L'autre "grand remplacement" qui guette la France insoumise

OPINION. La montée en puissance de la numérisation des activités économiques va modifier en profondeur la sociologie des salariés, notamment des ouvriers, en les transformant demain en créateurs de données qu'ils convertiront en capital. Une évolution qui rend inéluctable le déclin de l'idéologie défendue par la France insoumise. Par Badr Boussabat (*), entrepreneur et président de AI TOGETHER.
Jean-Luc Mélenchon lors d'un meeting à Montpellier, le 13 février. Le leader de la France insoumise est candidat à l'élection présidentielle.
Jean-Luc Mélenchon lors d'un meeting à Montpellier, le 13 février. Le leader de la France insoumise est candidat à l'élection présidentielle. (Crédits : Reuters)

Depuis plusieurs années, la France insoumise connait une envolée électorale qui lui offre un rôle d'opposant majeur. Un rôle sublimé par ses orateurs, comme Jean-Luc Mélenchon, qui fustigent les majorités qui se succèdent. Cependant, l'essentiel de ce parti est destiné à s'effondrer dans les dix années à venir et ce, pour des raisons structurelles qui dépassent son combat. Loin de ses intentions louables, le parti est construit sur un socle idéologique qui s'effrite au fur et à mesure que l'ère numérique se généralise. Plusieurs dynamiques appuient ce constat.

Révolution des relations sociales

D'abord, la France insoumise s'articule autour d'une idéologie marxiste qui fonde son combat sur un conflit immuable entre le marchand de capital et l'ouvrier. Ce conflit a longtemps alimenté le combat politique des insoumis et des communistes jusqu'aujourd'hui. Toutefois, ce conflit va se dissiper pour prendre une autre forme. En effet, le métavers, l'intelligence artificielle, les cryptomonnaies et la blockchain vont révolutionner les relations sociales et donc l'infrastructure, au sens marxien du terme. A titre d'illustration, l'intelligence artificielle est en train d'automatiser une grande partie des tâches pénibles et répétitives dans les usines. Actuellement, le taux moyen d'automatisation est autour de 50%. Dans moins de 10 ans, ce pourcentage atteindra sans doute les 90%. Par conséquent, il y aura une mutation très significative du métier d'ouvrier dont la responsabilité sera davantage managériale. Cette transformation du métier, par conséquent désaliénante, demandera d'autres aptitudes et, in fine, causera une tendance haussière de la rémunération. Autrement dit, la nature du métier que la France insoumise défend bec et ongles n'existera plus.

Ensuite, le contexte des métavers et de l'IA, qui caractérisent l'ère numérique dans laquelle le monde est en train d'être plongé, va octroyer à toutes et tous la possibilité de créer de la donnée. Cette dernière est en train de devenir le nouveau capital. Contrairement à la monnaie, les données sont créées de manière libre, infinie, sans effort et sans risque. Par conséquent, en période de crise comme de croissance, tous les individus auront à disposition un capital de données garanti les protégeant d'un contexte de licenciements économiques. Cette transformation sociétale constitue une dissonance avec le projet politique des insoumis et des mélenchonistes qui s'inscrit encore dans un registre industrielo-monétaire. En outre, il n'est pas pertinent de défendre les ouvriers en revendiquant plus de taxes, lorsque la base même du dispositif d'imposition des insoumis se base sur un système monétaire qui disparaitra à cause de sa finitude. Alors que la production de données est infinie. Donc, la numérisation quasi-complète de la société dans les 5-10 années à venir mènera le combat des insoumis dans une impasse idéologique fatale.

Propriétaire des facteurs de production

De surcroit, si nous postulons que tous les individus sont capables de produire un capital de données, la distinction entre le producteur et le consommateur/ouvrier sera de moins en moins importante, jusqu'à disparaitre. Effectivement, l'ouvrier sera également un marchand de données qu'il investira dans les projets de son choix. En effet, les entreprises numériques ont besoin de données pour alimenter leurs intelligences artificielles et développer la qualité de leurs offres.

En outre, l'ouvrier sera propriétaire des données et donc des facteurs de productions. Contrairement au modèle industriel où le grand patron avait le contrôle intégral de l'économie productive. Dans ce cas de figure, l'ère numérique redistribue les rôles de producteur et de consommateur pour créer des dynamiques nouvelles. Ces dernières vont progressivement effacer le conflit archaïque qui existe entre le marchand de capital monétaire traditionnel et l'ouvrier. Et indirectement, elles précipiteront la pensée marxiste, pilier idéologique des insoumis, dans les abysses de l'histoire de la pensée.

Intégrer les subtilités de l'économie numérique

Enfin, cet itinéraire numérique, qui offre de nouvelles opportunités, ne résoudra pas complètement les problèmes socio-économiques. Il sera nécessaire de défendre la situation des moins nantis, même dans un système économique où la donnée est créée plus aisément que la monnaie. Pour y parvenir, les partis de gauche, comme les insoumis ou EELV, devront davantage intégrer les subtilités de l'économie numérique. Ils devront aussi sortir du paradigme de lutte des classes représentatif d'une révolution industrielle déjà lointaine. Deux choix s'offrent à eux. Soit ils se métamorphosent avant 2027, soit ils disparaitront.

________

(*) Auteur de "L'intelligence artificielle dans le monde d'aujourd'hui", (éd. Editions Luc Pire)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 14
à écrit le 19/02/2022 à 11:52
Signaler
Dans votre fabuleuse "ère numérique", est-ce que 26 milliardaires possèderont toujours autant d'argent que 3,8 milliards d'habitants de la terre comme aujourd'hui ? Oui, à n'en pas douter. A quoi sert le numérique sinon à se faire encore plus d'argen...

à écrit le 15/02/2022 à 17:51
Signaler
" Par conséquent, il y aura une mutation très significative du métier d'ouvrier dont la responsabilité sera davantage managériale. " Ils vont manager quoi, les 90% de robots ?

à écrit le 15/02/2022 à 17:33
Signaler
c est le meme genre de personnes qui expliquait il y a 20 ans qu on doit laisser aller les usines en chine et que les francais allaient se concentrer sur la partie noble la conception et capter la valeur ajoutee. Penser que l IA va remplacer les ouvr...

à écrit le 15/02/2022 à 17:32
Signaler
Pourquoi perdre son temps à faire de la rhétorique et de la philo de comptoir ? : le vieux débat capitalisme contre socialisme a été totalement ringardisé par les Chinois, qui font très bien du bon capitalisme avec un régime communiste. C'est un fai...

à écrit le 15/02/2022 à 17:27
Signaler
On a vécu pendant des siècles sans "le numérique" qui n'est qu'une innovation mais pas un progrès! Elle s'éteindra quand on évitera de créer des données inutiles! Notre avenir, si l'on veut encore un avenir, imposera notre sorti d'une "politique de l...

à écrit le 15/02/2022 à 17:05
Signaler
Je crois que cet auteur se trompe. Les données ne remplaceront pas le pain. Et tout n'est pas automatisable. Sans compter que j'ai du mal à imaginer la mère Michu produire des données suffisamment rentable pour être vendues à l'autre bout du monde à ...

à écrit le 15/02/2022 à 16:36
Signaler
Mais quelle bouillie intellectuelle ! N'importe quoi ! La répartition des revenus entre le capital et le travail restera un problème essentiel de nos sociétés dans les décennies à venir. Je doute que la France Insoumise soit la meilleure solution au ...

à écrit le 15/02/2022 à 15:47
Signaler
On peine à distinguer la moindre logique dans ce charabia. Les données, c'est bien gentil mais ça ne se mange pas, ça ne permet pas de chauffer votre logement, de recharger votre téléphone ou de faire avancer votre voiture. On ne fera pas pousser du ...

à écrit le 15/02/2022 à 15:23
Signaler
Si tous le monde se met à produire des données, qui produira pour nourrir, loger, éduquer, soigner et divertir les 12 milliards d'humains qui peupleront la planète en 2060 ? Revenons un peu sur terre. Le monde produit pour des marchés à l'export s...

à écrit le 15/02/2022 à 14:53
Signaler
Pouvez vous me dire qui a t'on vu indispensable lors des confinements successifs il y a peu ? Quelle était la classe sociale indispensable ? Les premiers de corvées ou de cordées ? La pandémie a démontrée de façon magistrale ou se situait le dispensa...

à écrit le 15/02/2022 à 12:50
Signaler
Notre contributeur va très fort dans des assertions plus que douteuses : Le travail managérial du salarié serait par essence désaliénant? Manifestement ce monsieur passe quelques heures par jours devant son PC à organiser le travail (des autres ou d...

à écrit le 15/02/2022 à 11:00
Signaler
Je partage globalement les constats et les analyses de cet article, mais je crois qu'il faudrait relativiser certains propos comme celui-ci: "...la base même du dispositif d'imposition des insoumis se base sur un système monétaire qui disparaitra...

à écrit le 15/02/2022 à 9:53
Signaler
merluche un marxiste de salon qui emarge a 10kE/mois.

à écrit le 15/02/2022 à 9:49
Signaler
D'une part vous pouvez remercier Mélenchon quand même qui arrive à contenir ce parti autour de 10% tandis qu'en effet il devrait valoir bien plus et d'autre part vous fantasmez beaucoup si vous pensez que les propriétaires de capitaux et d’outils de ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.