Miser sur les énergies renouvelables ne suffit pas, il faut décentraliser et consommer moins d'énergie

OPINION. La prochaine révolution technologique est celle de la décentralisation. Elle sera plus disruptive que la dernière révolution industrielle, mais beaucoup plus rapide. La décentralisation de l'énergie sera au cœur de cette révolution. Plus que jamais, il faut agir vite et avoir une vision à 20 ans pour un plan d'action à 20 semaines. Par Xavier Dalloz, consultant spécialisé dans les nouvelles technologies.
(Crédits : Reuters)

Pour montrer l'importance de la décentralisation de l'énergie, il suffit de rappeler l'importance des investissements dans les infrastructures énergétiques de distribution (bornes de recharge pour véhicules électriques, hydrogène), de transport et stockage du carbone. Ils devraient passer de 290 milliards de dollars sur les cinq dernières années à environ 880 milliards de dollars en 2030 et les investissements dans le domaine des technologies à faible émission de carbone devrait passer de 530 milliards de dollars en 2033 à 1.700 milliards de dollars en 2030. Par exemple, le coût de l'énergie solaire devrait passer de 50 dollars par MWh en 2019 à moins de 30 dollars en 2040. Ce sera alors de loin l'énergie la moins chère, comparée au gaz naturel (65 dollars/MWh) ou au nucléaire (100 dollars/MWh). L'ARENA prévoit que d'ici 2050, l'énergie solaire, avec une capacité installée de 8.500 GW, et l'énergie éolienne, avec 6.000 GW, représenteraient les trois cinquièmes de la production mondiale d'électricité.

Nous assistons donc à l'émergence d'un modèle de production plus en plus décentralisé avec l'essor du solaire, mais aussi des parcs éoliens, de l'hydrogène, des batteries, des prosommateurs et des véhicules électriques (VE). Le modèle énergétique décentralisé est celui où les régions et les communautés partagent les avantages d'un ensemble de ressources énergétiques distribuées disparates et indépendantes produites localement associées à des systèmes de stockage d'énergie (en général des batteries). L'objectif est d'utiliser ces ressources énergétiques dans un « réseau communautaire » afin de répartir plus uniformément tout surplus de production d'énergie propre ou de fournir une résilience localisée en cas de défaillance du réseau plus important. On raisonne demande et efficacité et non production.

Centralisation versus décentralisation

Le système de gestion centralisée de l'énergie est un système dans lequel l'électricité est d'abord générée dans de grandes centrales électriques situées loin des consommateurs, transmise par des lignes de transmission à haute tension et distribuée aux utilisateurs finaux en utilisant les réseaux électriques comme intermédiaire.

Les systèmes énergétiques centralisés basés sur les combustibles fossiles ont été possibles grâce à de grands projets d'investissement avec des investissements et des prêts de l'État. De plus, les infrastructures énergétiques centralisées, vieillissantes et obsolètes ne sont parfois pas entretenues par les gouvernements. La conséquence est un gaspillage d'énergie est considérable.

L'enjeu est donc de faire mieux et consommer moins (Hyperloop , Mercedes EQXX PHEV ,2 roues Electrique, Skyway, Avion planeur hybride, etc.) en complétant ces mégaprojets centralisés à forte intensité de capital avec des projets de production d'énergie à petite échelle décentralisés et intelligents. Les acheteurs peuvent produire de l'énergie et la revendre au réseau ou au micro-réseau local, par exemple à une communauté de consommateurs, à un immeuble ou à un village.

Plus concrètement, les vrais enjeux de la décentralisation de l'énergie peuvent se résumer de la façon suivante :

  • Les sources d'énergie décentralisées
    • Les sources renouvelables fourniront notamment 80 % de l'approvisionnement énergétique total d'ici 2050, contre 20 % en 2020
  • Le stockage d'énergie
    • Le stockage d'énergie est particulièrement important pour le stockage d'énergie électrochimique stationnaire alimenté de manière fluctuante par des installations photovoltaïques et éoliennes.
  • Le smart grid
    • Les micro-réseaux deviennent une composante des réseaux intelligents, où un système de gestion de la charge est utilisé pour équilibrer la production et la consommation d'énergie.
  • La Blockchain
    • Il s'agit notamment de créer des systèmes de gestion et d'exploitation efficaces et rentables pour les plateformes d'énergie renouvelable desservant les communautés rurales hors réseau.

Il faudra créer des EDF locales qui sont interconnectés et produisent de l'énergie « à la demande » et non en fonction de programmes de production sur le long terme sans aucune flexibilité. Avec la décentralisation de l'énergie, on ne produit que ce que l'on consomme.

Les sources d'énergies décentralisées

  • Solaire
    • in 2020, la capacité photovoltaïque installée cumulée dans le monde atteignait 760,4 GW . Il devrait dépasser 1TW en 2022.
    • La forte réduction des coûts de l'électricité solaire (à la fois le coût de possession des systèmes et les coûts actualisés de l'électricité) va être un accélérateur de l'innovation technologique dans l'écosystème de l'électricité solaire.
  • Mini-centrales nucléaires (les SMR)
    • Cette technologie est basée sur ces réacteurs à eau sous pression (PWR) pour répondre aux besoins croissants du marché de l'électricité décarbonisée.
    • Les SMR ont une puissance qui varie de 10 à 400 MWh lorsqu'une centrale électrique a une puissance moyenne de 1.000 MWh.
    • L'AIE estime que cette transition devrait réduire la production mondiale d'électricité à partir du charbon de 80 % d'ici 2040 par rapport à son niveau en 2017. Leur taille offre également la possibilité d'en construire plusieurs.
    • La décision de la Commission de réglementation nucléaire (NRC) des États-Unis de modifier la zone de planification d'urgence (EPZ) autour de nouveaux réacteurs, va accélérer les déploiements des SMR. La nouvelle réglementation va permettre de fournir du chauffage urbain aux zones résidentielles voisines des SMR, ou de fournir de la chaleur à des applications industrielles telles que la fabrication de ciment ou d'acier.
  • Hydrogène
    • L'hydrogène est l'un des vecteurs énergétiques les plus prometteurs car respectueux de l'environnement, notamment parce que la quantité d'énergie produite lors de la combustion de l'hydrogène est supérieure à celle dégagée par tout autre combustible avec un faible pouvoir calorifique qui est respectivement 2,4, 2,8 ou 4 fois supérieur à celui du méthane, de l'essence ou du charbon.
    • L'hydrogène peut être produit localement, par exemple en cassant les molécules de méthane.
    • L'hydrogène peut être brûlé pour dégager de la chaleur ou converti en électricité à l'aide de piles à combustible. On va aussi voir émerger des moteurs thermiques fonctionnant avec de l'hydrogène.
  • Eoliens
    • Le vent est une source d'énergie propre et renouvelable et l'une des sources d'électricité les plus rentables. Par contre, les éoliennes peuvent être bruyantes et esthétiquement peu attrayantes, et peuvent parfois avoir un impact négatif sur l'environnement physique qui les entoure.
    • Semblable à l'énergie solaire, l'énergie éolienne est également intermittente, ce qui signifie que les turbines dépendent des conditions météorologiques et ne sont donc pas capables de produire de l'électricité 24h/24 et 7j/7.
    • Les petits parcs éoliens, par exemple, peuvent s'installer presque n'importe où et minimiser le besoin de lignes de transmission. Bientôt, à mesure que les logiciels de trading et la technologie de charge progresseront, les véhicules électriques commenceront à fournir le même support.
  • Géothermie
    • L'énergie géothermique peut être utilisé directement pour la chaleur ou pour créer de l'électricité.
    • L'un des avantages de l'énergie géothermique est qu'elle n'est pas intermittente comme l'énergie solaire et éolienne, ce qui signifie qu'elle peut être utilisée à tout moment de la journée, n'importe quel jour de l'année.

Stockage d'énergie

Rappelons qu'il existe plusieurs types de systèmes de stockage : les supercondensateurs, les batteries électrochimiques, le stockage d'énergie magnétique supraconducteur, le stockage d'énergie à air comprimé et le stockage d'énergie à volant d'inertie.

Ces dispositifs ont des caractéristiques différentes, notamment des temps de réponse, des capacités de stockage et des capacités de courant de crête, qui sont appliquées à des fins différentes avec des échelles de temps différentes.

Le moyen le plus connu pour stocker l'électricité est une batterie.

  • La batterie est un exemple de stockage d'énergie électrochimique, puisque l'électricité est stockée dans une réaction chimique réversible.
  • La demande de stockages électrochimiques (accumulateurs, batteries à flux redox) et de systèmes hybrides constitués de batteries et de super-condensateurs à haute densité de puissance ne cessera d'augmenter.
  • Les innovations dans le domaine des batteries sont très importantes : sans cobalt, sans métal, nanotubes de carbone, nickel-cadmium,sodium-ion, etc.
  • Le principal défi sera le développement de solutions système orientées vers les utilisateurs et des demandes spécifiques : par exemple le réacheminement de l'énergie éolienne excédentaire dans de grands systèmes de batteries pour stabiliser efficacement la tension et la fréquence du réseau de distribution.

Smart grid

La décentralisation vise à combler le fossé physique entre les producteurs d'électricité et ses consommateurs par le biais de micro-réseaux pour permettre une utilisation plus optimale des énergies renouvelables.

Ces micro-réseaux sont définis comme un réseau de distribution basse tension comprenant divers générateurs distribués (micro-turbines, piles à combustible, photovoltaïques, éoliennes, entre autres), ainsi que des dispositifs de stockage et des charges contrôlables pouvant fonctionner interconnectés ou isolés de la distribution principale.

Le système de gestion de l'énergie optimal peut efficacement optimiser, améliorer l'efficacité, fournir la flexibilité, la contrôlabilité et la viabilité économique du fonctionnement du système électrique.

Certains des sites sont même développés par MYNT en « micro-réseaux ».

En fin de compte, nous verrons l'évolution de la centrale électrique virtuelle (VPP), un réseau régional de DER tous gérés ensemble « virtuellement » via un logiciel basé sur le cloud, mais en capacité agrégée sur le même réseau communautaire.

La blockchain

La blockchain est au cœur de ce qui va se généraliser : l'Internet de l'énergie (IoE) et donc des plateformes de commerce d'énergie et la « sécabilité » de l'infrastructure énergétique. L'énergie basée sur la blockchain peut être échangée via des applications pour smartphone permettant des micropaiements effectués par le consommateur, créant ainsi un accès plus large et plus facile à l'énergie.

La blockchain en tant que technologie va notamment permettre de transférer des informations inchangées et fiables entre les clients. Ces informations peuvent être utilisées pour optimiser les objectifs globaux (minimisation de la consommation d'électricité du réseau, réduction des pertes de transmission, augmentation de la prévisibilité et donc des gains économiques sur les marchés de l'électricité ou en retardant les investissements) et utiliser les systèmes disponibles des communautés « prosumeurs », compte tenu d'une multitude de paramètres qui affectent la production optimisée de l'énergie.

La Blockchain va aussi permettre une économie circulaire avec de nouvelles solutions pour l'e-mobilité électrique, la démocratisation de l'énergie, les plateformes d'échange d'énergie P2P, la réponse à la demande, des compteurs intelligents, une automatisation de l'émission de certificats verts, du commerce du carbone, etc.

Le message est donc clair : il faut concentrer nos efforts sur la décentralisation de l'énergie et complètement réinventer le modèle économique de la production d'énergie en misant massivement sur les innovations digitales.

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Commentaires 3
à écrit le 08/11/2022 à 17:54
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"Par exemple, le coût de l'énergie solaire devrait passer de 50 dollars par MWh en 2019 à moins de 30 dollars en 2040" certainement si les méthodes de production n'évoluent pas... sauf que l'esprit n'est pas de mettre des panneaux solaires sans but m...

à écrit le 08/11/2022 à 17:11
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"Avec la décentralisation de l'énergie, on ne produit que ce que l'on consomme." Parfois il suffit d'une phrase pour faire perdre sa crédibilité à tout un article. C'est dommage, au-dessus, vous mentionnez une situation plus réaliste d'adaptation ent...

à écrit le 08/11/2022 à 12:45
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J'attire l'attention sur le corollaire de l'énergie décentralisée : les réseaux. Dans les IT, le réseau est passé de "périphérique" à "épine dorsale" qui contrôle tout ce qui lui est connecté. In fine, les technologies évoluent à vitesse variable, l'...

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