La guerre des droites dans la Macronie en vue de 2020

POLITISCOPE. Pour 2020, le président garde dans son viseur les municipales. Pour remplacer Édouard Philippe à Matignon, Emmanuel Macron, dont la base électorale s'est profondément transformée, pourrait piocher de nouveau à droite en proposant le poste à Gérard Larcher, le président du Sénat.
Marc Endeweld
Emmanuel Macron a toujours su cajoler sa droite… Ici, en compagnie du haut-commissaire aux retraites démissionnaire et ancien ténor de la chiraquie, Jean-Paul Delevoye, en octobre dernier à Rodez.
Emmanuel Macron a toujours su cajoler sa droite… Ici, en compagnie du haut-commissaire aux retraites démissionnaire et ancien ténor de la chiraquie, Jean-Paul Delevoye, en octobre dernier à Rodez. (Crédits : PATRICK BATARD-POOL/SIPA)

Comme un air de déjà-vu. En plein conflit sur les retraites, la guerre des droites est de retour. Cette fois-ci, l'affrontement se déroule en plein cœur de la Macronie. Peu de commentateurs l'ont relevé, mais, à l'origine, le démissionnaire Jean-Paul Delevoye est  un très proche de Brigitte Macron. Ancien député-maire dans le Pas-de-Calais, il fut, plus jeune, élève au lycée de la Providence à Amiens, où celle-ci a enseigné quelques années plus tard. L'ancien chiraquien est aussi « très apprécié » du président, selon un initié. À droite, il fut l'un des premiers à le rallier dès 2016. Sa démission devenue inéluctable du fait de ses « oublis » auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) est donc un coup dur pour l'Élysée.

« C'est bien une tentative de la vieille droite de reprendre la main », constate un ancien de l'UMP passé à la Macronie.

Lire aussi : Réforme des retraites : Delevoye remplacé par un novice en politique

Delevoye et Philippe : des relations difficiles

La vieille droite, ou plutôt Édouard Philippe et quelques-uns de ses alliés, comme Gérald Darmanin : depuis le mouvement des « gilets jaunes », l'ancien maire du Havre se sait sur la sellette. À chaque épreuve, l'opération « bouc émissaire » est enclenchée par l'Élysée, mais jusqu'à présent Emmanuel Macron apparaissait trop présent sur le terrain médiatique pour aller jusqu'au bout de cette tactique. Sur le dossier des retraites, le Premier ministre s'est retrouvé en première ligne, ce qui permettrait au président d'utiliser enfin cette carte. Un classique de la Ve République où les locataires de Matignon ont souvent servi de fusible.

C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre les relations difficiles entre Jean-Paul Delevoye et Édouard Philippe - on se souvient de leur désaccord sur la « clause du grand-père ». Au-delà des polémiques, le Premier ministre et son entourage craignaient que Delevoye, ayant les faveurs du couple présidentiel, puisse devenir un recours sérieux pour Matignon. « C'est drôle de considérer le conseiller officieux d'Édouard Philippe, Thierry Solère, disserter sur la probité d'un Jean-Paul Delevoye... et prodiguer ses conseils en la matière », ironise un militant d'En Marche. En effet, Thierry Solère, même s'il n'apparaît sur aucun organigramme, est devenu l'agent de liaison du chef du gouvernement au sein de la majorité... alors qu'il est mis en examen pour sept chefs d'infraction, dont fraude fiscale, détournement de fonds publics par dépositaire de l'autorité publique, trafic d'influence...

Macron rassemble l'électorat traditionnel de la droite

Delevoye n'est pourtant pas le seul ennemi de Philippe dans la Macronie. À l'Élysée, le conseiller spécial Philippe Grangeon ne cesse de pester contre les « technos » du gouvernement, coupables à ses yeux de mener le président droit dans le mur. Cet ancien de la CFDT de Nicole Notat est le gardien du temps du « en même temps ». Dans son esprit, il est nécessaire de ne pas oublier que le macronisme est « de droite et de gauche », et que, en 2017, une bonne partie des sympathisants socialistes a voté pour Emmanuel Macron... Une analyse partagée par l'entourage de Jean-Yves Le Drian, actuel ministre des Affaires étrangères, qui mène campagne pour que leur champion remplace Édouard Philippe à Matignon... même si Le Drian ne semble pas très enthousiaste. Interrogé sur France Inter, le Breton a lâché à ce sujet : « Ne me parlez pas de malheur ! »

Car depuis les élections européennes, la situation politique pour Emmanuel Macron a changé. En deux ans à peine, sa base électorale s'est profondément transformée. Le président rassemble désormais autour de lui l'électorat traditionnel de la droite, cette bourgeoisie qui avait voté pour François Fillon en 2017. C'est la raison pour laquelle, alors que les sociaux libéraux de la majorité ont appelé de leurs vœux à un « acte II » du quinquennat, plus social, Emmanuel Macron a préféré rester droit dans ses bottes.

Objectif municipales

Pour 2020, le président garde dans son viseur les municipales. « Comme toujours, il décide au dernier moment, seul dans sa tête », s'exaspère l'un de ses soutiens. Pour remplacer Édouard Philippe à Matignon, Emmanuel Macron pourrait piocher de nouveau à droite en proposant le poste à Gérard Larcher, le président du Sénat : « En 2018, Larcher avait passé un accord avec Macron pour être son Premier ministre, en échange de son intervention dans l'affaire Benalla : il devait éviter que le Sénat transmette au parquet les conclusions de la commission d'enquête », croit savoir un pilier LR.

À l'époque, cette stratégie avait échoué. Mais, aujourd'hui, l'alliance de Gérard Larcher avec l'Élysée connaît une nouvelle actualité avec les municipales, comme l'analyse cette même source : « L'ancien maire de Rambouillet est chargé d'obtenir la protection des élus LR devenus En Marche et d'implanter un maximum de candidats LREM sur les listes LR, pour saboter le parti LR. » On n'en a pas fini avec la guerre des droites...

Marc Endeweld

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 9
à écrit le 30/01/2020 à 17:27
Signaler
Mais que signifient ces magouilles, car il n' a pas d'autre terme pour qualifier ces tractations de bas étage entre les copains de madame et ceux de monsieur? C'est décevant !

à écrit le 22/12/2019 à 9:00
Signaler
Larcher est le meilleur de toujours au Sénat. Blanquer serait le meilleur à Matignon

à écrit le 20/12/2019 à 13:08
Signaler
On nous parle de la destitution de Trump, mais Macron a fait bien plus grave et mérite amplement d'être destitué! Mais comme l'Amérique dites "profonde" et le clan macroniste sont du même bord nous n'avons aucune chance de voir une amélioration!

à écrit le 20/12/2019 à 12:02
Signaler
Pôvre Micron ! Il ne sait plus où donner de la tête pour essayer de la sauver ! Il est pris dans la nasse et se débat inutilement. Le mieux est qu'il fiche le camp et le plus tôt sera préférable pour la France et les Français qui n'en peuvent plus ma...

à écrit le 20/12/2019 à 10:01
Signaler
si macron espere se relancer en nommant premier ministre le president du senat ... pouquoi pas aller chercher gaudin ou tiberi voire giscard pendant qu on y est

à écrit le 20/12/2019 à 9:25
Signaler
Politiciens trop faibles pour gouverner n'ayant plus que de minables ambitions. Le déclin c'est encore plus long vers la fin.

à écrit le 20/12/2019 à 7:53
Signaler
La vielle droite immigrationniste est finie. Les gens n'en veulent tout simplement plus.

le 20/12/2019 à 11:58
Signaler
La grande majorité des Français ne veulent plus de ce que l'on appelle encore abusivement "la droite" et "la gauche". En 2017, il pensaient que c'était ce que Micron leur proposait. En fait, il leur proposait de rendre tangible le fait UMPS en lui at...

le 20/12/2019 à 11:59
Signaler
La grande majorité des Français ne veulent plus de ce que l'on appelle encore abusivement "la droite" et "la gauche". En 2017, il pensaient que c'était ce que Micron leur proposait. En fait, il leur proposait de rendre tangible le fait UMPS en lui at...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.