerie et joue avec et, d'autre part avec ceux qui en dépendent et essaient de pérenniser un client, une activité commerciale. Encore récemment, une personne d'un grand groupe international avec qui j'avais un litige sur une facture non payée me dira : « on ne vous paiera pas car elle ne répond pas exactement au cahier des charges. De plus, la prestation est désormais clôturée. Par contre, nous avons aimé travailler avec vous et demain, qui sait si nous ne pourrions pas travailler de nouveau ensemble... ». Que faire ? Attaquer sans garantie de gain ou courber le dos en se disant que ce client pourrait de nouveau faire entrer de l'argent dans les caisses de l'entreprise ?

 Instiller de la morale et de la responsabilité dans l'économie

Un cadre juridique est essentiel mais il faut aller plus loin. Pourquoi ne pas imposer aux entreprises de plus de 500 employés de payer dans les sept jours suivant la réception de factures ? Pourquoi ne pas fixer à 45 jours le versement aux fournisseurs pour les plus petites entreprises ? L'Etat recherche des moyens de financement, alors pourquoi ne pas imposer aux entreprises de régler leurs factures fournisseurs via des organismes d'état comme la Caisse des Dépôts ou la fameuse Banque Publique d'Investissement dont on n'entend plus parler ?

L'argent pourrait ainsi être bloqué sur un compte pouvant travailler et dégager des intérêts utiles à la formation professionnelle ou aux aides favorisant l'emploi. Je suis toujours surpris de voir de très grands groupes régler leurs honoraires par chèques et non pas virement. Est-ce réellement plus simple pour eux ou une manière de gagner du temps ? Il est peut-être temps d'interdire tout règlement par chèque pour des factures d'un montant supérieur à 5 000 euros ?

Au-delà des sanctions qui finalement sont les seuls moyens pour influer sur les mauvaises habitudes, il est temps de mettre un peu de morale dans ce monde des affaires. Cela passe par la responsabilité de chacun, par le fait d'arrêter de jouer au banquier et par le respect de ses engagements. Arrêtons d'être surpris par ce monde qui ne tourne pas rond alors que l'on cherche par tous les moyens à contourner le système. Arrêtons de stigmatiser les banques comme responsables du désordre économique dans lequel on vit. Les factures non payées ne sont malheureusement qu'une partie de l'arbre qui cache la forêt...

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