Le portage salarial enfin encadré et sécurisé

Désormais encadré, le portage salarial doit devenir un levier de croissance et d'emplois pour tous. Mais la règlementation pourrait être encore améliorée. Par Guillaume Cairou, président de la Fédération européenne du portage salarial (FEPS) et PDG de Didaxis

Soyons clair et surtout soyons reconnaissant. L'ordonnance ministérielle relative au portage salarial du 2 avril 2015 et publiée au Journal Officiel dès le lendemain est un soulagement pour le secteur. Enfin, un texte définit légalement et sécurise les liens d'une alliance entre un « porté » qui réalise des prestations auprès de clients qu'il prospecte lui-même, un « client » et une « entreprise de portage salarial » qui réalise l'embauche du « porté » pour les prestations effectuées auprès du client et gère l'ensemble du cycle administratif.

Il était urgent d'extirper le régime de ses troubles juridiques et ce depuis 2008, date à laquelle la Loi de modernisation du marché du travail avait introduit cette notion dans le Code du Travail et reconnu ainsi son utilité. Un accord de branches conclu en 2010 par tous les partenaires sociaux, hormis le syndicat FO, a permis de conforter le statut du portage mais c'était sans compter son invalidation par le Conseil Constitutionnel en avril 2014 qui exigeait alors un texte de loi.

Un retard français

Des errances du passé, faute de stabilité législative et d'incertitudes trop fortes sur l'avenir du statut, la France accuse un retard considérable : si le secteur affiche une croissance moyenne annuelle de 35 % et si le portage a bénéficié à 200 000 français depuis 15 ans, on compte seulement 48 000 salariés portés contre 6 millions en Europe. Pour autant, l'ordonnance, si elle répond aux exigences du Conseil Constitutionnel a les mêmes attributs que de la loi Macron. L'intention est bonne, mais elle reste insuffisamment ambitieuse dans son application pour créer un électrochoc en capacité de réanimer un marché français de l'emploi moribond.

Pas seulement pour les cadres!

Des pistes d'amélioration de cette ordonnance pour faire du portage salarial un important pourvoyeur d'emplois existent pour ne pas en limiter la portée.

1. Ne pas restreindre le portage salarial à un statut pour cadres, ce qui est induit par la rémunération minimale. Ces derniers représentent seulement près de la moitié (46%) des bénéficiaires du statut. Le portage salarial doit pouvoir profiter à tous, comme le statut de l'auto-entrepreneur, car 29 % des portés parviennent à créer leur entreprise au delà de 24 mois d'activité.

2. Supprimer le montant de la rémunération minimale de 2.380 euros mensuels bruts pour un plein temps (75 % du plafond de la sécurité sociale). Comme le législateur ne peut décider du coût d'un produit vendu par une entreprise, il n'a pas à fixer le coût d'une prestation réalisée par un salarié autonome. De manière plus pragmatique, ce montant ne correspond en rien aux réalités du marché de l'emploi. Les 25 000 portés non cadre ont un salaire brut moyen de 2 100 euros alors même que ce niveau de rémunération est supérieur à ce que toucherait un employé. Aussi, il est en inadéquation avec les grilles sectorielles. 750 secteurs d'activités (technicien du bâtiment, traducteur interprète, coiffeur à domicile, agent commercial, ingénieur, informaticien, surveillant gardiennage...) recourent au portage salarial et ce niveau de rémunération en exclurait beaucoup d'entre eux. Enfin, il est en inadéquation avec les grilles territoriales de salaires. Si ce montant minimum est viable en Ile-de-France, il n'est plus compétitif en province.

3. Ne pas exclure de ce régime les services à la personne. Le portage est l'un des seuls dispositifs vertueux créateur d'emplois et de lutte contre le travail au noir, participant aussi à renflouer les finances publiques.

Notre industrie est tertiarisée. Les outils de l'emploi doivent s'adapter plus vite aux évolutions et aux nouvelles relations entre donneurs d'ordres et prestataires, entre employeurs et salariés. Ces pistes tendent vers plus de simplification et de flexibilité comme demandé par les entreprises alors même que la problématique d'embauche dans les TPE et les PME est prégnante. Manuel Valls a annoncé vouloir en faire sa nouvelle priorité ; alors il trouvera dans le portage salarial une solution simple et efficace.


Guillaume Cairou
Président de la Fédération européenne du portage salarial (FEPS) et PDG de Didaxis.

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