Il faut baisser les charges sur le travail très qualifié

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, il faut baisser les charges sur le travail très qualifié

Le gouvernement réfléchit à une extension de la baisse des charges à trois fois le SMIC, pour renforcer la compétitivité et l'attractivité des secteurs les plus exposés à la concurrence. Pour un grand nombre d'économistes, c'est une hérésie car seules les baisses de charge au voisinage du SMIC seraient efficaces.

Leurs arguments sont les suivants :

  • Le chômage se cristallise en France sur les faibles qualifications rémunérées à proximité du SMIC.
  • A ce niveau de qualification, le faible pouvoir de négociation des salariés et la concurrence intense entre candidats fait que la baisse de charges se transforme bien en baisse de coût, et non pas en hausse de salaires.
  • Au-delà, ce sont les entreprises qui sont en position de faiblesse. Face à la rareté des compétences, elles peinent à recruter et les baisses de charges se transforment en hausses de salaire pour attirer les talents. Résultat, il n'y a pas d'effet sur l'emploi et le chômage.

Le problème français n'est pas centré sur le travail peu qualifié

Tout ceci est logique, mais pas nécessairement vrai : la France n'a pas de déficit de travail peu qualifié au regard des autres pays développés. Ce n'est pas sur cette catégorie d'emplois que se crée l'écart avec nos concurrents. Et d'ailleurs, l'OCDE met aujourd'hui en alerte sur l'impact délétère de la dégradation de la qualité de l'emploi sur la productivité, dans un pays comme le Royaume-Uni notamment.

La France peine plutôt aujourd'hui à atteindre la masse critique sur les secteurs qui produisent de la valeur exportable ou à forte externalité sur tout le reste de l'économie (services aux entreprises, santé, éducation par exemple). Ces secteurs sont précisément ceux qui entrainent le reste de l'économie et permettent d'accéder au plein emploi par effet indirect.

La France a certes développé le B-to-B de pointe en amont et en aval de l'industrie, mais encore insuffisamment pour compenser les pertes dans le secteur manufacturier et rééquilibrer sa balance des paiements. Elle s'est encore repositionnée insuffisamment sur les secteurs porteurs (numérique, bio, nano, santé, nouvelles mobilités...) pour bénéficier pleinement  de la demande au plan mondial.

Attractivité et pression concurrentielle sont les oubliées de l'analyse

Si l'on part de ce diagnostic, étendre la baisse des charges aux plus hauts salaires peut être pertinent. Et vouloir cantonner l'État au rôle de facilitateur du grand déversement sur les jobs précaires de basse qualité s'avère au contraire une erreur stratégique lourde.

D'autant plus lourde que réduire la politique de baisse des charges au niveau des salariés les plus qualifiés à une pure aubaine captée par le salarié, sans effet sur l'emploi, est très réducteur :

  • Ce type de raisonnement ne prend en compte que la concurrence sur le marché du travail, et non pas sur celle des biens et des services. Si un salarié appartient à un secteur sous forte pression concurrentielle, il est peu probable que l'entreprise répercutera la baisse des charges en hausse de salaire. Elle l'exploitera pour compresser ses coûts et améliorer sa part de marché.
  • Il ne prend pas non plus en compte l'enjeu de l'attractivité dans un contexte de mobilité des plus qualifiés ou du capital. Le coût du travail qualifié n'est pas neutre sur les choix d'implantation des firmes, et, inversement, de trop faibles salaires induisent une fuite de cerveaux préjudiciables à la compétitivité et à la croissance d'une économie.

Travail trop cher, salaires trop bas : voilà pourquoi la baisse des charges est une bonne idée

Or, si on compare le niveau de coût horaire du travail en France dans les secteurs à forte intensité en travail qualifié (finance, services spécialisés aux entreprises, secteur de la communication, grands services de distribution d'énergie) à celui de ses principaux partenaires, on constate que la France surplombe systématiquement ses deux principaux concurrents : l'Allemagne et de Royaume-Uni.

La France est ainsi dans cette position inconfortable : un coût du travail relativement élevé dans les services exposés à la concurrence, qui nuit potentiellement à sa compétitivité, et un salaire net après impôt assez peu attractif. Voilà pourquoi étendre la baisse des charges n'est pas l'hérésie que prétendent beaucoup d'économistes.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaires 8
à écrit le 06/12/2017 à 7:37
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Il faut raisonner "à niveau constant", ce que les Français sont incapables de faire. Pourquoi?

à écrit le 04/12/2017 à 7:43
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Le point essentiel est effectivement le cout du travail trop élevé en France. Il faut appliquer la note n°6 du CAE. C'est urgent, très urgent.

à écrit le 02/12/2017 à 15:57
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vous avez enlevez ma position donc je redit non???

à écrit le 01/12/2017 à 15:15
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Surtout pour les PME afin qu'elles arrêtent de se faire piller leur main d’œuvre qualifiée par les gros groupes en mal cruel de dynamisme et de renouveau.

à écrit le 01/12/2017 à 13:08
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les pays etrangers nous envie nos bujet sociaux qui permes a beaucoup de se tenir en forme pour pouvoir ensuite mieux travaille .les patrons intelligent le reconnaissent, les francais apres la guerre ont decide que patronat et ouvrier devais particip...

à écrit le 01/12/2017 à 11:44
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noter aussi que d'après l'OCDE, l'émigration des "très qualifiés" est plus élevée/bien plus élevée en Suisse, Luxembourg, UK, Autriche, Allemagne, Nouvelle-Zélande, Danemark, Finlande, Pays-Bas ou Suède qu'en France (Connecting with Emigrants 2015, O...

à écrit le 01/12/2017 à 10:09
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la France n'a pas de déficit de travail peu qualifié : la part du travail bas salaire en France est de 8,5% contre plus de 20% en UK, USA, Allemagne, Canada, Irlande ou Corée Sud (Eurostat, OCDE). autour de 15% en Australie/NZ.

à écrit le 01/12/2017 à 9:51
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cf. étude du Pew Research Center d'avril dernier "Middle class fortunes in Western Europe". la France a une part de ménages à revenus élevés supérieure à Danemark, Pays-Bas ou Finlande, des pays qui sont censés être plus dynamiques/innovants que nous...

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