Economie australienne : derrière les apparences du succès

Avec son taux de croissance élevé depuis 20 ans, l'économie australienne a de quoi faire rêver. Mais la médaille a un revers, et même plusieurs.... Par Pascal N'Guyen, professeur de finance à Neoma Business School

L'économie australienne a de quoi faire rêver nos hauts responsables politiques. Depuis 20 ans le pays des wallabies enregistre une croissance ininterrompue de 3,4% en moyenne par an. Même la crise financière de 2008 a été surmontée sans difficulté alors qu'ailleurs elle faisait des ravages. A moins de 29% du PIB, la dette publique reste modeste comparée aux 92% de la zone Euro tandis que le taux de chômage n'est que de 6,2% contre 10,4% en France. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que l'Australie figure parmi les pays où beaucoup aimeraient aller vivre. Pourtant, ce bilan flatteur masque des faiblesses inquiétantes.

Une dépendance excessive à l'égard de l'économie chinoise

Si l'économie a pu tenir le rythme aussi longtemps, elle le doit largement à l'appétit insatiable de l'industrie chinoise pour ses matières premières. En dix ans les exportations de charbon et de minerai de fer se sont envolées pour atteindre 150 milliards de dollars grâce notamment à une évolution favorable des prix. Même si ce chiffre ne représente que 10% du PIB, l'effet multiplicateur est considérable dans la mesure où les salaires et les profits issus de l'activité minière soutiennent la demande dans les autres secteurs de l'économie. De plus, les grandes sociétés minières comme BHP et Rio Tinto ont parié sur une poursuite de la croissance chinoise et lancé de gigantesques programmes de développement qui sont venus ajouter plusieurs points de croissance au PIB. C'est donc peu de dire que l'Australie a lié son avenir à celui de la Chine.

Une politique d'immigration intenable

Jouant sur le charme d'un pays associant un pouvoir d'achat élevé, une population ouverte et accueillante, un style de vie décontracté et un climat agréable tout au long de l'année, les autorités australiennes ont largement ouvert les portes à l'immigration, ce qui a contribué à soutenir la croissance en fournissant à l'économie la main d'œuvre qualifiée dont elle avait besoin, un peu comme en France à l'époque des trente glorieuses. Cette politique a aussi permis de répondre à peu de frais au problème du vieillissement de la population et du financement des retraites qui se pose dans toutes les économies développées. Pourtant, cette solution ne manquera pas de soulever d'autres problèmes à long terme d'autant que les infrastructures du pays peinent à suivre la croissance de la population.

Une réforme des retraites à haut risque

Engagée au début des années 90 la réforme entérine la transition vers un système de retraite par capitalisation et limite le rôle de l'État à l'assistance aux plus démunis. Ce système a pour avantage principal de garantir l'équilibre des comptes publics en reportant l'essentiel du risque financier sur les ménages. En outre son introduction devait avoir un effet neutre sur l'économie. En réalité, il n'en est rien du fait que les ménages ont tendance à sous-estimer l'épargne dont ils auront besoin pour leur retraite. Il s'ensuit une prédisposition à la surconsommation qu'il faudra bien payer un jour ou l'autre. Dotés d'un capital retraite insuffisant, les futurs retraités devraient alors être contraints de réduire leur consommation, pesant ainsi sur la croissance.

Une fiscalité trop favorable à l'immobilier

En autorisant les investisseurs à déduire de leurs impôts le coût du financement d'un achat immobilier, les autorités australiennes ont créé un véritable engouement pour la pierre. Il en a résulté une flambée des prix qui se poursuit jusqu'à ce jour. L'avantage fiscal de la pierre a attiré un grand nombre d'investisseurs avec pour première conséquence la disparition quasi totale des primo-accédants qui constituent pourtant la demande naturelle sur ce marché. La deuxième conséquence est une croissance excessive des prêts immobiliers qui expliquent les profits énormes que font les banques australiennes. Mais surtout, la dette créée se traduit par une injection de liquidités dans l'économie dont l'effet est en tout point comparable aux opérations d'assouplissement quantitatif que mène en ce moment la Banque Centrale Européenne.

Un enseignement supérieur en équilibre précaire

Pour différentes raisons, les gouvernements aussi bien de gauche que de droite ont progressivement réduit le soutien de l'État à l'enseignement supérieur, obligeant les universités à dépendre de frais de scolarité de plus en plus élevés. En contrepartie a été mis en place un système d'emprunts remboursables en fonction des revenus des diplômés une fois ceux-ci engagés dans la vie active. Ce mécanisme arrange évidemment le gouvernement puisqu'il reçoit une créance en échange des sommes versées au titre de la scolarité. Mais pour toute une génération d'étudiants, c'est une dette qu'ils devront rembourser et qui viendra grever leur consommation future sans compter qu'ils auront toujours un loyer à payer.

Un retour de bâton inévitable

Au bout du compte, il apparait que l'Australie doit sa performance à des choix économiques dont les retombées immédiates sont positives tandis que les effets négatifs sont repoussés à plus tard. Or le point de retournement approche à grands pas. Pour commencer, le ralentissement de l'économie chinoise se fait chaque jour plus perceptible, ce qui a déjà conduit à un ajustement brutal du prix de nombreuses matières premières comme le minerai de fer dont le cours a chuté de 180 dollars à 60 dollars la tonne. Avec moins de recettes injectées dans l'économie, le multiplicateur de croissance va à présent jouer de façon négative.

La fin des plus-values immobilières

En second lieu, les prix de l'immobilier semblent avoir atteint un plafond. Qu'ils soient rapportés aux loyers ou aux revenus moyens des ménages, les prix sont si élevés qu'on voit mal comment ils pourraient aller plus haut. Ceci va donc refroidir l'ardeur des investisseurs et par voie de conséquence la création de dette qui a soutenu l'économie jusqu'à présent. Avec une stagnation de l'immobilier qui constitue leur actif le plus important, les ménages vont devoir se serrer la ceinture et épargner davantage au lieu de compter sur les plus values pour gonfler tranquillement leur capital retraite. Il est même possible que les investisseurs se détournent de la pierre et choisissent de réaliser leur plus values ce qui pourrait constituer un risque majeur pour les banques.

Une économie en perte de vitesse

Dans un tel contexte les flux migratoires devraient être moins favorables. Déjà ceux-ci sont devenus négatifs avec la Nouvelle Zélande alors que l'inverse a longtemps été le cas. D'autres indicateurs révèlent une économie en perte de vitesse. Les diplômés de l'université rencontrent des difficultés inhabituelles pour décrocher un emploi. Dans certaines filières, la proportion des diplômés en activité quatre mois après la fin de leurs études ne dépasse pas 50%. Dans l'ensemble, cette proportion est tombée à 68% en 2014 alors qu'elle était au-dessus de 85% en 2008.

Au cours de sa jeune histoire, l'Australie a souvent eu de la chance et réussi contre toute attente à tirer son épingle du jeu. Va-t-elle une nouvelle fois parvenir à s'en sortir? On le saura bientôt.



Pascal Nguyen est professeur de finance à Neoma Business School

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Commentaires 3
à écrit le 25/06/2015 à 17:02
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Votre opinion est simplistique ou au mieux mal informé. Une dépendance excessive à l'égard de l'économie chinoise: Donc l'Australie qui a un territoire equivalent a 14 fois la surface de la France a des ressources naturelles qu'elle exploite et co...

à écrit le 12/05/2015 à 15:33
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Il y a un véritable risque à l'Irlandaise en Australie, la bulle immobilière risque bien d'éclater et de créer de gros problème. Peu ou pas d'industrie, des prix de matières première en baisse, sans compter les conséquences du réchauffement climatiqu...

à écrit le 12/05/2015 à 13:02
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si la chine fait defaut il y aura l inde et l indonesie. l australie a d infinies ressources notamment agricoles pour repondre a d autres types de demandes. le grand probleme du pays reste ses graves carences en matiere d industries...

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