French Tech : vers une réforme du dispositif Jeune Entreprise Innovante pour aider les startups dès 2024 ?

C'est la proposition phare du député Paul Midy (Renaissance) dans le cadre de sa mission parlementaire pour le compte du gouvernement. L'idée : créer deux nouveaux dispositifs, Jeunes Entreprises d'Innovation et de Croissance (JEIC) et Jeunes Entreprises d'Innovation et de Rupture (JEIC), capables de labelliser environ 2.000 startups par an avec, à la clé, des aides pour lever des fonds, embaucher, gérer sa trésorerie et accéder à la commande publique. Autre pistes évoquées : réformer le fléchage de l'épargne, et orienter une partie des superprofits des grands groupes vers le corporate venture.
Sylvain Rolland
Paul Midy, député Renaissance de l'Essonne.
Paul Midy, député Renaissance de l'Essonne. (Crédits : DR)

Comment débloquer le financement des startups françaises, rendu beaucoup plus difficile depuis six mois dans un contexte de crise de la tech ? Missionné par le gouvernement en janvier pour trouver de nouvelles solutions, le député Paul Midy (Renaissance) a présenté la première version de sa copie, mercredi 19 avril. Fruit de l'audition de 275 experts de la tech et d'une consultation publique sur Internet qui a engrangé plus de 1.200 contributions, ces « pistes de mesures à mi-parcours » permettraient de débloquer, d'après les calculs du député, 3 milliards d'euros par an de financements supplémentaires, et de créer près de 200.000 emplois d'ici à 2027.

Si ces estimations sont à prendre avec de grosses pincettes -car une partie de ces 3 milliards est en fait un manque à gagner en recettes fiscales pour l'Etat-, l'élu de l'Essonne, dont la circonscription intègre le hub d'innovation de Paris-Saclay- s'est penché en particulier sur le financement d'amorçage des startups. « Il y a du ménage à faire dans nos mécanismes fiscaux et dans nos aides financières aux entreprises, pour mieux soutenir les startups et les TPE/PME innovantes au début de leur vie », estime Paul Midy.

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Réforme du dispositif Jeune Entreprise Innovante sur le modèle britannique

Et puisque c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures confitures, Paul Midy s'est inspiré de ce qui marche ailleurs pour trouver de nouveaux leviers de financement.

« Il existe depuis 30 ans un dispositif fiscal au Royaume-Uni qui s'appelle SEIS/EIS [Seed Enterprise Investment Scheme ou Programme d'investissement dans les entreprises d'amorçage, Ndlr], que tout l'écosystème tech connaît et utilise. C'est une bannière commune qui regroupe plusieurs dispositifs fiscaux et que la Commission européenne a reconnu comme le dispositif de soutien aux PME innovantes le plus efficace », décline-t-il.

Pour créer la version française du SEIS, Paul Midy s'attaque au dispositif Jeune Entreprise Innovante ou Universitaire (JEI-JEU). Créé en 2004, ce statut décerné par l'administration a permis à plus de 4.500 entreprises de moins de 8 ans, qui investissent au moins 15% de leurs charges dans la recherche et développement (R&D), de bénéficier de plus de 800 millions d'euros d'exonérations de charges fiscales, d'après un rapport de Bercy datant de 2020. Mais même si beaucoup d'entrepreneurs le considèrent comme un outil précieux lors des premières années, l'efficacité de ce dispositif, ainsi que sa faible portée, ont été critiqués par un rapport de l'Insee en 2021.

Pour Paul Midy, la nécessaire réforme du JEI passe par le futur projet de loi de Finances 2024. L'objectif : unifier, simplifier et amplifier le dispositif. Exit le JEI-JEU, place à deux nouveaux labels : le JEIC -pour Jeune Entreprise d'Innovation et de Croissance- et le JEIR -pour Jeune Entreprise d'Innovation et de Rupture, une catégorie spéciale pour les deeptech qui étend les droits accordés aux JEIC.

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Déductions fiscales entre 30% et 50% pour les particuliers et business angels

L'obtention de ce statut, qui pourrait être décerné par la Direction Générale des Entreprises (DGE), donnerait accès à des aides pour répondre aux quatre grandes problématiques des entrepreneurs : lever de l'argent, embaucher, gérer la trésorerie et accéder à la commande publique.

Sur le volet financement, une déduction fiscale de 30% pour les JEIC et 50% pour les JEIR, serait accordée aux particuliers et aux business angels. « La France manque cruellement de "business angels" par rapport au Royaume-Uni. C'est notamment parce que les 5.000 milliards d'euros d'épargne privée disponibles sont orientés vers la dette d'Etat et les secteurs les moins productifs, et surtout pas pour aider l'innovation. Or, ces "business angels" sont cruciaux pour apporter des fonds aux startups pour les aider à créer des emplois et à transformer notre tissu économique », tonne-t-il, en promettant que sa réforme permettra de développer un écosystème dynamique de business angels en France.

Pour les particuliers, le premier millier d'euros investi dans une JEIC donnerait droit à une déduction fiscale de 50 % sur l'impôt sur le revenu (IR). Autre idée : modifier l'article 150-0 B ter du Code général des impôts, pour orienter le fruit des « cash out » (rachat d'actions) vers les JEIC et JEIR plutôt que vers l'immobilier.

Pour aider les JEIC et JEIR à embaucher, Paul Midy propose d'amplifier les conditions actuelles du JEI. Les entrepreneurs bénéficieraient ainsi d'exonérations de charges patronales pendant 8 ans pour les JEIC et 12 ans pour les JEIR. Pour la gestion de la trésorerie, le député propose de généraliser aux JEIC et JEIR le Crédit Impôt Recherche à la source, et d'en avancer le paiement d'un an sur la base d'estimations. Enfin, les JEIC et JEIR seraient automatiquement éligibles aux dispositifs d'aide d'accès à la commande publique, les fameux « achats innovants » qui permettent aux services de l'Etat d'acheter jusqu'à 120.000 euros sans appel d'offres auprès d'entreprises innovantes.

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Mieux flécher l'épargne et mobiliser les grands groupes privés et institutionnels

D'après Paul Midy, 1 milliard d'euros de plus pourraient être fléchés tous les ans vers les startups grâce au JEIC et au JEIR. Mais le député a trouvé deux autres milliards d'euros par an via d'autres moyens.

Serpent de mer de l'écosystème depuis le lancement de France Digitale en 2022, le premier d'entre eux serait de réformer le fléchage de l'épargne des Français vers les PME innovantes. « Flécher 5% de l'assurance-vie et 10% de l'assurance-retraite vers le capital-investissement permettrait de dégager 850 millions d'euros pour les startups et PME innovantes », affirme l'élu en citant la nécessité de mieux sécuriser cet investissement pour les bancassureurs.

Enfin, le dernier levier d'action, qui pourrait également générer 1 milliard d'euros par an, serait d'inciter les grandes entreprises comme Total ou LVMH, d'investir une partie de leur superprofits dans leurs fonds de corporate venture (CVC), notamment pour financer les innovations de la transition écologique.

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Qu'en restera-t-il à l'arrivée ?

Reste désormais le plus difficile pour Paul Midy : imposer la réforme du JEIC / JEIR dans le projet de loi de Finances 2024, et celle du fléchage de l'épargne via le projet de loi Industrie verte et d'autres textes économiques.

« Bon courage à lui, si c'était aussi simple ce serait déjà fait », ricane un bon connaisseur du secteur. « Il y a des choses qui paraissent possibles, comme par exemple repatouiller le label JEI. Mais sur le fléchage de l'assurance-vie, les superprofits et étendre encore les cadeaux fiscaux aux entreprises, qui sont des sujets très politiques où il faudra aller contre des lobbys très puissants, il va lui falloir bien du courage pour gagner ces arbitrages, d'autant plus dans un contexte de resserrement budgétaire », poursuit-il.

Un premier verdict sera connu début juillet, quand Paul Midy présentera la version finale de ses recommandations.

Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 21/04/2023 à 17:04
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Le gars de "renaissance" me fait penser à Jonathan Aris dans le film "Vivarium".

à écrit le 20/04/2023 à 14:52
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« Flécher 5% de l'assurance-vie et 10% de l'assurance-retraite vers le capital-investissement permettrait de dégager 850 millions d'euros pour les startups et PME innovantes » C'est juste incroyable que ce ne soit pas encore fait. Ce pays a vocatio...

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