France, berceau du néolibéralisme

C'est en France que la néo-libéralisme des années 80 a pris ses sources. Par Michel Santi, économiste

La France n'est pas que la patrie des droits de l'Homme. Son rôle fut également crucial dans l'instauration de la pensée néolibérale qui affame aujourd'hui les peuples d'Europe. Sa responsabilité est immense dans la mise en place de cette tyrannie rigoriste et moralisatrice qui stérilise de nos jours toutes les forces vives de notre continent.

C'est en effet la France qui, faisant une fois de plus office de précurseur, devait franchir en 1973 une étape historique sur le chemin de la libéralisation financière internationale, en s'interdisant de recourir à la planche à billets de sa banque centrale. C'est à cette aune qu'il faut interpréter les nouveaux statuts de la Banque de France, adoptés le 3 janvier 1973 -et particulièrement leur article 25- indiquant que «le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l'escompte de la Banque de France».

Mettant ainsi définitivement les États à la merci du système bancaire, puisque leur Trésorerie n'était de facto plus en droit d'emprunter auprès de sa banque centrale. Tournant crucial dans la gestion des finances publiques des nations occidentales (et même mondiales!) qui emboîtèrent dès lors le pas à la France, ne devant du reste rien au hasard à une époque où elle était présidée par un ancien banquier, Georges Pompidou. Peu importe, après tout, si la dette publique française, de 20% du PIB en 1970, devait dès lors connaître une descente aux enfers ininterrompue.

Raymond Barre, à la tête du premier gouvernement néo-libéral

Pour autant, cet épisode ne fut guère que le tout premier jalon d'une emprise monétariste coulée dans les institutions dès 1976 par Raymond Barre, «meilleur économiste de France», -Premier Ministre de VGE- qui devait présider aux destinées du premier gouvernement authentiquement néolibéral d'Europe. Bien avant l'arrivée au pouvoir de Thatcher en 1979 en Grande Bretagne et de Reagan en 1981 aux Etats-Unis, c'est donc la France qui fut la première à mener la charge contre les dépenses publiques et pour la réduction des aides sociales. En réalité, sans Barre et sans ses fameux plans, pas de Zone Euro à la fin des années 1980 car c'est sous son haut patronage que l'Europe prit le tournant mercantile qui en fait fièrement aujourd'hui sa marque de fabrique.

L'uniformisation du débat

Ce n'est donc pas tant l'axe franco-allemand qui devait modeler l'Europe que l'uniformisation et l'assèchement progressifs du débat économique et financier à travers l'Europe «de l'Ouest». C'est cette union sacrée contre les dépenses et contre les déficits dans un premier temps, puis pour le marché libre et pour l'auto régulation des acteurs de la finance (sous Beregovoy le socialiste à la fin des années 1980) qui devaient creuser le sillon -et aujourd'hui la tombe- de l'Union européenne. C'est donc la France qui, la première, a défini et posé les fondations de la sacrosaint intégration européenne qui, par rigueur budgétaire interposée, devait dès lors tétaniser et monopoliser tout le débat macroéconomique continental. Infection monétariste qui devait donner l'impulsion décisive à une aggravation irrémédiable des taux du chômage qui ne retrouvèrent plus jamais leurs niveaux des années 1970, car l'emploi ne figurait dès lors plus aux priorités gouvernementales.

C'est à Raymond Barre que l'on doit ainsi la mise au placard définitive de l'idéal keynésien gaulliste. Comme c'est à partir de son règne que l'emploi ne fut plus considéré que comme une simple variable au service de la stabilité financière. C'est donc de 1976 (avènement de Barre et de ses plans) qu'il est possible de dater l'an zéro de l'infâme austérité, ainsi que le degré zéro de l'humanité.

Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et Directeur Général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence", préface rédigée par Romaric Godin.

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Commentaires 27
à écrit le 01/01/2016 à 8:16
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Ou est le problème de payer des intérêts sur sa dette ? Pourquoi l état est il autorise a crever le plafond de sa dette ? Il s agit d un vol d une génération sur la suivante La génération post 45 a ruiné la France, parti avec peu de dette (20%) et pa...

le 01/01/2016 à 12:40
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Ou est le problème de payer des intérêts sur sa dette ? aucun, même c'est mieux Pourquoi l état est il autorise a crever le plafond de sa dette ? parce qu'il a tous les droits sur la monnaie Il s agit d un vol d une génération sur la suivante pe...

à écrit le 31/12/2015 à 18:52
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Le terme neolibéral est surtout utilisé par ceux qui dénigrent le libéralisme:pas étonnant qu'il soit français ! Mais bon, c'est un terme tellement fourre-tout... (cf Wikipedia) Classer Raymond Barre, un chantre du blocage des prix etde l'interventi...

le 01/01/2016 à 12:38
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oui neoliberal ne veut rien dire liberal c'est Jesus (cf gave , pas le pape actuel, cf aussi ayn rand , pas rand paul...)

à écrit le 31/12/2015 à 18:39
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où est Romain?... la tribune est un excellent journal de gauche, sauf que l'auteur oublie que si la France est un pays dixit "néo liberal" c'est aussi le plus néo collectiviste des pays de sa zone...

à écrit le 31/12/2015 à 15:24
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Le raisonnement logique se cantonne étriqué. Il tait le rôle du monétarisme de l'après guerre qui justement déclencha la révolte des pays producteurs de pétrole et autres matières premières payés en monnaie de singe avec un dollar manipulé. Il en ré...

à écrit le 31/12/2015 à 12:47
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je viens de lire les commentaires les gens ne comprennent pas que les banques sont peut etre completement mortes sauf si l'etat en decide autrement poutine peut reduire à 0 visa mastercard hier je crois une emission sur les fintechs sur bfm...

à écrit le 31/12/2015 à 12:41
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Santini, tout comme son copain Godin, chercherait à nous faire croire que la France est néolibérale alors qu'on s'achemine vers un stalinisme pur et dur avec la restriction notamment des libertés individuelles !!! Aux armes citoyens, il est temps de ...

le 31/12/2015 à 13:02
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Santini? Dès le premier mot on comprend que vous ne savez pas de qui vous parlez. A la fin de votre commentaire on sait que vous ne savez pas de quoi vous parlez.

le 01/01/2016 à 11:43
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@gringo: et toi, tout le monde sait de quoi tu parles, à savoir de rien :-) :-)

à écrit le 31/12/2015 à 12:34
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depuis que vous avez été revendu par Arnault vous êtes (re?)devenu le meilleur quotidien eco de France je vais m'abonner papier pour l'année prochaine! sinon le problème, si c'en est un à suivre*, c'est Pompidou (Gle de gaulle à propos de Napoleo...

à écrit le 31/12/2015 à 10:01
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Certainement pas. Il me semble que Milton Friedman, chef de file de l'école de Chicago d'économie à lorigine de la pensée "néo-libérale" économique et qui a reçu le prix " Nobel " d'économie en 1976 a développé ses travaux dès le lendemain de la seco...

le 31/12/2015 à 13:11
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Friedman, Hayek, Lucas, Buchannan... il y a une liste longue comme le bras d'économistes libéraux dans le monde. En France on a Say et Allais mais ça ne va pas très loin je vous le concède. Mais ici, l'auteur parle de mise en œuvre de politique éc...

à écrit le 31/12/2015 à 9:49
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Merci monsieur Santi d'appeler un chat, un chat . De Pompidou à Macron, belle continuité depuis plus de 40 ans du pouvoir bancaire (et de la Finance) dans les gouvernements.

à écrit le 31/12/2015 à 9:41
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Avec tout le dirigisme d'Etat dont nous souffrons, il est surréaliste d'entendre parler de néolibéralisme, vous ne trouvez pas ?

le 31/12/2015 à 12:53
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les gens pour lesqueles bossait friedman c'est : liberalisme pour eux , mais eux tout seul et communisme pour le reste depuis 80/90 clinton (ceux qui vont prendre les autocars de macron) la preuve: http://investir.ch/wp-content/uploads/2015/12...

le 31/12/2015 à 13:17
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Les commerçants et entrepreneurs souffrent d'une grande complexité administrative, et l'activité économique est peu libéralisée pour les petits. Mais la finance est elle ultra dérégulée. Il y a une incohérence et je comprends votre incompréhens...

à écrit le 31/12/2015 à 9:22
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Triste colonniste s'essayant à jouer les querdenkers. Encore une fois ce type a tout faux.

à écrit le 31/12/2015 à 8:55
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La France depense plus que ces partenaires Européens. Comment peut on parler d'Austerite ou de neo-liberalisme?

le 31/12/2015 à 9:38
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La Tribune n'a plus les moyens de rémunérer des spécialistes en économie : elle doit se contenter de gauchistes qui écrivent gratuitement pour l'amour de la révolution permanente...

à écrit le 31/12/2015 à 8:27
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Beaucoup à redire sur le contenu de cet article : -la loi de 1973 était une réponse pragmatique à la fin du système de Bretton Woods également en 1973, système qui était bien plus contraignant en limitation de la création monétaire puisque les monn...

le 31/12/2015 à 12:57
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niveau de dépense publique de 55% du PIB certes mais cela s'applique maintenant aussi aux US cette economie US est tout sauf libérale: elle est feodale et communiste

le 31/12/2015 à 13:51
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- Votre premier point n'est pas faux mais vous concédez vous même que cette loi n'a pas eu les vertus désinflationnistes espérées. Elle était donc mauvaise, on est d'accord sur ce point! - A partir de 1981, l'inflation va fortement baisser, et c'...

le 01/01/2016 à 10:24
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Dès lors que les dépenses sont de plus en plus des transferts ça laisse une grande place à l'économie privée d'où le terme de néolibéralisme : au lieu de dépenser de l'argent en salaires de fonctionnaires ou achats externes l'idée est de donner cet a...

à écrit le 31/12/2015 à 7:57
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C'est un raisonnement de Cro-Magnon qui ne tient pas compte du role de l'énergie dans le' développement de l'économie; on a le travail, le capital ET l'énergie. Que feriez-vous sans énergie?

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