Grands groupes : pour innover, osez la greffe entrepreneuriale !

OPINION. Bien qu’ils se doivent d’innover pour ne pas être dépassés et trouver de nouveaux relais de croissance, les actes manqués par les corporate sont légion. L’alliance corporates + entrepreneurs peut permettre de relever d’incroyables défis en opérant autrement. (*) Par Patrick Amiel & Romain Ledru Mathe, cofondateurs de 321founded.
Patrick Amiel.
Patrick Amiel. (Crédits : DR)

Pourquoi Solocal n'a pas créé TheFork ? La société bénéficiait pourtant de relations commerciales fortes avec les restaurants français. Canal+, qui proposait déjà ses propres contenus par abonnement, aurait pu imaginer Netflix. Et pourquoi Cegedim n'a pas eu le succès d'un Doctolib ?

Bien qu'ils se doivent d'innover pour ne pas être dépassés et trouver de nouveaux relais de croissance, les actes manqués par les corporate sont légion. Ils disposent pourtant d'atouts précieux pour lancer et faire perdurer de nouveaux business : réseaux de distribution, base clients, expertise sectorielle, talents, notoriété, capacité d'investissement, etc.

L'innovation débute souvent dans la manière de penser, puis de faire. Pour commencer à innover, il faut souvent commencer par changer son mode opératoire. Naturellement, l'entreprise va devoir affronter une légitime résistance au changement, face au poids des habitudes, de la pression du court terme et de l'aversion aux risques. Il va falloir sortir du cadre, changer d'échelle-temps, et apprendre en marchant.

Sortir des zones de confort ne peut se faire en restant consanguin. L'alliance corporates + entrepreneurs peut permettre de relever d'incroyables défis en opérant autrement.

Coller au tempo du marché

Le marché dicte le tempo. Aujourd'hui, les entrepreneurs adossés à des fonds d'investissements disposent de moyens et d'une forme de liberté pour opérer très rapidement. Pour innover, il est indispensable de coller au tempo du marché.

La volonté d'innover et de créer une startup ne se résume pas à un beau powerpoint et à une énième version d'un business plan. Se lancer avec succès implique d'aller vite pour être en phase avec le marché, d'être obsédé par la volonté de trouver son "product market fit", puis la croissance, d'être capable de se remettre en question, de pivoter et de sans cesse itérer pour trouver le meilleur moyen de se développer.

Se tromper fait partie du chemin entrepreneurial et cela passe souvent par renoncer à une bonne partie des méthodes et procédures qui régissent le corporate.

Enfin, la garantie d'une capacité d'investissement suffisante est bien sûr primordiale, ainsi qu'un soutien de la direction générale pour construire une vraie ambition, et garantir d'opérer autrement. Une emprise immédiate sur le projet et une absence de partage de la part du corporate conduiront irrémédiablement à la naissance d'un projet lambda, loin de l'impact attendu par la création d'une startup. Il en sera de même dans le cas d'une aversion à reconnaître ses faiblesses, à laisser la main sur des compétences et un savoir-faire que l'on ne détient pas.

Si ce premier état des lieux est convaincant, il faudra ensuite s'atteler à réunir les talents qui pourront surpasser les standards du marché... dans un contexte de guerre des talents.

Créer un espace nouveau, propice à innover réellement

L'actif clé de toute startup qui surperforme est son équipe de fondateurs. Comment faire pour attirer les meilleurs ? Ces profils peuvent aujourd'hui se lancer seuls, lever des fonds et être libres d'opérer à leur guise.

Il faut donc réunir deux dimensions : une capacité d'entreprendre et une expertise qui permet de capitaliser sur les "unfair advantages" des corporates cités un peu plus haut. En réunissant ces deux dimensions, le nouveau projet peut opérer aussi efficacement que les meilleures startups du marché, et peut miser sur ses atouts pour faire la différence. De plus en plus de serial-entrepreneurs cherchent leur prochaine aventure, et faute d'avoir la bonne idée ou les bons associés, s'ouvrent à des collaborations avec des grandes entreprises ou ETI. Il faut toujours garder à l'esprit que l'objectif est de greffer le corporate à l'ADN entrepreneurial et non l'inverse.

Avant toute chose, il faut créer un espace nouveau afin que l'équipe soit libre de ses mouvements et initiatives. Cela passe par la création d'une nouvelle société pour d'une part opérer autrement, et pour associer les nouveaux fondateurs au capital de la structure d'autre part. Sans quoi, ils seront tentés de choisir une autre option pour se lancer.

Il ne suffit pas de sortir du siège pour s'installer dans un cowork. Créer une société dédiée est indispensable, et le corporate, alors actionnaire, peut garder le contrôle. Cela évite trop de compromis qui freinent ensuite le développement de la nouvelle entreprise.

Le corporate s'imprègne ainsi de ses méthodes, de ses codes et se familiarise avec ce qui constitue le quotidien de toutes startups : le rythme, la remise en cause, la combativité, la résilience... Cet apprentissage est un effet secondaire positif, mais ne peut pas être le premier objectif qui reste de lancer un nouveau business en forte croissance.

Dans le même bateau

La dernière étape est fondamentale car elle constitue le ciment de la synergie entre grand groupe et équipe entrepreneuriale. Elle garantit également l'absence d'une relation de client à prestataire ou agence conseil.

Le co-actionnariat entre le corporate, l'équipe entrepreneuriale et la startup elle-même, est le modèle le plus pertinent pour s'assurer que tout le monde soit aligné. L'objectif et la prise de risque sont communs. Tout le monde y gagne ou tout le monde perd.

Le co-actionnariat est une des clés du succès. Car comme le dit l'adage, on ne jouit bien que de ce qu'on partage. D'autant que, si on souhaite réellement s'entourer des meilleurs, le marché oblige à remettre en cause les modèles de rémunération et à se tourner vers des modèles d'association.

On évalue aujourd'hui qu'à peine un tiers (35%) des investissements startups de la part des grands groupes sont positifs (1). Ces derniers se tournent soit vers le processus interne, trop lent, soit vers le modèle de prestataire, trop peu orienté business et réalité du marché.

Un troisième modèle, qui conjugue intelligence, puissance et responsabilité collective se dessine. Il nécessite en revanche une posture que seuls certains grands groupes auront le courage d'adopter.

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Commentaires 2
à écrit le 02/05/2023 à 23:32
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Tout cela passe par la publicité et la consommation qui s'en suit, mais sans réels intérêts pour chacun de nous ! ;-)

à écrit le 02/05/2023 à 18:20
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Kodak leader mondial en son temps avait pourtant des brevets pour développer la photo numérique mais ses dirigeants n'y ont pas cru ...... laissant la place aux japonais et coréens

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