La rebuffade de la Banque centrale européenne

CHRONIQUE. Cela aurait pu être un rendez - vous sans histoire avec les marchés. Juste une hausse des taux comme attendu, sans tambour ni trompette afin de ne pas gâcher les fêtes. Mais la Banque centrale européenne a décidé de fâcher les marchés. Par Karl Eychenne, chercheur chez Oblomov et Bartleby.
(Crédits : KAI PFAFFENBACH)

Rebuffade : refus hargneux, méprisant (Petit Robert)

Jeudi 15 décembre, la Banque centrale européenne (BCE) s'est donc rebuffée : « les hostilités ne sont pas terminées. Oui les taux montent, et je vous annonce qu'ils monteront bien plus encore ! ».... Bon, ce n'est pas tout à fait le message qui fut livré, mais c'est exactement ce qu'ont entendu les marchés.

Quelle mouche a donc piqué la BCE ? La feuille de route avait pourtant bien été adressée à chacune des parties, tout le monde connaissait son rôle par cœur. La BCE devait poursuivre tranquillement son programme de hausse des taux, jusqu'à 3 % par exemple durant l'année 2023, un niveau qui semblait tacitement partagé par les marchés et les autorités.

D'ailleurs, le retour des investisseurs sur les marchés d'actions et d'obligations depuis début octobre capitalisait sur un tel scénario. Cette intime conviction que l'horizon était désormais bien dégagé, et le calendrier des prochaines hausses de taux bien calibré. Et bien non. La réaction des marchés à l'annonce de la BCE est sans équivoque. Les taux à 10 ans allemands remontent de près de 30 points de base, et les marchés d'actions perdent -4%. Et puisqu'un malheur n'arrive jamais seul, une salve de chiffres américains particulièrement mauvais entretint la correction des actions.

Pourquoi une telle rebuffade de la part de la BCE ? Officiellement, son communiqué évoque des révisions significativement haussières sur l'inflation pour 2023 et baissière sur la croissance. En coulisses, on susurre des divergences parmi les membres, une minorité souhaitant des hausses de taux plus nombreuses et plus fortes dès maintenant. Enfin, il y a les thèses plus improbables, comme celle d'une BCE souhaitant se pousser du col, pour montrer à la Fed qu'elle aussi peut faire bouger les marchés.

Qu'importe. Le problème n'est pas la cause de la rebuffade, mais les conséquences qu'elle pourrait avoir. Et si la BCE faisait la hausse de taux de trop ?

Gare à la hausse de trop

Les règles du jeu sont simples : empilez les blocs les uns sur les autres, sans faire tomber la tour... Depuis le début de l'année, les Banques Centrales se livrent à cet exercice récréatif, empiler les hausses de taux sans provoquer l'effondrement de l'économie et des marchés.

Jusqu'à présent, l'édifice ne s'est pas écroulé. Mais on ne peut pas dire que l'équilibre respire la sérénité. La confiance est branlante. Les indicateurs avancés se retrouvent sous la ligne de flottaison, symptôme d'une récession en direct. La confiance des consommateurs est abrutie par la chute de son pouvoir d'achat pour cause d'inflation galopante. En vérité, les ménages, les entreprises, les marchés sont à fleur de peau. Les Banques Centrales ne peuvent pas l'ignorer, et ne l'ignorent pas.

Mais, la sortie de la BCE sème le doute. Attention à ne pas tomber dans le piège du paradoxe de sorite monétaire :

  • une hausse des taux directeurs isolée ne fait pas une crise
  • l'ajout d'une hausse des taux directeurs ne fait pas d'une non - crise une crise
  • on en déduit que l'on ne peut pas provoquer de crise par l'accumulation de hausses des taux

Tout à fait possible que nos Banquiers Centraux tombent dans le piège. Ne nous ont-ils pas démontré déjà qu'ils étaient de piètres logiciens avec la monnaie - dette qui ne s'use pas si l'on s'en sert ?

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Commentaires 3
à écrit le 19/12/2022 à 19:25
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Comme elle est amusante cette analyse alors que nous savons très bien que pour "tuer" l'inflation galopante, il faudrait un taux directeur de 15 points de base au dessus du taux de l'inflation galopante . Vous voyez bien que la BCE et la Fed ont enco...

à écrit le 19/12/2022 à 14:43
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On pourrait tout aussi bien défendre l'idée que l'écoresponsabilité est u masque pour une pensée néo-marxiste qui voudrait à nouveau pouvoir imposer une "transformation profonde de nos habitudes", comme dans l'URSS de 1917, cette fois en se saisissan...

à écrit le 19/12/2022 à 9:37
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Réaction normale de la BCE, on l'a empêchée de monter ses taux pendant de longs mois, maintenant, il y a un rattrapage

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